Près de 80 % des patients suivis en néphrologie pour insuffisance rénale chronique (IRC) sont hypertendus. Et plus l’état du patient s’aggrave au niveau rénal, plus l’hypertension est importante. L’hypertension et l’IRC sont intrinsèquement liées. L’hypertension est un déterminant important de la détérioration de la fonction rénale et du risque cardiovasculaire, et la détérioration de la fonction rénale aggrave l’hypertension. Les patients souffrant d’hypertension et d’IRC doivent être traités avec davantage de médicaments pour contrôler leur tension artérielle.
A l’occasion des Journées de l’Hypertension Artérielle (JHTA) qui se sont tenues à Paris en décembre 2024, le Pré Belén Pontechef de l’unité d’hypertension (département de néphrologie et d’hypertension, Hôpitaux universitaires de Genève), a détaillé de nouvelles stratégies de prise en charge de l’hypertension chez les patients souffrant à la fois d’hypertension et d’insuffisance rénale. Le traitement fait bien sûr appel à des médicaments antihypertenseurs, mais désormais des médicaments néphroprotecteurs sont également associés.
La physiopathologie de l’hypertension dans l’insuffisance rénale chronique est complexe. Elle est liée notamment à la rétention d’eau et de sel, à l’augmentation des liquides extracellulaires, à l’augmentation de la résistance vasculaire et à l’augmentation de l’activité sympathique… Le risque cardiovasculaire chez ces patients souffrant à la fois d’hypertension et d’insuffisance rénale, est d’autant plus élevé que le risque glomérulaire le taux de filtration est plus faible et l’albuminurie est plus élevée, deux prédicteurs indépendants d’un risque cardiovasculaire accru.
Par ailleurs, les patients souffrant d’insuffisance rénale présentent un profil tensionnel particulier. Ils présentent souvent une labilité de la pression artérielle, avec une hypertension nocturne liée à une rétention subclinique de sel et d’eau. Cette hypertension artérielle nocturne est associée à des troubles du sommeil fréquents, notamment l’apnée obstructive du sommeil qui touche 25 à 57 % des patients dialysés contre 10 % de la population générale. En outre, près de la moitié des patients souffrant d’insuffisance rénale chronique souffrent d’hypertension résistante au traitement, en particulier aux stades avancés de l’IRC.
Comment gérer l’hypertension chez les patients souffrant à la fois d’hypertension et d’insuffisance rénale ?
« Pour ces patients à haut risque vasculaire, il faut commencer immédiatement par deux médicaments à doses modérées, dit le professeur Belén Ponte. En privilégiant les traitements antagonistes du système rénine-angiotensine, qui ont également un effet néphroprotecteur. Il est recommandé de débuter un traitement par des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine ou des antagonistes de l’angiotensine 2. Pour améliorer l’efficacité, tout en protégeant les reins, il est nécessaire de prescrire un diurétique en association, ce qui améliore le contrôle de la kaliémie. »
-De nouvelles options thérapeutiques
En juin 2023, la Société Européenne d’Hypertension (ESH) a publié de nouvelles recommandations, dont plusieurs concernent le traitement de l’hypertension chez les patients atteints d’insuffisance rénale chronique. En particulier, l’utilisation de spironolactone ou de chlorthalidone est recommandée chez les patients souffrant d’hypertension résistante, en fonction de leur débit de filtration glomérulaire.
Ces recommandations mettent également en avant l’intérêt de la prescription de néphroptoprotecteurs. « Certains médicaments néphroprotecteurs ont effectivement un impact sur la tension artérielle. En plus de protéger les reins, ils réduisent également la tension artérielle. Ils représentent désormais des traitements ciblés pour les patients souffrant à la fois d’hypertension et d’IRC, souligne l’expert. Dans cette catégorie, on retrouve notamment les inhibiteurs du SGLP2 (inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose de type 2) et les agonistes du GLP1 (analogues du glucagon-like peptide 1) utilisés contre le diabète de type 2 et plus récemment contre l’obésité. . Ces agonistes du GLP1, en plus de protéger les fonctions rénales, permettent une perte de poids, ce qui a un effet favorable sur la tension artérielle.
Ces deux classes ont un effet néphroprotecteur et antihypertenseur. Il s’agit d’une petite révolution dans la prise en charge des patients hypertendus souffrant d’insuffisance rénale. Associés à des antihypertenseurs, ils permettent une réduction supplémentaire de l’hypertension de 2 à 5 millimètres de mercure. D’autres médicaments néphroprotecteurs font actuellement l’objet d’essais cliniques, comme de nouveaux antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes non stéroïdiens ou la finerénone. De plus, des innovations prometteuses arrivent pour la prise en charge de l’hypertension associée à l’insuffisance rénale chronique.
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