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La révolution Ozempic ou la ruée vers de nouveaux traitements pour perdre du poids

Ozempic, Mounjaro, Wegovy ou Zepbound, ces nouveaux médicaments ont révolutionné la prise en charge du diabète et de l’obésité et pourraient même être bénéfiques pour d’autres maladies. Un succès planétaire fulgurant, convoité par les laboratoires du monde entier, avec son lot d’abus.

Des shots pour maigrir, plébiscités par des milliers d’anonymes sur les réseaux sociaux. Ces traitements étaient à l’origine réservés aux diabétiques. L’effet sur la perte de poids a été découvert un peu par hasard. Imitant une hormone intestinale, appelée GLP-1, ces médicaments ralentissent la digestion et réduisent la sensation de faim. Pour traiter l’obésité, deux traitements contenant ces analogues du GLP-1 ont actuellement le vent en poupe : Wegovy, qui contient la même molécule que l’antidiabétique Ozempic, mais à une dose plus élevée, et Zepbound, qui contient le même principe actif. comme l’antidiabétique Mounjaro.

« Ces produits sont ce que nous appelons en anglais changeurs de jeuprécise Antoine Flahault, directeur duInstitut de médecine globale de l’Université de Genève. « Cela change la donne, notamment pour le traitement de l’obésité et du diabète, mais aussi pour de nombreuses autres pathologies. »

« Avec l’activité physique et l’alimentation, on peut espérer, en étant vraiment assidu et observateur, perdre 5 à 10 % de son poids. C’est pratiquement le double de ce qu’on peut espérer avec ces produits”, poursuit-il dans l’émission. Géopolitique.

Course au « tir miracle »

Malgré une production effrénée, la demande pour ces médicaments dépasse largement l’offre. Deux sociétés pharmaceutiques dominent actuellement ce marché des analogues du GLP-1 : le danois Novo Nordisk et l’américain Eli Lilly se livrent une bataille acharnée. Pour le seul premier semestre 2024, les ventes combinées d’Ozempic et de Wegovy ont totalisé près de 11 milliards de dollars. Zepbound et Mounjaro ont rapporté près de 7 milliards de dollars.

Novo Nordisk est la plus grande capitalisation boursière européenne. [RTS – Géopolitis]

D’autres laboratoires se joignent à la course, parmi lesquels les géants Roche, Pfizer et AstraZeneca. La société californienne Viking Therapys est également très avancée et ambitionne de concurrencer Eli Lilly. Dans les cinq prochaines années, les analystes prévoient l’arrivée d’une quinzaine de nouveaux traitements. Sans compter que la Chine et l’Inde émergent déjà sur le marché des génériques. Les brevets Ozempic et Wegovy y expirent en 2026. « Aujourd’hui, il y a déjà de très grands groupes chinois qui sont en lice et qui commencent à avoir tout le savoir-faire pour produire. Le jour où le brevet tombera, on verra les génériques inonder le marché», prédit Antoine Flahault.

Novo Nordisk et Eli Lilly continuent d’investir massivement dans la recherche pour développer de nouvelles molécules et injecter des milliards dans de nouvelles lignes de production. Le PDG de Novo Nordisk, Lars Fruergaard Jørgensen, affirme que depuis le début de l’année dernière, son groupe a engagé pas moins de 30 milliards de dollars pour augmenter sa capacité de production.

D’autant que ces produits pourraient avoir de nouveaux marchés potentiels : des études cliniques – parfois encore très préliminaires – ont indiqué des résultats prometteurs dans les pathologies cardiovasculaires, rénales, hépatiques, l’apnée du sommeil ou les maladies neurodégénératives comme Parkinson ou Alzheimer. Ces traitements semblent même efficaces contre les addictions : la société Eli Lilly a récemment annoncé vouloir tester son efficacité sur la dépendance à la nicotine et à l’alcool.

L’obésité a plus que doublé en 30 ans

Le nombre de personnes obèses a plus que doublé depuis les années 1990. [RTS – Géopolitis]

Pour le seul traitement de l’obésité, le potentiel est considérable. En 2022, 2,5 milliards d’adultes dans le monde étaient en surpoids, dont 890 millions souffraient d’obésité. Il s’agit d’un enjeu de santé publique majeur mais aussi d’un enjeu économique. Selon une étude du cabinet de conseil McKinsey, l’obésité coûte chaque année au monde 2 000 milliards de dollars. C’est l’équivalent du PIB de l’Italie ou du Brésil.

