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Ces algues des neiges qui deviennent rouge sang au soleil

La neige prend parfois des couleurs originales… et le plus intriguant, c’est que la neige rouge sang abrite des algues, qui favorisent la biodiversité dans ce milieu que l’on croit si « vierge ».


La neige est la plupart du temps blanche, mais au printemps le manteau neigeux change parfois de couleur. Du gris, du noir, du jaune, de l’orange… et même du rouge ! Rouge, vraiment ? Cette couleur serait-elle le vestige d’un combat sanglant entre bouquetins ? Les panneaux des pistes de ski ont-ils déteint sur la neige ?

La réalité peut paraître tout aussi farfelue, car la couleur rouge de la neige est en réalité due à des algues microscopiques. Ces cellules d’algues sont un peu plus petites que l’épaisseur d’un cheveu humain, à peine visibles à l’œil nu. Mais alors, qui sont ces algues des neiges ? Où et quand les rencontrer ? Partons en montagne pour tenter d’élucider ces mystères.

A la fin du printemps, dans les alpages, les skieurs ne trouvent plus assez de neige, et les randonneurs estiment qu’il y en a encore trop. La montagne est donc paisible. Les marmottes peuvent sortir de leurs terriers et courir entre les gentianes et les anémones. Les derniers névés résistent encore dans les vallées. La surface de ces vieilles neiges n’est pas blanche, mais pleine de particules microscopiques. On remarque souvent des teintes orangées dues aux dépôts de sable saharien de l’hiver précédent. Parfois, des taches rouges et éparses apparaissent, ce sont ces fameux amas d’algues microscopiques, qu’on appelle aussi « blooms d’algues » (floraison signifie « floraison » ou « efflorescence » en anglais).

Alternance de floraisons d’algues rouges, et de nuances orangées dues à la présence de poussières sahariennes, sur le glacier de Leschaux dans le massif du Mont Blanc en juin 2020.
Bruno Jourdain, Fourni par l’auteur

Ces blooms apparaissent entre 2.000 et 3.000 mètres d’altitude un peu partout dans les Alpes, entre autres en Vanoise, dans le Valais suisse ou dans le Ruitor italien, et sont observables sur presque tous les continents, notamment au Groenland et en Antarctique.

Dans les Alpes, l’espèce qui prédomine dans ces fleurs rouges est appelée Sanguine nivaloïde. On le voit apparaître lors de longues périodes de fonte, qui donnent plus de temps aux algues pour se développer dans un manteau neigeux saturé d’eau liquide à une température de 0°C. Initialement présentes dans les sols de haute montagne, avec un mode de vie qui intrigue toujours les scientifiques, les cellules d’algues sont équipées de deux petits flagelles qui leur permettent de nager. Après avoir perdu leur manteau, la neige entame sa fonte printanière, les algues quittent le sol, se multiplient et se déplacent dans l’eau liquide qui entoure les grains de neige. A un instant donné, selon un processus cellulaire encore mal élucidé, les cellules des algues entament une métamorphose : elles perdent leurs flagelles, deviennent complètement sphériques et deviennent rouges.

En fait, les algues ont besoin d’eau pour croître, mais elles n’ont pas nécessairement besoin d’océans, de rivières ou d’étangs. Les algues sont présentes partout sur Terre, à condition qu’il y ait un peu d’humidité, par exemple sur les murs des maisons, à la surface des troncs d’arbres, des rochers, du pelage des animaux, etc. On les trouve également dans les sols des montagnes. La fonte des neiges fait donc partie des habitats que peuvent peupler les algues, et sanguine profitez-en. Cependant, les algues des lacs ou des mers sont souvent vertes, alors que sanguine nous apparaît rouge…

Pourquoi la couleur rouge ?

Initialement, sanguine est une algue verte. Comme toutes les algues vertes, sanguine produit de la matière organique en effectuant la photosynthèse, qui utilise l’eau, le dioxyde de carbone et la lumière comme source d’énergie. L’énergie véhiculée par la lumière est captée grâce à la chlorophylle qui lui donne sa couleur verte.

Cellules de Sanguine nivaloïde (Sn) avec des bactéries (d).
Ezzedine et coll., 2023, Fourni par l’auteur

Mais lorsque le rayonnement solaire est très intense, la photosynthèse surchauffe. Les électrons porteurs de l’énergie excédentaire de la lumière réagissent avec l’oxygène, ce qui conduit à la production de composés toxiques, appelés « ROS » (pour espèces réactives de l’oxygène). Ces ROS sont instables et nuisent au fonctionnement de la cellule : elles peuvent entraîner une dégradation des membranes biologiques, de l’ADN, des protéines et de toutes sortes de constituants de la cellule – la cellule algale subit ce que l’on appelle le « stress oxydatif ».

