Curieux paradoxe. Si les tourtières, gâteaux aux fruits et autres plats traditionnels des fêtes regorgent d’épices exotiques (cannelle, clou de girofle, muscade, etc.), on utilise encore rarement les herbes forestières du Québec, comme les aiguilles de conifères.
«Certains chefs les utilisent déjà, mais ils nous disent qu’ils ne les connaissent pas assez pour les exploiter à leur juste valeur», explique Véronique Perreault, professeure à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ). Le chercheur codirige le GastronomiQc Lab, une unité mixte de recherche de l’ITHQ et de l’Université Laval qui vise à favoriser l’innovation et à faire rayonner la gastronomie québécoise.
Son équipe a préparé des extraits de sapin baumier, d’épinette noire et d’épinette blanche afin de documenter leur « profil aromatique ». Nous utilisions tantôt des aiguilles mûres, tantôt des bourgeons, qui étaient macérés dans de l’eau froide, infusés dans de l’eau bouillante, ou encore infusés dans de l’huile, sous vide.
Les extraits ont ensuite été dégustés à l’aveugle par une vingtaine de bénévoles du domaine culinaire. La dégustation s’est déroulée dans des box individuels dans un environnement épuré, afin d’éviter les influences extérieures. « On peut bien sûr analyser des molécules aromatiques en laboratoire. Mais il est judicieux de voir aussi ce qui est réellement perçu et nommé par les gens, car chaque individu a des seuils de perception différents », souligne l’expert.
En plus de décrire le goût (amer, doux, acide, etc.) et la sensation en bouche (doux, intense, astringent, etc.) de 14 échantillons différents, les panélistes devaient décrire les arômes. Agrumes, herbes séchées, noix, alcool… ça n’avait pas seulement le goût de « pin » !
«Nous avons pu constater que l’espèce d’arbre, le niveau de maturité des aiguilles et le traitement culinaire ont un effet sur le profil aromatique», indique Véronique Perreault. Les panélistes devaient également choisir leurs quatre extraits préférés et suggérer des façons de les utiliser. Parmi leurs suggestions ? En cocktail de canneberges, avec du gibier ou de l’aiglefin, en gelée avec un plateau de fromages…
Les résultats, présentés l’été dernier lors d’une conférence internationale sur le tourisme tenue à Montréal, devraient bientôt être publiés dans une revue scientifique. Des connaissances qui serviront à former la relève, espère Véronique Perreault : « Idéalement, les jeunes apprendraient à travailler avec ces produits dès l’école; pas seulement au hasard de leur travail dans les grands restaurants. »
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