Paris- La prise en charge de la sténose urétrale a considérablement progressé ces dernières années. La reconstruction urétrale (urétroplastie) est notamment devenue le traitement standard, grâce à l’utilisation de la muqueuse buccale. L’Association Française d’Urologie (AFU) a consacré son dernier rapport annuel à cette pathologie, dans lequel les principales approches chirurgicales sont décrites en détail, en fonction de la localisation de la sténose.
Le rapport a été présenté lors de la 118ème Congrès de l’AFU [1]. Il vise notamment à « inciter les urologues à investir dans la chirurgie de reconstruction », qui a pris de l’importance ces dernières années, a souligné le Dr Nicolas Morel-Journel (CHU de Lyon), co-auteur du rapport, lors d’une conférence de presse.
Les recherches actuelles suggèrent également de nouvelles options thérapeutiques, a souligné l’urologue. Des essais sont actuellement menés pour évaluer l’utilisation de cellules souches, ainsi que l’utilisation de ballons de dilatation enduits de chimiothérapie pour prévenir la prolifération des fibroblastes et ainsi réduire le risque de récidive.
Recommandations de moins de dix ans
Preuve d’évolutions récentes dans la prise en charge de la sténose urétrale : les premières recommandations internationales sur la sténose urétrale chez l’homme ont été émises en 2016 par leAssociation américaine d’urologie (AUA). Ils ont été suivis en 2021 par ceux duAssociation Européenne d’Urologie (EAU), puis ceux de l’AFU, qui se concentrent sur la sténose de l’urètre antérieur.
Les sténoses de l’urètre antérieur doivent aujourd’hui être traitées en première intention par urétroplastie dans un très grand nombre de cas, ce qui nécessite un changement important de paradigme et de pratique.
Les sept chapitres qui composent le rapport distinguent le traitement chez l’homme de la sténose de l’urètre antérieur (bulbaire, pénien ou méat), situé après le sphincter urétral, de celui de l’urètre postérieur, au niveau de la prostate. Un chapitre est également consacré spécifiquement à la sténose urétrale féminine.
Sachant que 90 % des sténoses chez l’homme touchent l’urètre antérieur, dont la moitié au niveau bulbaire, les premières recommandations de l’AFU ont porté sur la prise en charge de cette sténose, a souligné lors de sa présentation le Dr François-Xavier Madec (Hôpital Foch, Suresnes), co-auteur du rapport.
La sténose urétrale fait référence à un rétrécissement de l’urètre dû à un processus de fibrose et de cicatrisation de la muqueuse. La prévalence est estimée à près de 1%. Les principales causes de sténose sont idiopathiques, iatrogènes, traumatiques, inflammatoires et infectieuses. Le cathétérisme urétral pour le cathétérisme vésical est par exemple un facteur de risque de sténose iatrogène.
Une évaluation aux rayons X
Le diagnostic des sténoses urétrales repose sur la fibroscopie, a rappelé le Dr Morel-Journel lors de sa présentation. L’évaluation de la sténose nécessite un repos urétral de deux à trois mois, ce qui implique de ne pas intervenir notamment par autosondage. Un cathéter sus-pubien peut ensuite être placé pour faciliter la vidange de la vessie.
L’évaluation (degré d’obstruction, localisation, longueur, nombre de sténose) se fait par urétrographie (UCRM). L’examen, jugé peu rentable et chronophage par les radiologues, est difficile d’accès, mais indispensable pour caractériser la sténose et définir le traitement, a précisé l’urologue. “Il faudra insister auprès des radiologues sur la nécessité de cet examen.”
Concernant le traitement, la dilatation a longtemps été la seule option disponible. La première référence à ce traitement remonte à l’Antiquité. Jusqu’à l’avènement de l’endoscopie dans les années 1970 et 1980, les dilatations étaient réalisées à l’aveugle, à l’aide, à une époque plus contemporaine, de bougies en métal ou en plastique.
