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en baisse chez les adultes, en augmentation chez les nourrissons, disparités géographiques inexpliquées

En , sur la période 2014-2019, l’incidence des hypothyroïdies acquises a marqué une nette baisse. Les formes congénitales de cette pathologie, aux conséquences potentiellement graves en termes de développement, sont en revanche en augmentation chez les nouveau-nés de sexe féminin. Les raisons de cette augmentation ne sont pas encore claires, même si l’implication de polluants environnementaux ne peut être exclue.


Une fatigue persistante, une prise de poids inexpliquée ou des difficultés de concentration sont autant de symptômes de l’hypothyroïdie. Ce trouble survient lorsque la glande thyroïde ne produit pas suffisamment d’hormones thyroïdiennes. En France, elle touche environ 2% de la population française.

Afin de faire le point, nous avons réalisé un inventaire de l’incidence, c’est-à-dire du nombre de nouveaux cas survenus sur une période donnée, de l’hypothyroïdie en France sur la période 2014-2019, en analysant les données du Système national de données sur la santé.

Nos résultats ont montré une diminution de l’hypothyroïdie chez les adultes sur cette période, mais une augmentation chez les nouveau-nés, particulièrement chez les femmes.

Qu’est-ce que l’hypothyroïdie ?

La thyroïde est une petite glande en forme de papillon de 5 cm de diamètre située dans la partie superficielle du cou, en avant de la trachée au niveau du larynx. De taille modeste, il joue néanmoins un rôle majeur dans notre organisme. Il produit des hormones thyroïdiennes, qui participent au développement, à la croissance et au métabolisme de la majorité des tissus du corps humain.

De ce fait, un déficit en hormones thyroïdiennes, ou hypothyroïdie, peut avoir de graves conséquences sur la santé des personnes concernées. Un tel déficit peut survenir à l’âge adulte, ou être congénital, c’est-à-dire être présent dès la naissance.

Chez l’adulte, les causes de l’hypothyroïdie peuvent être diverses. À l’échelle mondiale, la carence en iode est la principale cause d’hypothyroïdie (généralement dans les pays à faible revenu). Dans les pays à niveau socio-économique plus élevé comme la France, où l’alimentation contient normalement suffisamment d’iode si l’on consomme du sel iodé (et non du sel artisanal), la cause principale est une maladie auto-immune, la thyroïdite. de Hashimoto (le système immunitaire attaque le corps).

Les formes d’hypothyroïdie congénitale peuvent être soit transitoires (ce qui signifie que l’enfant n’a besoin d’un traitement qu’au début de sa vie), soit, plus fréquemment, permanentes. Dans deux tiers de ces cas, la glande thyroïde présente un aspect anormal ou est absente, et le traitement doit être pris à vie.

Un déficit en hormones thyroïdiennes peut entraîner des retards de croissance et de développement (notamment cérébral), une hypothyroïdie est systématiquement recherchée chez le nouveau-né au 3ème jour de vie.

Un nombre de cas en baisse chez les adultes

Nos travaux ont démontré une diminution significative de l’incidence de l’hypothyroïdie chez les adultes des deux sexes entre 2014 et 2019.

Chez les femmes, l’incidence de l’hypothyroïdie a diminué de 535,7 pour 100 000 personnes par an en 2014 à 335,5 en 2019. Chez les hommes, son incidence a diminué de 197,5 à 141,7 pour 100 000 personnes par an au cours de la même période. Ce phénomène a également été observé très récemment au Royaume-Uni.

Evolution de l’incidence de l’hypothyroïdie chez l’adulte sur 2014-2019 avec intervalles de confiance.
RD, Fourni par l’auteur

Entre 15 et 75 ans, on constate que l’incidence de cette maladie chez les femmes est deux à trois fois plus élevée que chez les hommes. La prédominance féminine des maladies auto-immunes comme la thyroïdite de Hashimoto est connue et est due à plusieurs phénomènes combinés.

La fréquence de l’hypothyroïdie augmente également avec l’âge des individus. Il faut souligner que l’origine de l’hypothyroïdie est multifactorielle : elle est non seulement auto-immune, mais peut aussi être le résultat de carences, ou plus rarement de traitements médicaux (hypothyroïdie dite « iatrogène »). De plus, le taux de TSH augmente avec l’âge, ce qui reflète le vieillissement de la glande thyroïde.

Nouveau-nés : une augmentation de l’hypothyroïdie chez les filles

En 2014, l’incidence de l’hypothyroïdie transitoire était de 17,9 pour 100 000 naissances chez les filles et de 18,4 chez les garçons. Cela a peu changé entre 2014 et 2019.

La situation est différente en ce qui concerne l’incidence de diverses formes d’hypothyroïdie congénitale permanente chez les nouveau-nés de sexe féminin. En effet, leur fréquence a augmenté de 8,9 % par an en France : de 36,9 cas pour 100 000 naissances par an en 2014, elle est passée à 51 cas pour 100 000 naissances par an en 2019.

