YASUYOSHI CHIBA / AFP
Des enfants avec le drapeau ukrainien à Sloviansk, le 30 janvier 2023.
GUERRE EN UKRAINE – Le 24 février 2022, son monde s’effondre. Olena vivait à Izium, dans la région de Kharkiv, avec son fils Andrii, âgé de 17 ans, lorsque les premiers chars russes sont entrés en Ukraine. “Nous avions tellement peur, mais nous avions cet espoir lancinant que tout serait bientôt fini”elle raconte le HuffPost un an plus tard.
Comme tout le monde, elle a essayé de continuer à vivre comme avant, entre les bombardements et les coupures de courant. Mais sa vie a de nouveau changé deux mois plus tard. “Ce jour-là, Andrii et ma mère sont venues à l’hôpital où j’étais infirmière pour recharger leurs téléphones avec le générateur, car nous les utilisions comme lampe de poche”elle se souviens.
Quelle est la prochaine après cette annonce
« Sur le chemin du retour, une bombe est tombée près d’eux. Ma mère est décédée. Mon fils blessé a été transporté à l’hôpital par l’armée russe », poursuit Olena. C’était le 30 avril 2022. « Les Russes lui ont dit que j’étais mort. Je ne l’ai retrouvé qu’un mois et demi plus tard par hasard, grâce à une Ukrainienne qui était dans le même département que lui. »
Des dizaines de camps « rééducation » repéré en Russie
Elle n’en dira pas plus sur les retrouvailles avec Andrii dans cet hôpital de Moscou, et encore moins sur la façon dont elle a réussi à partir avec son fils. « Nous avons réussi à quitter la Russie grâce à des gens bienveillants. Mais je ne peux pas en parler, désolé”elle s’arrête.
Comme Andrii, des milliers d’enfants ukrainiens ont été emmenés de force dans les territoires occupés ou en Russie : entre 260 000 et 700 000 selon les sources. Seuls 16 000 ont été identifiés, selon un décompte du gouvernement ukrainien. Les déportations ont été documentées par l’ONG Amnesty International en novembre 2022, puis détaillées par une étude de l’Observatoire des conflits réalisée par des chercheurs de Yale, une université américaine.
Quelle est la prochaine après cette annonce

Capture d’écran https://childrenofwar.gov.ua/
16 662 enfants ont été déportés et identifiés entre le 24 février 2022 et le 17 mars 2023.
Ce dernier, publié le 14 février 2023, révélait qu’au moins 43″ des champs “ et d’autres “lieux préparés” avaient été installés sur le territoire russe, certains en Sibérie. Dans certains d’entre eux, des enfants de tous âges sont « rééduqué »terme utilisé par les auteurs de l’étude, « devenir pro-russes dans leurs opinions personnelles et politiques ».
« Ils apprennent des chansons russes, l’hymne national. A Marioupol, lors du premier anniversaire de la guerre, certains d’entre eux ont été contraints de monter sur scène pour remercier les soldats russes de les avoir “sauvés””, expose à HuffPost Anastassiia Marushevska, fondatrice de Where are our people, une association qui enquête sur ces “enlèvements”.
“J’ai perdu tout contact avec ma famille”
Le fils de Denys, Pavlo, 9 ans, a failli se retrouver dans l’un de ces camps. Lorsque la guerre a éclaté, tous deux vivaient à Kupyansk, près de la région séparatiste pro-russe de Lugansk. Leur ville est aussitôt prise par l’armée russe le 24 février, et comme partout dans le pays, les connexions Internet et téléphoniques sont coupées. Comme Olena, il a quand même essayé de vivre une vie normale et a gardé son emploi dans l’informatique.
Quelle est la prochaine après cette annonce


Capture d’écran de Google Maps.
Kupyansk est situé près de la région de Lugansk en Ukraine.
En septembre, il explique au Huff Post, « L’armée ukrainienne a lancé une contre-offensive. C’était la dernière fois que j’ai vu ma femme, Yevheniia. Elle est allée voir mon fils qui s’était réfugié chez ma belle-mère dans le village de Koupiansk-Vuzlovy. Kupyansk a été libéré lors de l’avancée des forces de Kiev, mais pas Kupyansk-Vuzlovy. J’ai alors perdu tout contact avec ma famille. »
---Pavlo a tenté de quitter cette zone de guerre avec sa mère et un de ses oncles. Victime de bombardements, Yevheniia est décédée au cours de ce vol. Pavlo a été blessé et emmené par l’armée russe dans un hôpital de Lugansk. Après avoir signalé sa disparition et contacté la clinique qui n’a pas répondu à ses demandes, Denys a appris que si personne ne venait retrouver son fils, il allait être « déporté de force dans un camp russe ».
C’est finalement sa belle-mère qui est allée récupérer Pavlo en urgence. “Je n’aurais pas pu le faire moi-même, les Russes auraient pu me tuer ou me recruter pour leur armée”, justifie Denys. Après un voyage à travers différents pays, son fils a finalement pu quitter la Russie avec sa grand-mère et se réfugier en République tchèque.
Quelle est la prochaine après cette annonce