L’arrivée de l’endoscopie a permis de réaliser des coupes de sténose (urétrotomie), mais cette approche plus ciblée n’a pas amélioré significativement les résultats, par rapport à la dilatation. L’une des raisons est la formation d’une fibrose après le traitement, notamment lorsque les interventions sont répétées.
Seulement 5% d’urétroplastie
Une autre technique s’est ensuite développée dans les années 2000 : la reconstruction urétrale ou urétroplastie, qui s’est révélée supérieure à la dilatation et à l’urétroplastie. Depuis une dizaine d’années, avec l’émergence de la chirurgie reconstructive des organes génito-urinaires, la prise en charge des sténoses urétrales s’est considérablement améliorée.
Initialement réalisée avec une greffe de peau, l’urétroplastie est devenue plus fiable avec la greffe de muqueuse buccale. « Aujourd’hui, nous obtenons jusqu’à 90 % de réussite », précise le Dr Morel-Journel. Contrairement à la peau, la muqueuse buccale présente l’avantage de bien résister à l’acidité des urines, d’avoir un taux de greffage élevé et une faible rétraction.
En France, avec près de 1 600 interventions réalisées par an, les urétroplasties ont le vent en poupe. Cependant, malgré son intérêt, ce traitement est rarement pratiqué. “Seulement 5 % des interventions pour rétrécissements urétraux sont des urétroplasties”, souligne le Dr Madec, qui espère voir les urologues s’approprier davantage cette approche.
Selon les recommandations de l’AFU, « les sténoses de l’urètre antérieur doivent aujourd’hui être traitées en première intention par urétroplastie dans un très grand nombre de cas, ce qui nécessite un changement important de paradigme et de pratique ». La formation à ces techniques de reconstruction est donc fortement encouragée.
Test de dilatation du placlitaxel
“L’amélioration continue des techniques chirurgicales et la formation accrue des urologues français dans ce domaine devraient permettre de mieux répondre aux besoins des patients souffrant de rétrécissements urétraux”, a commenté l’AFU dans un communiqué.
Actuellement, le principal traitement appliqué est celui utilisant l’endoscopie pour couper la sténose (urétrotomie), malgré un taux de réussite proche de 40%, a expliqué le Dr Madec lors de la conférence de presse. « Le traitement endoscopique présente l’avantage d’être peu invasif. Elle peut être réalisée en cabinet de consultation ou en ambulatoire.
La chirurgie de reconstruction par urétroplastie avec greffe de muqueuse buccale est généralement proposée en deuxième intention en cas de récidive de sténose. « Un deuxième traitement endoscopique peut être envisagé si le patient hésite à se faire soigner par chirurgie », mais le risque de récidive est élevé.
D’autres options thérapeutiques sont actuellement en cours d’évaluation. La dilatation est à nouveau envisagée avec le développement de ballons de dilatation enduits d’un agent cytotoxique (paclitaxel) pour empêcher la prolifération des fibroblastes, acteurs majeurs des récidives après dilatation.
Les premiers résultats à 3 et 5 ans sont « assez prometteurs », même si les taux de réussite sont inférieurs à l’urétroplastie, commente le Dr Morel-Journel.
Focus sur la sténose urétrale féminine
Autre technique prometteuse en cours de test : la thérapie cellulaire. Des cellules souches sont injectées au site d’incision après l’urétrotomie, afin de favoriser la reconstitution de la muqueuse urétrale et de prévenir le développement d’une fibrose en réaction au passage de l’urine à travers les tissus coupés.
La sténose urétrale féminine, plus rare mais probablement sous-diagnostiquée, a fait l’objet d’un chapitre distinct. Bien qu’il n’existe pas encore d’algorithme diagnostique ou thérapeutique validé dans cette indication, les dernières recommandations européennes suggèrent de réaliser une dilatation en première intention, avant d’envisager une urétroplastie.
« Les urétroplasties dans cette indication sont si rares qu’elles relèvent de la responsabilité de centres experts », a indiqué le Pr Gilles Karsenty (Hôpital de la Conception, Marseille), également co-auteur, lors d’une présentation finale consacrée au rapport de l’AFU.
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