La résistance aux antibiotiques se produit lorsque les bactéries deviennent résistantes aux médicaments qui les combattent. Ce phénomène, lié à une consommation excessive de médicaments, représente aujourd’hui l’une des plus grandes menaces pour la médecine moderne. Si cette tendance se poursuit, la médecine risque même de perdre sa capacité à traiter des infections devenues courantes. On parle également de rendre impossibles des procédures médicales essentielles, comme la chirurgie ou le traitement du cancer.
L’OMS estime que près de 39 millions de personnes pourraient mourir chaque année à cause de cette résistance aux antibiotiques d’ici 2050. Face à cette crise, la coopération entre professionnels de santé, institutions et industries pharmaceutiques est essentielle pour éviter de revenir à une époque où même des infections bénignes peuvent être mortelles. . Mais alors, quelles sont les solutions ? Le Dr Julien Textoris, directeur des affaires médicales à Biomérieux et anesthésiste réanimateur, a apporté quelques éléments de réponse lors de son apparition sur le plateau de l’émission Vous Santé, le mardi 12 novembre 2024.
Résistance aux antibiotiques : l’émergence d’un enjeu de santé publique
Qu’est-ce que la résistance aux antibiotiques ?
C’est un terme complexe qui peut faire peur. Disons que vous contractez une infection des voies urinaires. Aujourd’hui, elle se traite facilement avec des antibiotiques. Demain, les bactéries responsables de l’infection pourraient devenir résistantes aux antibiotiques !
Il faudra alors utiliser un autre antibiotique, d’une autre famille. Il n’existe aujourd’hui qu’une dizaine de familles d’antibiotiques. La crainte actuelle est donc de ne pas pouvoir traiter les infections bactériennes comme nous le faisons aujourd’hui.
Pourquoi la résistance aux antibiotiques est-elle devenue un problème majeur de santé publique ?
Les antibiotiques ont été découverts il y a un peu plus d’un siècle. Aujourd’hui, on se rend compte que ces bactéries résistantes deviennent de plus en plus importantes. Une étude publiée en septembre 2024 estime que d’ici 2050, il pourrait y avoir chaque année 39 millions de décès directement liés à la résistance aux antibiotiques.
Pour s’en rendre compte, il suffit de comparer ce chiffre à d’autres maladies. L’OMS estime que le Covid-19 est responsable d’environ 7 millions de décès dans le monde depuis 2019. 39 millions, c’est cinq à six fois plus.
Le risque, à terme, serait de perdre tous les progrès de la médecine moderne si l’on n’était plus capable de traiter les infections. Une intervention chirurgicale banale comme la cataracte ne serait plus possible sans antibiotiques pour prévenir les infections oculaires. On le sait, la chimiothérapie, dans la lutte contre le cancer, affaiblit notre système immunitaire. Si nous y recourons, c’est que nous sommes également capables de traiter les conséquences de ce traitement, comme les infections. Sans antibiotiques, cette arme contre le cancer ne pourrait plus être utilisée !
C’est pourquoi nous sommes confrontés à un problème essentiel si nous voulons pouvoir continuer à faire de la médecine comme nous le faisons aujourd’hui !
Quelles sont les solutions pour lutter contre la résistance aux antibiotiques ?
La résistance aux antibiotiques est-elle aujourd’hui un problème en France ?
De plus en plus d’infections par des bactéries résistantes sont observées dans les hôpitaux. Mais il y a aussi de plus en plus de personnes qui viennent à cause de ce qu’on appelle des « infections communautaires » et qui sont déjà porteuses de bactéries résistantes !
Comment lutter efficacement contre cette résistance aux antibiotiques ?
C’est assez complexe. Plusieurs actions conjointes sont nécessaires. Cette lutte commence déjà au niveau individuel. Tout le monde doit éviter de tomber malade. Il fait ainsi respecter les règles d’hygiène élémentaires : se laver les mains, se faire vacciner, etc. Il faut aussi faire confiance à son médecin. Vous ne devez pas demander d’antibiotiques lorsque cela n’est pas nécessaire. Et quand il prescrit des antibiotiques, il faut suivre la prescription et ne pas arrêter au bout de deux jours car on se sent mieux. Ce n’est pas le cas en France, mais il existe des pays où les antibiotiques sont disponibles gratuitement. Et c’est un désastre. Sans connaissances médicales, nous penserons prendre un traitement efficace alors qu’il ne l’est pas. Tout cela favorise l’émergence de résistances aux antibiotiques !
Comment Biomérieux, à son échelle, agit contre la résistance aux antibiotiques ?
Nous travaillerons au niveau des médecins et des professionnels de santé. Il y a évidemment l’enseignement médical dans lequel le ministère joue un grand rôle. Il existe également le recours à des tests de diagnostic. Ceux-ci permettront aux médecins de déterminer la cause de la maladie. Aujourd’hui, environ 70 % des décisions médicales reposent sur un test diagnostique. dans le cas d’une infection respiratoire par exemple, elle est principalement due à un virus. Les antibiotiques n’ont aucune action sur les virus. Grâce aux tests diagnostiques, le médecin pourra décider de donner ou non des antibiotiques.
C’est aussi grâce aux politiques de santé publique. La mise en place de mesures incitatives au bon usage des antibiotiques ainsi que des campagnes de vaccination.
Biomérieux : un des leaders des tests in vitro
Qu’est-ce qu’un test in vitro ?
Depuis le Covid-19, tout le monde connaît ce coton-tige que l’on met dans le nez pour recueillir les sécrétions nasales. Il s’agit d’un test in vitro. À l’aide de cet échantillon, nous tenterons de détecter le pathogène. Les analyses de sang en laboratoire sont également des tests in vitro. Pour reprendre l’exemple des infections urinaires, le test in vitro est aussi le prélèvement d’urine. Avec cet échantillon, le laboratoire va tenter de détecter quelle bactérie est responsable de l’infection. Mais aussi déterminer le profil de sensibilité à la résistance aux antibiotiques pour guider le médecin dans la prescription.
Quelles sont les alternatives aux antibiotiques ?
Règles d’hygiène et vaccination. Mais aussi un usage raisonné des antibiotiques. Emportez-les quand vous en avez besoin. Pour les infections virales comme le Covid-19, on ne prend pas d’antibiotiques !
Retrouvez le replay de l’émission Vos Santé du 12 octobre 2024.
À SAVOIR
Il existe douze familles d’antibiotiques, chacune agissant différemment pour lutter contre les bactéries.
Pénicillines (ex : Amoxicilline) – Ciblent la paroi cellulaire.
Céphalosporines (par exemple Ceftriaxone) – Ciblent la paroi cellulaire.
Macrolides (par exemple azithromycine) – Bloquent la production de protéines.
Tétracyclines (par exemple Doxycycline) – Bloquent la production de protéines.
Fluoroquinolones (par exemple ciprofloxacine) – Ciblent l’ADN des bactéries.
Aminoglycosides (ex : Gentamicine) – Bloquent la production de protéines.
Sulfonamides (ex : Sulfaméthoxazole) – Empêchent la production d’acide folique.
Carbapénèmes (par exemple, imipénème) – Ciblez la paroi cellulaire.
Glycopeptides (par exemple, vancomycine) – Ciblent la paroi cellulaire.
Lincosamides (par exemple clindamycine) – Bloquent la production de protéines.
Oxazolidinones (par exemple Linezolid) – Bloquent la production de protéines.
Polymyxines (par exemple colistine) – Endommagent la membrane cellulaire.
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