Maria Lvova-Belova, pièce maîtresse du système d’adoption
Que serait-il arrivé à Pavlo si son père ne l’avait pas retrouvé avant son arrivée dans un camp ? Aurait-il, comme certains enfants, été adopté par une famille russe ? Bien possible, car les expulsions de jeunes Ukrainiens sont devenues le maillon stratégique d’un système d’adoption mis en place par l’État et géré par Maria Lvova-Belova, commissaire aux droits de l’enfant en Russie depuis 2021.
Agé de 38 ans, cet ami proche de Vladimir Poutine traite du sort des jeunes Ukrainiens, souvent isolés de force de leurs familles, depuis le début de la guerre. « Ma partie préférée de mon travail consiste à placer ces enfants dans des familles. (…) On aide tous ceux qui le veulent, qui sont désespérés, les enfants qui le veulent »a-t-elle assuré lors d’un entretien avec le président russe le 16 février.
Preuve d’une véritable machine mise en place par le Kremlin : alors que l’adoption d’enfants étrangers sans le consentement du pays d’origine est interdite en Russie, Vladimir Poutine a signé un décret facilitant cette démarche grâce à une procédure de naturalisation. À l’été 2022, Maria Lvova-Belova assurait que 350″ orphelins », qui en réalité ne sont pas tous, avaient été adoptés.
Quelle est la prochaine après cette annonce

Les déportations, de crimes de guerre “ selon l’ONU
Déjà mère de cinq enfants biologiques et tutrice de 13 jeunes handicapés, Maria Lvova-Belova a elle-même adopté Filip. Cette adolescente de 15 ans originaire de Marioupol, la ville pilonnée par l’armée russe pendant des semaines au printemps 2022, a même reçu son passeport et sa nationalité russe, a-t-elle annoncé sur Telegram avec une photo d’elle et du jeune homme.

Compte de télégramme Maria Lvova-Belova
Maria Lvova-Belova et son fils adoptif, un adolescent de Marioupol.
Dans cette propagande, le commissaire et la Russie affirment ” protéger “ ces enfants “réfugiés”. “Absurdité”réplique Anastassiia Marushevska de Où sont nos gens. “Ce sont des criminels. Certains enfants sont préparés à l’adoption, parfois les autorités changent leur identité pour qu’ils ne puissent pas être retrouvés. Ils proposent des enfants ukrainiens et expliquent aux familles russes à quel point il est bon de les adopter. On se croirait en 1984 [le roman dystopique de George Orwell, ndlr] »s’exclame-t-elle.
L’ONU a également condamné le transfert et la déportation des enfants le jeudi 16 mars. « Les situations examinées violent le droit international humanitaire et constituent un crime de guerre », concluent les enquêteurs dans ce premier rapport publié depuis le début de l’invasion russe. Des associations et le président ukrainien Volodymyr Zelensky parlent même de “crime contre l’humanité”.
Quelle est la prochaine après cette annonce

“Les enfants ne peuvent pas être traités comme du butin de guerre”, a également dénoncé le procureur général de la Cour pénale internationale Karim Khan, qui enquête sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis par la Russie. Ce vendredi 17 mars, la CPI a également émis des mandats d’arrêt contre Maria Lvova-Belova et Vladimir Poutine.
En attendant que les responsables soient traduits en justice, la priorité d’Anastassiia Marushevska et de son association est de “mettre fin à la guerre”. Cependant, prévient-elle, ” Elle ne prendra fin que lorsque les déportés rentreront chez eux ».
Voir aussi sur Le HuffPost :
- Vous avez refusé les cookies associés à des contenus de tiers en vous inscrivant. Vous ne pourrez donc pas lire nos vidéos qui ont besoin de cookies tiers pour fonctionner.
- Vous utilisez un bloqueur de publicité. Nous vous conseillons de le désactiver pour accéder à nos vidéos.
Si vous n’êtes dans aucun de ces deux cas, contactez-nous au [email protected]