Une vingtaine de minutes perdues. 17 minutes si vous êtes un homme, 22 minutes si vous êtes une femme. C’est ce qui ressort, entre autres, d’une étude publiée le 29 décembre 2024 par des chercheurs de l’University College London. Contrairement aux idées reçues, fumer réduit le nombre d’années en bonne santé et non celles de fin de vie lorsque l’on est vieux et en mauvaise santé.
Chaque cigarette apporte son lot de risques : accidents vasculaires cérébraux, cancers (poumons, ORL, vessie, pancréas), crises cardiaques et maladies respiratoires, sans oublier que « le tabac favorise le diabète selon les études ».
« Je prends toujours une image : celle du sablier. Les grains de sable représentent la bonne santé et quand ils se sont tous échappés, il faut prendre soin de soi », explique Christian Frantz, chef du service de pneumologie des hôpitaux Robert Schuman.
Selon l’étude menée par des chercheurs britanniques, il est largement admis que « le tabagisme empiète principalement sur les années intermédiaires relativement saines plutôt que sur la fin de la vie ». Ainsi, un fumeur de 60 ans aurait le profil de santé d’un non-fumeur de 70 ans.
Christian Frantz
Chef du service de pneumologie des hôpitaux Robert Schuman.
« Ce qu’il faut retenir, c’est qu’un fumeur sur deux mourra prématurément d’une maladie directement liée au tabac. Les fumeurs perdent en moyenne 10 ans d’espérance de vie ! Dès qu’on arrête de fumer, c’est bénéfique même si l’on est vieux. Probablement, après cinq ans d’abstinence, on retrouve presque l’espérance de vie que l’on aurait eu sans fumer», souligne Catherine Charpentier, pneumologue et tabacologue au Centre Hospitalier de Luxembourg (CHL).
Au Luxembourg, selon les chiffres 2023 d’une enquête réalisée par la Fondation Cancer et le ministère de la Santé et de la Sécurité sociale, 27% des résidents luxembourgeois de plus de 16 ans fument, soit environ 149.000 personnes. 18 % sont considérés comme des fumeurs quotidiens.
Ce qui inquiète profondément les médecins et la Fondation Cancer, c’est la proportion de jeunes qui ne cesse d’augmenter depuis 2019. « Il y a de plus en plus de jeunes et de filles. Au Luxembourg, il y a aussi un phénomène étonnant : la chicha est très à la mode et pourtant, on est loin de l’image cool et écolo qu’on lui prête à tort, les concentrations de nicotine sont très élevées, conduisant rapidement à une forte dépendance.» remarque Catherine Charpentier.
Les chiffres de l’enquête 2023 menée par la Fondation Cancer et le ministère de la Santé et de la Sécurité sociale
La réduction n’aurait aucun effet face à un arrêt total
Si vous incluez arrêter de fumer dans vos résolutions pour 2025, vous pourriez gagner beaucoup de temps. Selon les estimations proposées par l’étude britannique, un fumeur, avec dix cigarettes au compteur par jour, qui arrête de fumer le 1er janvier 2025 gagne « une journée entière de vie » au 8 janvier. une semaine de vie au 20 février, un mois après le 5 août et aurait gagné 50 jours de vie d’ici la fin de l’année rien qu’en arrêtant de fumer.
Réduire sa consommation de tabac, est-ce vraiment utile ? La réponse pencherait vers non. « Cela ne sert à rien de réduire sa consommation de cigarettes. Si nous réduisons notre consommation de cigarettes, nous adaptons instinctivement notre façon de fumer pour tirer plus fort sur notre cigarette afin d’inhaler la même dose de nicotine, alors les particules de tabac pénètrent plus profondément dans l’arbre bronchique », souligne Catherine Charpentier. .
Si elle est sociale et très souvent associée à des habitudes (comme le fameux café et la cigarette ou celle après un repas), la dépendance est aussi physique et les syndromes de sevrage peuvent générer différentes réactions : « la personne peut être grincheuse, avoir des pulsions douces,… »
« Il existe une réelle dépendance physique à la nicotine. Certaines personnes utilisent la nicotine pour se concentrer. Une étude a publié l’expérience suivante : les fumeurs très dépendants à la nicotine qui prennent un vol long-courrier de 8 ou 10 heures sont informés qu’ils ne pouvaient pas fumer pendant le vol mais qu’ils le pourraient une fois arrivés à l’aéroport. Pendant le vol, tout se passe bien ; par contre, arriver à l’aéroport avec une attente inattendue devient vite insupportable sans tabac », explique Catherine Charpentier.
Les pneumologues divisés sur la question de la cigarette électronique
« Il faut casser cette image super sympa de la cigarette électronique, aux arômes pensés pour séduire les jeunes : elles représentent une porte d’entrée vers le tabagisme » explique Catherine Charpentier. De plus en plus de fumeurs abandonnent la cigarette traditionnelle pour la cigarette électronique dans l’espoir d’arrêter de fumer. Est-ce vraiment la bonne chose à faire ? Même les spécialistes du secteur, les pneumologues, peinent sur la question.
« Deux camps s’opposent : celui qui dit qu’on ne connaît pas les effets de la cigarette électronique à long terme, contrairement à la cigarette où on a des données sur 80,90 ans. L’autre camp, auquel j’adhère personnellement, qui dit que la cigarette classique fait d’énormes dégâts et qu’on a l’impression que les effets secondaires de la cigarette électronique le sont moins chez les fumeurs actifs, nous le proposons”, explique Christian Frantz, responsable de pneumologie aux hôpitaux Robert Schuman.
Quoi qu’il en soit, tout arrêter semble être la solution la plus sûre pour ne plus s’exposer aux maladies liées au tabac. « On a la sensation de gagner un espace de liberté, d’économiser de l’argent, de retrouver l’odorat et le goût, la peau est aussi plus lisse », énumère Catherine Charpentier. Pour sortir de l’addiction, plusieurs solutions existent : contacter un professionnel : un tabacologue. Des produits de substitution peuvent être pris pour compenser les premiers mois comme des pastilles de nicotine, des patchs, etc.
Augmenter les prix, une urgence indispensable au Luxembourg ?
Le prix d’un paquet de cigarettes au Luxembourg coûte en moyenne 6 € pour un paquet de 20. C’est bien moins qu’en France (12,5 €), en Belgique (9,5 €), en Allemagne (8,5 €), aux Pays-Bas (9 €) ou en Irlande (13€). Difficile donc de s’arrêter au « paradis de la cigarette », où le prix reste largement avantageux ?
« Nous avons une stratégie de génération sans tabac. La jeunesse est un pilier très important. S’ils ne commencent pas à fumer, il n’y aura pas de problème de dépendance et d’arrêt. Ce n’est pas seulement le rôle du gouvernement, mais aussi celui de la société», souligne Lex Schaul, responsable de la santé publique à la Fondation contre le cancer au Luxembourg.
« Un projet de loi n°8833 vise également à agir dans la lutte contre le tabac. Les sachets de nicotine doivent être réglementés et l’accès aux mineurs interdit. Ces sachets sont fortement dosés en nicotine, de l’ordre de 20 mg, soit l’équivalent d’une dizaine de cigarettes. Les cigarettes électroniques jetables, et la publicité qui y est liée, constituent également un problème pour l’initiation des jeunes au tabac », explique Lex Schaul.
Au Luxembourg, le nombre de décès attribués au tabac est d’environ 17%. Selon une estimation, le nombre de décès liés au tabac est de 763 par an. La Fondation Cancer parle d’environ 1.000 décès.
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