Cependant, ces nouveaux traitements anti-obésité ne sont pour l’instant commercialisés que dans une poignée de pays, une quinzaine, principalement en Europe, dont la Suisse, en Amérique du Nord et en Chine depuis cette année. Les prix varient considérablement : aux États-Unis, le coût de ces médicaments peut dépasser 1 300 dollars par mois, soit près de neuf fois plus qu’en Allemagne par exemple.

Vous ne devriez pas le proposer uniquement pour le mettre dans votre maillot de bain

Antoine Flahault, directeur de l’Institut de médecine globale de l’Université de Genève

L’obésité est considérée comme une maladie chronique par l’OMS, mais ces médicaments ne sont pas remboursés dans tous les pays du monde. «En Suisse, Wegovy contre l’obésité n’est remboursé que trois ans», souligne Antoine Flahault, qui précise que ce type de traitements devront être prescrits «sans doute pendant une longue période» pour être efficaces à long terme.

Pour lui, le plus important est que tous ceux qui en ont besoin puissent bénéficier de cette avancée thérapeutique. Le médecin met également en garde contre le mauvais usage de ces médicaments produits en quantités limitées. “Il ne faut en effet pas le proposer juste pour rentrer dans notre maillot de bain (…) Je crois qu’avec tous les stocks dont nous disposons aujourd’hui, nous pourrions traiter 10 % de la population obèse en Amérique du Nord.”

À l’instar des États-Unis et de l’Australie, les pays du Golfe affichent des taux d’obésité parmi les plus élevés au monde. En Arabie Saoudite, comme dans d’autres pays n’ayant pas accès aux traitements anti-obésité, une partie de la population se tourne vers la version antidiabétique déjà disponible dans le pays. Un phénomène qui aggrave la pénurie de traitements pour les diabétiques.

Des effets secondaires ?

Ozempic est commercialisé depuis 2017 aux Etats-Unis, Mounjaro depuis 2022. Les perspectives sur les effets secondaires de ces traitements restent donc encore limitées. Encore plus dans leur version anti-obésité. Mais Antoine Flahault note les nombreuses recherches menées qui ne montrent pas « pour l’instant d’effets indésirables très graves ». “Nous n’avons pas aujourd’hui de doutes ou de questions majeurs sur le profil de risque de ces produits”, ajoute-t-il. Les effets secondaires les plus courants comprennent des troubles gastro-intestinaux, notamment des nausées, des vomissements et un risque accru de développer une inflammation du pancréas.

De nouvelles études permettront à terme de réévaluer le rapport bénéfice/risque de ces produits (…) sans forcément remettre en cause l’intérêt de ces molécules dans le traitement du diabète et de l’obésité.

Antoine Flahault, directeur de l’Institut de médecine globale de l’Université de Genève

Plus récemment, les autorités danoises ont demandé aux autorités européennes de réévaluer un effet secondaire potentiel très rare à la suite de deux études qui ont révélé un risque plus élevé de développer une neuropathie optique ischémique antérieure non artéritique (NOIAN). Cette pathologie est une des causes de cécité chez les diabétiques. Selon Antoine Flahault, ces nouvelles études «conduiront éventuellement à des réévaluations du rapport bénéfice/risque de ces produits, parfois à des restrictions d’usage chez certaines personnes (…) sans nécessairement remettre en cause l’intérêt de ces molécules dans le traitement du diabète.» et l’obésité.

Les autorités sanitaires de plusieurs pays mettent également en garde les utilisateurs contre l’utilisation de produits non réglementés. Ces médicaments connaissent un tel succès que les contrefaçons se multiplient également. L’L’OMS a lancé cette année une alerte contre les falsifications d’Ozempic en circulation au Brésil, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Swissmedic a également mis en garde l’année dernière contre l’utilisation de faux injecteurs Ozempic repérés en Allemagne.

>> Revoir le sujet du Focus sur l’Ozempic :

L’injection pour maigrir / Focus / 12 min. / 17 mars 2024

Mélanie Ohayon, Natalie Bougeard

 
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