Cette histoire n’est pas anodine ! C’est plein de zones d’ombre, mais la revue scientifique Mali Médical a été très courageuse et a pris une excellente décision. Cette histoire illustre des pratiques obscures entre collègues.
Mali Médical publie régulièrement depuis plus de 20 ans
C’était un vieux journal papier qui a son site internet. Les articles sont en libre accès et les auteurs ne paient pas de droits d’auteur. La revue est dans PubMed, MEDLINE et n’a aucun facteur d’impact (base de données Web of Science). Il mérite d’être répertorié dans AJOL (African Journals Online), une base de données qui contient 843 journaux africains, pour la plupart en anglais. Les articles sont en français avec un résumé en anglais. Basé à Bamako, le comité éditorial travaille et utilise au mieux la revue par les pairs. Je connais ce journal, certains de ses rédacteurs, et j’ai suivi une semaine de formation pour ce comité il y a une dizaine d’années. Inutile d’expliquer les difficultés de publier une revue scientifique au Mali.
La première rétractation de Mali Médical : incroyable
Bref, une équipe ivoirienne a publié un article en 2013 dans une revue prédatrice anglophone. La même équipe a publié le même article en 2023, traduit en français, avec quelques changements au niveau des auteurs.
- Si vous consultez Mali Médical, vous constaterez qu’un article a été rétracté pour plagiat, daté du 2 octobre 2024. L’article, publié début 2023, n’est plus sur le site, ce que je regrette pour les archives. Il était intitulé : PRÉVALENCE DE L’INFECTION VIRALE PAR HÉPATITE B ET FACTEURS ASSOCIÉS CHEZ LES ENFANTS DE SUJETS Ivoiriens PORTEURS DE L’HBSAg.
Les noms des auteurs sont : Hamidine Illa, Doffou Adjéka Stanislas, Kouamé Hatrydt Dimitri, Bangoura Demba Aboubacar, Yaogo Abdelatif, Kissi Henriette, Alassan Kouamé Mahassadi, Yao Bathaix Fulgence, Attia Koffi Alain. Ils sont affiliés à deux services : Service de Médecine et hépato-gastro-entérologie du CHU de Yopougon, Abidjan, Côte d’Ivoire ; Clinique Médicale Danga, Abidjan, Côte d’Ivoire.
Voici le résumé en anglais de cet article de 2023 qui a été retiré de la revue, mais toujours dans PubMed sans mention de la rétractation (le résumé seul est dans PubMed) :
Objectifs : Déterminer la prévalence de l’infection par le virus de l’hépatite B (VHB) chez les enfants (sujets contacts) d’AgHBs chronique (sujets index) et étudier les facteurs associés à cette infection chez ces enfants. Patients et méthodes : il s’agissait d’une étude transversale rétrospective portant sur des patients AgHBs positifs (sujets index), dont les familles (sujets contacts : conjoints et enfants) étaient systématiquement dépistées pour une infection par le VHB. Résultats : L’âge médian de nos 44 sujets était de 43,1 ± 7,49 ans. Le nombre moyen d’enfants par sujet index était de 2,3 ± 1,1. L’âge médian des 92 enfants était de 9,3 ± 4,55 (1 à 15 ans) et 43 (44,8 %) étaient vaccinés contre le VHB. La prévalence de l’infection par le VHB était de 24 %. Les facteurs indépendants associés à l’infection par le VHB chez les enfants étaient l’ADN du VHB pour les sujets index > 2000 UI/ml (OR = 11,5 ; p = 0,001), l’existence du VHB chez les deux parents (OR = 7,9 ; p = 0,03) et l’absence de vaccination contre le VHB. chez les enfants (OR = 30,9 ; p = 0,003). Conclusion : La couverture vaccinale des enfants des sujets index était insuffisante. Outre la transmission verticale, le risque de transmission intrafamiliale était élevé en présence d’au moins un des trois facteurs associés.
- L’article plagié a été publié en 2013 dans une revue prédatrice (Open Journal of Gastroenterology) avec ce titre : Prévalence de l’infection par l’hépatite B et facteurs associés chez les enfants de sujets ivoiriens porteurs de l’Ag HBs
Les noms des auteurs sont (nouveau en gras, ancien en italique) : Koffi Alain Attia, Ya Henriette Kissi, Stanislas Doffou, Demba Bangoura, Roseline Flora Wilson, Georges Boughan, Fulgence Yao Bathaix, Kouamé Alassan Mahassadi, Mohame Savegh, Thérèse N’dri-Yoman. Ils sont affiliés aux deux mêmes services.
Voici le résumé de cet article de 2013 en anglais :
Objectifs de l’étude : 1) Déterminer la prévalence de l’infection par le virus de l’hépatite B (VHB) chez les enfants (sujets contacts) de sujets porteurs chroniques de l’antigène de surface de l’hépatite B (AgHBs) (sujets index) ; 2) Recherche de facteurs associés à l’infection par le VHB chez ces enfants. Patients et méthodes : Étude rétrospective-transversale (du 5 janvier 2006 au 31 décembre 2012). Paramètres étudiés : caractéristiques biologiques et cliniques des sujets index ; Prévalence de l’AgHBs et des anticorps anti-hépatite B (HBcAb) chez leurs enfants. Rechercher les facteurs associés à l’infection par le VHB chez les enfants (analyses univariées par test du Chi carré ou test exact de Fisher ; analyse multivariée par régression logistique rétrospective). Résultats : L’âge médian de nos 44 sujets était de 43,1 ± 7,49 ans et 88,6 % d’entre eux vivaient avec un conjoint. Le nombre moyen d’enfants par sujet index était de 2,3 ± 1,1. L’âge médian de nos 92 enfants était de 9,3 ± 4,55 (allant de 1 à 15 ans) et 43 (44,8 %) étaient vaccinés contre le VHB. La prévalence de l’infection par le VHB était de 24 % (dont 23/96, 4 sujets positifs pour l’AgHBs et 19 sujets positifs pour l’AbHBc sans AgHBs). Les facteurs indépendants associés à l’infection par le VHB chez les enfants des sujets index étaient l’ADN du VHB pour les sujets index > 2 000 UI/ml (OR = 11,5 ; p = 0,001), l’existence du VHB chez les deux parents (OR = 7,9 ; p = 0,03) et l’absence de Vaccination contre le VHB chez les enfants (OR = 30,9 ; p = 0,003). Conclusion : La couverture vaccinale des enfants des sujets index était insuffisante, surtout avant l’introduction du vaccin contre le VHB dans le programme de vaccination élargi. En dehors de la transmission verticale, ces enfants étaient plus exposés au risque de transmission intrafamiliale du VHB lorsqu’ils n’étaient pas immunisés contre le VHB, lorsque les deux parents étaient infectés et lorsque la virémie du VHB chez les sujets index était supérieure à 2 000 UI/ml.
BRAVO à Mali Médical qui a détecté ce plagiat après publication.
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