Cependant, la surface du manteau neigeux est très lumineuse. Pour réduire le stress oxydatif, sanguine accumule donc des quantités phénoménales de pigments rouges qui contribuent à détoxifier la cellule. Un pigment antidote. Un pigment anti-poison. Celui-ci accumule et cache à notre vue la chlorophylle, qui reste pourtant présente. Plus il y a de soleil, plus il y a de stress, plus sanguine produit des pigments rouges pour se protéger des effets des rayons les plus destructeurs du soleil, et plus le manteau neigeux devient rouge sang.

Commentaire Sanguine nivaloïde est-ce qu’elle arrive à vivre dans la neige ?

Pour nous, les humains, le manteau neigeux est un environnement froid. sanguine aime en effet les basses températures, inférieures à +10°C. Au printemps, le manteau neigeux offre un havre de fraîcheur. Cependant, quand sanguine est gelé pendant plusieurs heures, il n’est plus capable d’assurer ses fonctions physiologiques comme la photosynthèse et il meurt. Heureusement, la couche de neige qui le recouvre en hiver est isolante, elle fait barrière au grand froid, et maintient le sol à des températures proches de 0°C.

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De plus, dans cet environnement protecteur, il est baigné d’une lumière qui se diffuse dans toutes les directions. D’en haut bien sûr, mais aussi de côté et d’en bas. Elle possède son antidote à l’excès de lumière, le pigment rouge, et peut réaliser sereinement la photosynthèse grâce à la chlorophylle. Sa structure cellulaire diffère des algues classiques : en orientant ses capteurs photosynthétiques dans toutes les directions de l’espace, elle peut boire la lumière venant de toutes les directions.

Finalement, la membrane qui la délimite est complètement froissée, au point que cela augmente la surface d’échange avec l’eau circulant dans la neige, ce qui permet sanguine pour absorber autant de nutriments que possible, par exemple le phosphate.

sanguine change son environnement

sanguine est important dans cet environnement de fonte des neiges. D’abord parce qu’elle est pionnière dans un environnement « nouveau », dépourvu d’êtres vivants. En produisant de la matière organique par photosynthèse, sanguine convertit la fonte des neiges en un environnement propice à d’autres formes de vie. Tout un écosystème microbien peut alors s’y développer, avec par exemple des bactéries ou des champignons microscopiques.

Floraison d’algues dans la Vanoise, juin 2024.
Thomas Pause, Fourni par l’auteur

sanguine est aussi un architecte qui modifie les propriétés de la neige en la colorant. En effet, les cellules d’algues augmentent la quantité d’énergie solaire absorbée par la couverture neigeuse. Localement, cela contribue à maintenir l’environnement de fonte des neiges qu’il apprécie, mais cela contribue à accélérer la fonte des neiges.

Dans l’ensemble des Alpes, les proliférations d’algues accélèrent également la fonte du manteau neigeux, mais leur présence concerne moins de 2% de la surface au-dessus de 1800 mètres, cet effet reste donc limité à de petites zones. En revanche, dans d’autres régions du monde, les algues des neiges ont un impact plus important sur la fonte des neiges et des glaciers.

Et maintenant ?

En janvier 2025, la neige fraîche recouvrait déjà les sommets alpins dépassant les 2000 mètres d’altitude. sanguinequi était au sol l’été dernier, est désormais recouvert, caché sous le manteau neigeux qui le protège du gel. Au printemps prochain, lorsque l’enneigement sera encore de plusieurs dizaines de centimètres par endroits, on retrouvera sanguine à la surface de la neige.

Par quelle opération aura-t-elle réussi à remonter à la surface ? Que se passe-t-il lorsque la neige a fini de fondre et que l’eau s’infiltre dans le sol ? Comment la colonie survit-elle d’une année sur l’autre ?

Ses origines et son avenir sont également mystérieux. Depuis quand sanguine Est-ce qu’il pousse en montagne ? Avec le changement climatique, quel avenir lui réserve-t-il dans les siècles à venir ?

Par exemple, nous avons pu montrer que dans les Alpes européennes, le facteur limitant de la prolifération des algues des neiges était la durée de fonte, à l’avenir il y aura soit un nombre stable de proliférations, soit une légère diminution. Dans d’autres endroits du monde, où les facteurs limitants des blooms sont différents (lumière, nutriments), on peut imaginer que les blooms d’algues des neiges se multiplient – ​​c’est un enjeu particulièrement important pour la fonte des glaces au Groenland.

 
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