C’était une décision très attendue. Dans ses dernières recommandations concernant le VIH et la vie périnatale, la Haute autorité de santé (HAS) donne son accord pour l’allaitement des femmes vivant avec le VIH. “Je suis tellement heureuse, je vais pouvoir allaiter mon quatrième futur bébéa commenté sur son compte Instagram Andréa Mestre, personnalité engagée dans la lutte contre la stigmatisation liée au VIH. Nous avons enfin la possibilité de choisir d’allaiter ou non ! »
Chaque année, environ 1 500 femmes vivant avec le VIH accouchent en France. Le lait maternel pouvant transmettre le VIH, l’allaitement n’était pas recommandé jusqu’à présent. « En 2017, l’allaitement artificiel reste encore la seule prévention totalement efficace de la transmission postnatale et ne présente pas de risque pour la santé de l’enfant dans les pays du Nord, contrairement à ce qu’on observe dans les pays aux ressources limitées. L’allaitement reste donc contre-indiqué en France. a expliqué les dernières recommandations, publiées en 2018.
Dès 2009, l’OMS recommandait l’allaitement maternel exclusif pendant les 12 premiers mois de la vie dans les pays aux ressources limitées, pour les mères recevant un traitement ARV et un accompagnement pour favoriser une bonne observance. Le rapport bénéfice/risque penche en faveur de l’allaitement maternel dans les pays où l’accès à un lait artificiel sûr n’est pas toujours assuré. Plusieurs pays occidentaux à revenus élevés ont ensuite suivi. Parmi eux la Suisse, l’Allemagne, les États-Unis ou encore l’Australie. Et maintenant, la France.
Que disent les recommandations ?
« Le risque de transmission par l’allaitement est élevé en l’absence de contrôle virologique chez la mère. Dans une situation de suppression virale prolongée, le risque de transmission par l’allaitement est très faible, permettant d’envisager l’allaitement sans pouvoir affirmer à ce jour la notion « indétectable = intransmissible » dans ce contexte. Le risque serait de 0,2% par mois d’allaitement (0,16% par mois d’allaitement si le traitement avait été initié avant la grossesse).
Ainsi, si le traitement antirétroviral pris par la mère rend la charge virale indétectable, l’allaitement est possible, sous certaines conditions :
- le traitement doit avoir commencé avant la conception ou le 1est trimestre de grossesse;
- la mère doit présenter un historique de surveillance régulière (observance du traitement et présence aux visites) ;
- la charge virale doit être indétectable (par les tests couramment utilisés), c’est-à-dire qu’elle doit être inférieure à 50 copies de virus par millilitre de sang avec au moins 6 mois de contrôle ;
- la mère s’engage à une surveillance renforcée pendant toute la durée de l’allaitement ;
- l’équipe médicale doit avoir la capacité de réaliser cette surveillance renforcée de la mère et de l’enfant.
« Si l’un des critères n’est pas rempli, l’allaitement est strictement déconseillé. » écrit la HAS.
L’autorité sanitaire recommande également de limiter la durée de l’allaitement à 6 mois – le risque de transmission augmente avec le nombre de mois d’allaitement – et conseille l’allaitement exclusif si cette méthode est choisie. Les muqueuses digestives d’un nouveau-né sont en effet fragiles et l’introduction d’autres liquides ou aliments peut augmenter le risque de transmission du VIH. La HAS insiste également sur le fait que l’allaitement doit être le fruit d’une décision partagée avec l’équipe médicale et doit être abordé « systématiquement et précocement » lors du suivi de grossesse.
Un soutien solide attendu par les familles
Pour Eva Sommerlatte, directrice de l’association Comité des Familles et membre du groupe HAS grossesse et VIH, cette décision va dans le bon sens. « Cela ouvre la possibilité d’être soutenue lorsqu’une femme vivant avec le VIH souhaite allaiter. Il est évidemment bien plus rassurant de bénéficier d’un accompagnement solide pour éviter la transmission, mais aussi d’un soutien moral et psychologique et pour que l’allaitement se passe bien, avance le militant. On sait qu’avant cela, les mères allaitaient en secret, sans aucun soutien médical. ».
Eva Sommerlatte décrit cependant des recommandations « exigeantes » et un point précis, notamment : « il est proposé de poursuivre la prophylaxie infantile pendant toute la durée de l’allaitement et jusqu’à 15 jours après l’arrêt définitif »écrit la HAS. Cette décision repose sur deux éléments : le manque de certitude sur « indétectable = intransmissible » dans le cadre de l’allaitement, et le souci d’offrir une plus grande sécurité en cas de complications de l’allaitement (mammite, etc.) et d’échec virologique. La HAS précise que la prophylaxie néonatale prolongée doit cependant être discutée en RCP (réunion de concertation pluridisciplinaire) et faire l’objet d’une décision partagée avec la mère, et si possible avec le père/coparent, « basé sur les antécédents médicaux et personnels ».
« La France fait exception en proposant une prophylaxie aux bébés. L’observance du traitement par la mère et une charge virale indétectable sont indispensables. Et, sur la base des données dont nous disposons, il n’y a jamais eu de transmission mère-enfant dans ce scénario optimal », souligne le directeur du Comité Familles. « Nous espérons qu’à l’avenir nous pourrons également avoir le choix de donner ou non la PrEP au bébé. » ajoute Andréa Mestre.
Source : HAS, compte Instagram d’Andréa Mestre, Entretien avec Eva Sommerlatte
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