Estxends, la plus grande étude menée à ce jour sur l’efficacité clinique du vapotage, a inclus plus de 1 200 personnes fumant cinq cigarettes de tabac ou plus par jour et des volontaires pour arrêter de fumer (1).
La moitié des participants ont reçu une cigarette électronique et des e-liquides, au choix parmi six saveurs en quatre dosages de nicotine (0, 6, 11 ou 19,6 mg/ml), ainsi que des séances d’accompagnement, tandis que l’autre moitié, le groupe témoin, a reçu, en plus du même support, un bon (50 francs suisses), utilisable à volonté. Ce groupe peut avoir utilisé ou non des aides au sevrage, telles que des substituts nicotiniques, ce qui était le cas des deux tiers du groupe.
Au terme d’un suivi de six mois, le taux d’arrêt du tabac était significativement plus élevé dans le groupe vapotage : 28,9 contre 16,3 % ; OU = 1,77 ; CI95 [1,43-2,20]. Un résultat qui est similaire à celui rapporté dans une revue Cochrane publiée début 2024. De même, le pourcentage de personnes qui se sont abstenues de fumer dans les sept jours précédant la visite de suivi de six mois était de 59,6% dans le groupe e-cigarette, contre 38,5% dans le groupe témoin.
En revanche, le taux de personnes qui se sont abstenues de toute consommation de nicotine était de 20,1 % dans le groupe d’intervention, contre 33,7 % dans le groupe témoin.
Une question qui divise
Il apparaît ainsi que le vapotage est plus efficace que les substituts nicotiniques pour arrêter de fumer, sans doute grâce à une meilleure substitution nicotinique dans cette étude ; mais certaines personnes qui arrêtent de fumer continuent de consommer de la nicotine via la e-cigarette. La communauté médicale est divisée face à cette situation qui soulève une question d’éthique médicale. Peut-on prôner le vapotage pour réduire les risques liés à la consommation de cigarettes, alors que cette approche ne permet pas, pour certains, de se sevrer de la nicotine ? Pour le professeur Reto Auer, chercheur principal de l’étude Estxends, « Si l’arrêt de toute consommation de tabac et de nicotine reste l’objectif principal, le vapotage est sans doute une bonne option pour les personnes qui n’ont pas réussi à arrêter de fumer avec des traitements pharmacologiques. Pour ceux qui souhaitent arrêter de fumer et, à terme, ne plus consommer de nicotine ni de vape, les traitements classiques — substituts nicotiniques, bupropion — semblent plus appropriés. Le choix doit être fait en tenant compte des préférences de chacun, sachant qu’une majorité de ceux qui fument ne consultent pas de médecin et se rendent directement dans les magasins de cigarettes électroniques. »
Une option pour ceux qui n’ont pas réussi à arrêter de fumer grâce aux traitements pharmacologiques
Pr Reto Auer
En parallèle, au niveau sociétal, il faut éviter que les jeunes qui ne fument pas ne deviennent dépendants à la nicotine via la e-cigarette. Car c’est là le sujet du débat qui agite les médias et les professionnels de santé. “Il n’y a pas de solution parfaite” reconnaît le professeur Auer, qui prône une approche pragmatique de la pratique clinique.
Et les effets secondaires ?
L’étude n’avait pas la taille d’échantillon nécessaire pour tirer des conclusions sur la sécurité des cigarettes électroniques. Des effets indésirables de tous grades ont été observés respectivement chez 43,7 et 36,7 % des participants, et des événements graves ont été signalés chez 4 % des personnes du groupe d’intervention, contre 5 % dans le groupe témoin.
Le suivi de six mois ne permet pas de conclure définitivement sur l’effet du vapotage sur la toux et les symptômes respiratoires car il s’agissait d’un résultat clinique secondaire, mais des tendances se dessinent, notamment avec une diminution de la toux. et les crachats.
Des arômes fruités favorables ?
«Parmi les différentes analyses secondaires de l’étude, celle sur le choix des arômes apporte des enseignements intéressants», rapporte le Dr Isabelle Jacot Sadowski (Lausanne). Au début de l’étude, les personnes ayant reçu une e-cigarette avaient le choix entre six arômes (deux tabac, trois fruités et un mentholé) et quatre concentrations de nicotine (0, 6, 11 et 19, 6 mg/ml). ).
A l’inclusion, 25 % avaient opté pour un arôme fruité, autant pour un arôme tabac, 41 % pour plusieurs arômes et 9 % pour du menthol. Cette distribution est restée stable pendant le suivi. Lors de la visite de six mois, les auteurs ont constaté que les personnes utilisant exclusivement des e-cigarettes consommaient plus souvent des arômes fruités que celles utilisant des e-cigarettes à double usage tout en continuant à fumer. Parmi ces derniers, c’est l’arôme tabac qui était le plus apprécié.
Deuxième enseignement : la concentration en nicotine dans les e-liquides a eu tendance à diminuer avec le temps, avec au final une concentration plus faible chez les personnes sevrées de la cigarette par rapport à celles utilisant un double usage.
Entretiens avec le Professeur Reto Auer*,** et le Dr Isabelle Jacot-Sadowski**
* Biham, Institut universitaire de médecine familiale de Berne. Université de Berne, Suisse
**Unisanté, Centre universitaire de médecine générale et de santé publique, Lausanne, Suisse
(1) Auer R et coll. Systèmes électroniques d’administration de nicotine pour arrêter de fumer. Journal de médecine de la Nouvelle-Angleterre 2024,390 : 601-10
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