Evolution de la fréquence des hypothyroïdies congénitales permanentes sur 2014-2019 avec intervalles de confiance.
RD, Fourni par l’auteur

Par ailleurs, les données analysées indiquent que l’hypothyroïdie congénitale permanente est 1,5 à 2 fois moins fréquente chez les garçons que chez les filles (38,3 pour 100 000 naissances par an chez les garçons en 2019). Ce phénomène d’augmentation est également observé ailleurs dans le monde, même si son origine reste un sujet de débat parmi les experts.

Des disparités géographiques marquées en France

Répartition géographique des clusters d’hypothyroïdie chez la femme.
RD, Fourni par l’auteur

La répartition des cas d’hypothyroïdie, chez l’adulte et l’enfant, n’apparaît pas homogène à travers la France métropolitaine. Nous avons pu mettre en évidence, chez les femmes, de véritables clusters, c’est-à-dire des regroupements géographiques distincts, où l’incidence de l’hypothyroïdie était plus élevée.

Répartition géographique des cas d’hypothyroïdie congénitale permanente chez les filles.
Sylvain Chamot – DR, Fourni par l’auteur

Chez les nouveau-nés, nous n’avons pas pu rechercher de clusters en raison de la rareté de la maladie. Nous avons néanmoins constaté que, comme chez l’adulte, certaines (anciennes) régions, comme le Nord-Pas-de-Calais et la Lorraine, sont parmi les plus touchées par l’hypothyroïdie.

Comment s’explique cette situation ?

L’une des principales explications de la diminution de l’incidence de l’hypothyroïdie chez l’adulte est l’application des recommandations de bonnes pratiques diagnostiques, émises en 2007. Leur objectif était de réduire le surtraitement de l’hypothyroïdie brute dont le diagnostic n’est pas toujours confirmé, c’est-à-dire d’éviter le traitement étant utilisé de manière excessive.

Il faut savoir qu’avant cette période, dans environ 30 % des cas, le traitement de l’hypothyroïdie était initié uniquement sur la base de signes cliniques, sans mesure de la thyréostimuline, ou TSH. Depuis 2007, les médecins sont incités à poser leur diagnostic à l’aide d’un algorithme décisionnel utilisant la mesure de la TSH (hormone stimulant la thyroïde).

Produite par l’hypophyse (une petite glande située à la base du cerveau), la TSH régule la sécrétion des hormones thyroïdiennes. Lorsque la thyroïde ne produit pas suffisamment d’hormones, l’hypophyse augmente la production de TSH, ce qui stimule la thyroïde. À l’inverse, lorsque la thyroïde produit trop d’hormones, l’hypophyse réduit la production de TSH, ce qui ralentit la production d’hormones thyroïdiennes. Un taux de TSH anormalement élevé peut donc être le signe d’une hypothyroïdie.

Concernant l’hypothyroïdie congénitale, les causes sont actuellement mal connues. On sait que la génétique n’explique qu’environ 5 % des cas où la thyroïde a un aspect anormal ou est absente.).

L’exposition environnementale aux perturbateurs endocriniens à blâmer ?

Chez la femme, la fréquence accrue des hypothyroïdies congénitales permanentes, ainsi que les disparités géographiques observées, posent la question de l’impact potentiel des expositions environnementales sur ces phénomènes.

Des études scientifiques révèlent qu’il existe des associations entre les taux de TSH chez les nouveau-nés et l’exposition prénatale à divers polluants présents dans l’air extérieur ou dans l’eau potable : nitrates, perchlorates, particules PM2,5 et PM10, biphényles polychlorés (PCB), dioxines, pesticides organochlorés, etc.

Cependant, à ce jour, aucune étude n’a examiné les liens directs entre l’incidence de l’hypothyroïdie et les déterminants environnementaux en France. C’est l’un des objectifs de notre projet [« Exposome et thyroïde » (EXPOTHYR)]lauréat de l’appel à projets conjoint du Health Data Hub et de Green Data for Health, 2e vague.

Dans EXPOTHYR, les données d’incidence de l’hypothyroïdie sur la période 2016-2022, toujours extraites du Système National des Données de Santé, seront croisées avec différents paramètres susceptibles d’influencer la survenue de la maladie : pollution de l’eau, qualité de l’air, utilisation des pesticides, utilisation des sols. , la revégétalisation, ainsi que divers indicateurs socio-économiques.

Ce projet devrait conduire à une meilleure connaissance des déterminants de la maladie. A noter que l’ensemble des données et scripts utilisés lors de ces travaux, dont les résultats feront également l’objet de publications scientifiques, seront mis à disposition de la communauté à la fin du projet, en « open access ».

 
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