Largement méconnue des professionnels de santé et du grand public, la maladie à corps de Lewy (MCL) touche environ 200 000 personnes en France, ce qui en fait la deuxième maladie neurocognitive derrière la maladie d’Alzheimer. Depuis 2019, l’Association des soignants et patients à corps de Lewy (A2MCL) mène des actions de sensibilisation, finance la recherche et milite pour une meilleure reconnaissance. Philippe de Linares, président et ancien soignant, nous explique les enjeux autour de cette maladie.
Propos recueillis par Renaud Degas auprès de Géraldine Bouton.
Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est la maladie à corps de Lewy (LCD) ?
Philippe de Linares : Il s’agit d’une pathologie neurocognitive complexe et neuroprogressive. Identifiée dans les années 1970, elle a longtemps été confondue avec les maladies d’Alzheimer et de Parkinson. Toutes ces maladies ont en commun d’être des protéinopathies, ou une accumulation anormale de protéines.
Dans le cas du MCL, le accumulations anormales de protéinesLE Corps de Lewyse propagent dans le cortex et affectent différentes zones du cerveau, ce qui déclenche des symptômes variables d’un patient à l’autre, tels que des problèmes d’attention, des fluctuations de la cognition pouvant prêter à confusion avec un trouble bipolaire et, dans certains cas, des troubles moteurs et souvent comportementaux. troubles. La maladie présente également des symptômes rares tels que des hallucinations.
Aucune étude épidémiologique n’a été réalisée. Le nombre de cas en France a cependant été estimé entre 150 000 et 250 000.mais seul deux tiers des malades ont été diagnostiqués.
Comment expliquez-vous ce sous-diagnostic ?
P. de L. : La maladie à corps de Lewy est encore insuffisamment connu des soignantsdonc souvent mal diagnostiqué. Les professionnels de santé diplômés au XXe siècle ne l’ont pas étudié, ou très peu. Cependant, la situation s’améliore. Même s’il est encore souvent qualifié à tort de maladie « liée à la maladie d’Alzheimer » ou de « Parkinson + », le MCL commence à être considéré comme une maladie à part entière.
Des recherches commencent à aborder le sujet. Il est vrai que le tableau clinique varie beaucoup selon les patients, ce qui complique encore davantage le diagnostic.
Comment évolue la maladie ?
P. de L. : Nous manquons de données longitudinales car les diagnostics ont longtemps été posés tardivement, à un stade déjà avancé. L’évolution est très variable mais une période de 15 à 20 ans peut s’écouler avant que la maladie ne devienne difficile à gérer.
Les personnes atteintes de MCL sont lucides, hypersensibles et peuvent passer de l’euphorie à la tristesse, de l’apathie à la normale. Ces fluctuations sont difficiles à comprendre et à gérer pour le patient et son entourage.
Une consultation rapide ne permet pas toujours de les détecter. En revanche, bien connaître la maladie améliore la vie au quotidien.
Comment accompagner les personnes souffrant de cette maladie encore mal diagnostiquée ?
P. de L. : La confusion avec d’autres maladies conduit souvent à des soins inadéquats. Par exemple, certains médicaments psychotropes peuvent accélérer la progression de la maladie et, dans les cas les plus graves, entraîner la mort en quelques heures. Dans l’état actuel des connaissances, le traitement doit être individualisé.
Une bonne connaissance des symptômes permet d’adapter la prise en charge. Un patient diagnostiqué précocement, à qui on explique ses hallucinations et ses fluctuations cognitives, pourra comprendre ce qui lui arrive et mieux gérer la situation. Et les soignants et professionnels de santé formés et attentionnés sauront s’adapter.
A2MCL soutient la recherche. Dans quels thèmes investissez-vous ?
P. de L. : Nous soutenons principalement l’amélioration du diagnostic et du traitement. Aujourd’hui, il n’existe pas de traitements adaptés qui aident à ralentir la progression de la maladie. Par exemple, nous soutenons projets de recherche sur la stimulation transcrânienne ou l’identification de biomarqueurs sanguins spécifiques.
Depuis notre création, nous essayons de financer un ou plusieurs projets de recherche chaque année. Au début, nous avions peu de demandes. Désormais, les projets sont de plus en plus nombreux et variés.
Quelles actions l’association a-t-elle menées, notamment auprès des pouvoirs publics ?
P. de L. : En 2023, l’A2MCL s’associe à des associations internationales pour porter sa voix plus loin et créer un journée mondiale de sensibilisation. La prochaine aura lieu le 28 janvier 2025et l’accent sera mis sur la formation. Nous avons également publié un plaidoyer que nous avons adressé, entre autres, au ministère de la Santé. Nous appelons à remplacer le terme de maladie « apparentée », utilisé pour décrire le MCL, par celui de maladie neuroprogressive ou neurodégénérative.
Nous appelons également à la création d’un condition spécifique à long terme et le étiquetage des Centres Mémoire. Enfin, nous demandons la mise en œuvre d’un enseignement sur le MCL dans les formations initiales et continues des médecins et professionnels paramédicaux, ce qui n’est aujourd’hui le cas que de manière très sporadique.
Avez-vous été entendu ?
P. de L. : Nous avons été impliqués dans une réflexion sur un stratégie nationale dédiée aux maladies neurodégénérativesune stratégie qui n’a toujours pas vu le jour. Certaines de nos demandes, comme la labellisation des Centres de Mémoire et la suppression de la notion de maladie associée, devraient être prises en compte. Cependant, le les changements successifs à la tête du ministère de la Santé ralentissent les progrès.
Ainsi, nous avons dû nous-mêmes développer des dispositifs de formation et d’information pour le MCL comme la plateforme d’e-learning lewyformation.fr. Mais nous sommes confiants.
Sans campagne de communication, nous avons été rejoints par près de 15 000 personnes en seulement cinq ans. Nos réunions d’information sont toujours pleines et attirent de plus en plus de soignants ! Et nous sommes de plus en plus sollicités pour dispenser nos formations sur la maladie.
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