Des changements survenant dans une région du cerveau touchée très tôt par la maladie d’Alzheimer pourraient expliquer pourquoi certaines personnes âgées risquent d’être victimes de fraude. C’est la conclusion d’une nouvelle étude, publiée dans la revue Cortex cérébral.
En tant que neuropsychologue clinicien et doctorant en psychologie clinique, nous étudions dans notre laboratoire si le fait d’être plus susceptible d’être victime de fraude financière pourrait être un indicateur précoce d’un déclin futur. cognitif.
D’autres recherches semblent soutenir cette idée. Cependant, à l’heure actuelle, les études explorant les associations entre la vulnérabilité à l’abus financier et l’état des structures cérébrales restent limitées. Nous avons donc décidé d’examiner le lien entre l’épaisseur du cortex entorhinal – une région du cerveau touchée très tôt par la maladie d’Alzheimer – et la vulnérabilité aux arnaques financières chez un groupe de 97 adultes âgés de 52 à 83 ans ne présentant aucun signe de déficience cognitive.
Le cortex entorhinal est essentiel à la communication entre l’hippocampe, qui joue un rôle central dans la récupération de la mémoire et la projection dans le futur, et le cortex préfrontal ventromédian, important pour les jugements de valeur.
Nous avons émis l’hypothèse que l’amincissement de cette région pourrait nuire à la capacité de s’appuyer sur les expériences passées et de considérer les conséquences futures lors de l’évaluation de certaines décisions.
Notre étude a révélé qu’une épaisseur réduite du cortex entorhinal, mesurée par IRM, était associée à une vulnérabilité accrue à la tricherie, mesurée par un questionnaire auto-administré.
Nous n’avons pas observé d’associations entre la vulnérabilité à l’exploitation financière et l’épaisseur de deux régions du cortex frontal, le cortex préfrontal dorsolatéral et le cortex préfrontal ventromédian. Ces régions sont généralement associées à la prise de décision, mais moins impliquées dans les premiers stades de la maladie d’Alzheimer.
Pourquoi c’est important
Notre objectif principal est de contribuer à la détection précoce de la maladie d’Alzheimer. Cette détection est cruciale car les changements cérébraux liés à la maladie d’Alzheimer commencent des décennies avant l’apparition de symptômes cliniques significatifs.
En conséquence, souvent au moment où la maladie est diagnostiquée, des lésions cérébrales irréversibles sont déjà survenues, ce qui rend la prise en charge difficile.
Notre étude s’ajoute au nombre croissant de travaux suggérant que les difficultés liées à la prise de décision financière pourraient être un signe précoce d’un futur déclin cognitif. S’il s’avère que tel est effectivement le cas, la détection de tels problèmes pourrait permettre d’identifier la maladie à ses premiers stades, qui sont également ceux où les traitements permettant de ralentir sa progression sont les plus efficaces. .
Attention cependant, ces travaux ne suggèrent pas que toutes les personnes âgées ayant pu être victimes de fraude financière développeront la maladie d’Alzheimer. En effet, le risque de se retrouver dans une telle situation dépend aussi de bien d’autres facteurs, qu’ils soient psychosociaux, physiques ou environnementaux.
Les travaux de notre équipe, comme ceux d’autres groupes de recherche, indiquent plutôt que la vulnérabilité à ce type d’arnaque doit être considérée comme un élément clé, lorsqu’il s’agit d’établir un profil de risque. Son existence inciterait à réaliser des tests plus approfondis, afin d’évaluer la probabilité d’un déclin cognitif futur : recherche de marqueurs de la maladie d’Alzheimer par des analyses de sang, réalisation d’IRM, réalisation de tests neuropsychologiques, etc.
Les limites de ce travail
Notre étude présente des limites importantes. Toutes les données sur lesquelles il s’appuie sont spécifiques : elles n’ont été collectées qu’une seule fois, à un instant donné. De plus, nous n’avons pas évalué si les participants présentaient des profils neuropathologiques évocateurs de la maladie d’Alzheimer. De ce fait, il est difficile de déterminer si les différences d’épaisseur du cortex étaient véritablement dues à des modifications cérébrales liées à la maladie d’Alzheimer, ou à des différences préexistantes (ou même à d’autres raisons).
De plus, les personnes recrutées étaient principalement des femmes blanches et très instruites. Cela limite la possibilité de généraliser ces résultats. Il sera important de combler cette lacune dans les recherches futures.
Pour dépasser ces limites, nous suivrons les participants sur le long terme, et inclurons dans notre protocole d’étude des analyses visant à déterminer la présence ou l’absence de signes neuropathologiques de la maladie d’Alzheimer dans notre étude. De cette façon, nous serons mieux en mesure de vérifier si les changements structurels qui se produisent au fil du temps dans le cerveau s’accompagnent effectivement d’une vulnérabilité accrue aux escroqueries financières, et si ces changements sont liés aux premiers stades de la maladie d’Alzheimer.
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