Professeur de médecine infectieuse au CHU de Montpellier, Alain Makinson est également président de la Corevih, l’organisme régional de référence pour la lutte contre les IST (infections sexuellement transmissibles) et le VIH, et coordinateur de « Montpellier sans sida ». Elle analyse le bilan de l’année 2023 : + 5 473 nouveaux cas en France, + 320 en Occitanie.
En Occitanie, près de 10 000 personnes vivent avec une infection au VIH.
Que dit l’état des lieux de l’année écoulée, en France et en Occitanie, sur la contamination au VIH ?
Il y a un plateau entre 2012 et 2019, une baisse en 2020 car il y a un sous-dépistage dû aux confinements, et moins d’interactions entre pays, et une réaugmentation du nombre de découvertes depuis.
Pour quoi ?
Cela est dû à la reprise du dépistage, ce qui pourrait être une bonne nouvelle, mais peut-être y a-t-il aussi un rebond épidémiologique chez les personnes les plus éloignées des soins, et la reprise des échanges internationaux.
En France, entre 2020 et 2023, il y aura +12% de nouvelles découvertes d’infections au VIH. Cela fait 5 473 nouveaux cas en 2023, selon les estimations de Santé publique France. Nous avons 10 000 nouveaux cas depuis des années. Mais en 2023, on estime que 11 000 personnes ne connaissaient pas leur statut, c’est là qu’on prend des risques.
Les résultats 2023 en Occitanie
Publié le 26 novembre, le bulletin de Santé publique France (SPF) sur les infections sexuellement transmissibles et le VIH fait état de 319 découvertes de nouvelles infections en 2023, dans un contexte de recours accru au dépistage : 4 600 autotests vendus en pharmacie, 1 000 distribués par des associations, 3176 TROD (tests rapides d’orientation diagnostique, réalisés par des associations en milieu associatif) utilisés, dépistages sans ordonnance en laboratoires, etc.
Plus de 10 millions de préservatifs ont été vendus dans la région en 2023.
SPF estime que 602 personnes sont infectées sans le savoir.
Au total, 9 684 personnes vivaient avec le VIH en 2023. La grande majorité (92,4 %) avait une charge virale indétectable.
Les contaminations « diminuent fortement » chez les HSH (hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes) nés en France, qui restent la première population touchée : 238 cas. Ils sont « stables » chez les hétérosexuels nés en France (142 cas) et augmentent légèrement chez les hétérosexuels (137 cas) et les HSH (62 cas) nés à l’étranger, dont 41 % sont infectés à leur arrivée en France.
Est-ce inquiétant ?
Nous verrons si cela continue à augmenter. Avec tous les outils de prévention dont nous disposons, PrEP, préservatifs, traitements qui permettent de ne plus transmettre la maladie malgré l’infection, outils de dépistage… malgré tous ces efforts, on ne peut pas réduire l’incidence dans toutes les populations à risque.
Que ce soit en Occitanie ou en France, on voit que beaucoup d’efforts ont été faits chez les hommes ayant des rapports sexuels entre hommes, HSH nés en France, il y a une baisse du nombre de cas par an.
En revanche, pour les personnes nées à l’étranger, et notamment les femmes et les HSH, on constate plutôt une réaugmentation des cas. Nous constatons clairement que la prévention touche mieux certaines populations que d’autres. Il y a un effort à faire sur les populations éloignées des soins. C’est aussi le cas, plus généralement, des jeunes HSH qui deviennent sexuellement actifs et qui ne connaissent pas les outils de prévention.
Je tiens à souligner que la sérologie négative est aussi l’occasion de pratiquer la prévention.
L’urgence : « Éducation à la santé sexuelle »
La situation en Occitanie, qui représente 10 % de la population nationale, suit-elle les mêmes tendances ?
On envisage 320 découvertes en 2023, soit un peu moins. La situation est très hétérogène, avec davantage de détections en milieu urbain et périurbain. On constate également une diminution significative chez les HSH depuis 2018 mais l’incidence augmente légèrement chez les personnes nées à l’étranger.
Comment expliquez-vous les disparités régionales : les Pyrénées-Orientales sont le département où la part d’usagers de drogues est plus importante qu’ailleurs, même si elle reste minoritaire dans les découvertes du VIH, l’Hérault, celui où il y a le plus de HSH nés en France , Haute-Garonne, le plus grand nombre d’hétérosexuels nés à l’étranger…
Elle est liée à la sociologie des territoires. Pour nous, ces données sont particulièrement importantes pour savoir à qui s’adresser en prévention.
VIH, IST : dépistage sans rendez-vous et sans ordonnance
Depuis le 1er septembre 2024, “l’accès direct au dépistage de quatre infections sexuellement transmissibles, en plus du VIH, est possible à la demande de la personne, sans ordonnance et sans rendez-vous, dans tous les laboratoires de biologie médicale”, rappelle l’Assurance maladie. Le dépistage du VIH sans ordonnance a été mis en place en 2022. Les IST concernées sont (outre le VIH) : l’hépatite B, la syphilis, la gonorrhée et la chlamydia. Le système est « une grande réussite », constate Franck Marcé, de Sida info Service.
Il ne s’agit pas seulement du VIH, qu’en est-il de la situation des autres infections sexuellement transmissibles ?
Il existe une propagation, y compris dans la population générale, de certaines IST chez les jeunes, comme la chlamydia. On est à des incidences extrêmement élevées : 85,1 pour 100 000 en Occitanie, et jusqu’à 127 pour 100 000 en Haute-Garonne, 105,5 pour 100 000 dans l’Hérault, principalement chez les jeunes femmes de 15-25 ans.
Pour les infections gonococciques, on constate également une augmentation : on est à 52,2 pour 1000 en Occitanie, contre 44,2 en France. Chez les jeunes femmes d’Occitanie, il est de 178,3, et ce chiffre est en augmentation.
Le préservatif est le meilleur outil pour prévenir les IST. Les IST sont la principale cause d’infertilité dans les pays à faibles ressources.
Quelle est l’urgence aujourd’hui ?
L’éducation à la santé sexuelle est d’actualité… Il faut informer sur la PrEP, qui n’est pas réservée qu’aux HSH, réinformer les jeunes sur le VIH et les IST, sur les vaccins et sur leur utilisation. préservatif. Informez et informez encore. Le Corevih se transformera également en CoReSS, sur des questions plus larges de santé sexuelle.
Sommes-nous en train de banaliser trop le VIH ?
Il y a encore 130 000 personnes qui vivent avec le VIH en France, 40 millions de personnes dans le monde… Il y a des progrès indéniables, mais il ne faut pas se relâcher.
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