« C’est un message fort de la Cour contre l’impunité des puissants » – .

« C’est un message fort de la Cour contre l’impunité des puissants » – .
« C’est un message fort de la Cour contre l’impunité des puissants » – .
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Sandrine de Séna : Il s’agit sans aucun doute d’un moment historique pour la justice pénale internationale. Nous sommes ici face au premier mandat d’arrêt contre le chef d’un État membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. Nous sommes également ici confrontés à une inculpation pour des crimes de guerre spécifiques, la déportation et le transfert illégal d’enfants ukrainiens vers la Russie. Le timing n’est pas non plus, je crois, anodin. Il y a deux jours, la Commission d’enquête internationale des Nations unies a souligné le caractère emblématique de ces crimes. Vladimir Poutine et le commissaire russe aux droits de l’enfant sont également poursuivis individuellement en tant que hauts responsable. C’est un message fort de la Cour contre l’impunité des puissants, qui revient finalement à dire que personne n’a de laissez-passer pour la commission des crimes pour lesquels la Cour est compétente.

RFI : Mais la CPI n’est pas reconnue par la Russie. La Russie n’extrade pas ses citoyens. Malgré toutes ces limites, cette décision de la CPI est-elle un geste fort ?

Sandrine de Séna : Nous sommes ici face à une situation inédite, ni la Russie ni l’Ukraine ne font partie du Statut de Rome. C’est grâce à deux déclarations ad hoc faites par l’Ukraine en 2014 et 2015, que le procureur a pu établir sa compétence et enquêter sur les crimes commis en Ukraine. Donc, certains pourraient dire que c’est une décision politique, mais je pense qu’il y a une clarification importante à apporter à ces critiques. Certes, c’est le procureur qui a demandé à la Chambre préliminaire de délivrer un mandat d’arrêt, mais ce sont les juges et non le parquet qui ont estimé qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que des crimes de guerre avaient été commis et qu’il était donc nécessaire de délivrer un mandat d’arrêt.

Comment analysez-vous le fait que la CPI ait choisi de viser directement le président russe. Elle aurait pu d’abord poursuivre des fonctionnaires de niveau intermédiaire et passer progressivement à Vladimir Poutine. Et ici, c’est le contraire.

Oui, c’est clairement une audace de la Cour qui représente en réalité une rupture avec la politique pénale habituellement affichée par le parquet, qui est normalement celle de poursuivre les auteurs de rang intermédiaire, ou enfin les exécutants. La Cour décide vraiment ici de cibler le fonctionnaire le plus haut placé et je pense que c’est une décision à saluer.

La CPI a également choisi de rendre public ce mandat d’arrêt. Il aurait pu rester secret, comme c’est souvent le cas.

Le mandat aurait en effet pu rester secret, ce qui est généralement le cas. La Chambre préliminaire vient dire ici que le mandat d’arrêt a été rendu public dans l’intérêt de la justice et je crois que cela envoie un message fort d’abord à Vladimir Poutine qui voit ses déplacements nécessairement limités. Mais cela envoie aussi un message fort aux États parties qui doivent coopérer avec la Cour et qui sont finalement les seuls à pouvoir procéder à des arrestations puisque, comme on le sait, la Cour ne dispose pas de force de police. Je crois que c’est une façon pour la Cour de dire que la balle est désormais dans le camp des États parties.

Peut-on s’attendre à d’autres mandats ?

Probablement oui. Rien n’empêche la Cour d’émettre d’autres mandats d’arrêt, que ce soit cette fois pour des auteurs de rang intermédiaire.

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Ce mandat d’arrêt concerne l’enlèvement et la déportation d’enfants ukrainiens. La CPI n’aurait-elle pas pu poursuivre Vladimir Poutine pour les bombardements et la destruction d’infrastructures civiles cet hiver en Ukraine ?

En fait, comme l’a souligné la commission d’enquête dans son rapport, ces crimes sont assez emblématiques. Et quand on lit les premières lignes du préambule du Statut de Rome, il est fait référence aux enfants et aux crimes qui sont commis contre les civils, les populations, et en premier lieu contre les enfants. C’est un thème assez sensible, qui parle à tout le monde. Alors je pense évidemment que ce n’est pas anodin dans ce contexte.

Quand on parle de la volonté de la CPI d’impliquer les Etats parties, on se souvient d’Omar al-Bashir et de l’épisode de l’Afrique du Sud qui n’a pas voulu l’arrêter alors que le président soudanais était sur son territoire. On risque de se retrouver face à la même situation de la part de certains pays ?

Exactement. En fait, il rappelle clairement le précédent Omar Al-Bashir. La CPI avait jugé que l’Afrique du Sud avait manqué à son devoir d’arrestation lorsque le président soudanais s’était rendu sur son territoire. La CPI s’est abstenue de sanctions. Mais en même temps, le Statut de Rome ne le prévoit pas en cas de manque de coopération. La question qui se pose ici, est celle de l’immunité, qui est finalement liée à la fonction officielle. L’article 27 du Statut l’exclut, mais nous sommes ici confrontés à la question de l’immunité personnelle des chefs d’État qui ne sont pas parties à la Sstatut de Rome et l’Afrique du Sud avaient par exemple estimé qu’elle ne pouvait pas arrêter le chef de l’Etat soudanais. Alors, je ne sais pas si c’est la coïncidence du calendrier ou si l’Afrique du Sud n’a pas de chance, mais Vladimir Poutine doit normalement se rendre au sommet des BRICS, qui se tient en Afrique du Sud, cet été. . Alors, il faudra revoir si la Cour se retrouve face à un échec après le précédent épisode que nous venons d’évoquer.

En termes de comparaisons, ce mandat d’arrêt délivré contre Vladimir Poutine rappelle-t-il, selon vous, celui qui visait l’ancien dirigeant serbe Slobodan Milosevic ?

Non, j’aurais tendance à faire une comparaison avec le cas d’Omar Al-Bashir, mais pas forcément avec celui de l’ancien dirigeant serbe, d’autant plus qu’il ne s’agissait pas du même tribunal. C’était le Tribunal pour l’ex-Yougoslavie, ici c’est la Cour pénale internationale, donc je ne ferais pas de comparaison. PPersonnellement, je doute que les autorités russes soient jamais prêtes à livrer Vladimir Poutine à la Cour pénale internationale, mais le temps nous le dira.

Quand on parle des déplacements de Vladimir Poutine à l’étranger, de sa participation à des forums internationaux, on peut penser à la prochaine Assemblée générale des Nations unies en septembre prochain, à New York.

Certes, j’y ai pensé aussi. Ces déplacements deviendront forcément limités, compliqués et sur ce point, seul l’avenir nous dira comment les choses vont évoluer. En tout état de cause, cela risque de présenter des difficultés aux diplomates dans le cadre de la négociation d’un éventuel processus de paix. La question est de savoir si cela encouragera les négociations pour la paix ou, au contraire, sera un frein aux négociations.

Lire aussi Guerre en Ukraine : la CPI émet un mandat d’arrêt contre le président russe Vladimir Poutine

 
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