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« L’IA doit permettre aux médecins d’être encore plus humains avec leurs patients »

Guillaume Dumas est professeur agrégé au département de psychiatrie de l’Université de Montréal, chercheur au Centre de recherche Azrieli du CHU Sainte-Justine (Montréal) et au Mila, l’institut québécois d’intelligence artificielle (IA) dirigé par Yoshua Bengio. Il dirige le laboratoire de « psychiatrie de précision et physiologie sociale »dans lequel l’IA joue un rôle important.

En quoi vos recherches constituent-elles une innovation dans le domaine de la psychiatrie ?

Depuis mes travaux de thèse, je m’intéresse aux synchronisations intercérébrales. On sait maintenant que le cerveau réagit différemment lorsqu’il est engagé dans une interaction sociale ; Cependant, cette découverte a eu des conséquences sur la façon dont nous comprenons la santé mentale. Au lieu de réduire les troubles mentaux à ce qui se passe à l’intérieur du crâne, on sait désormais qu’il faut prendre en compte l’ensemble du corps ainsi que l’environnement social dans lequel évolue le patient.

Prenons le cas de l’autisme : l’autisme a longtemps été réduit soit à un problème affectant une région du cerveau, soit à un gène muté. Nous pensons désormais que pour comprendre l’autisme, nous devons avoir une approche multi-échelle, allant des données biologiques à l’environnement social. Notre laboratoire travaille autour de cette complémentarité entre la « psychiatrie de précision » (ou « psychiatrie personnalisée ») qui s’appuie sur les outils technologiques actuels, comme l’IA et ses big data, qui permettent d’affiner le diagnostic et le traitement. charge, et d’un autre côté la « physiologie sociale », qui prend en compte les variations culturelles et les déterminants sociaux de la santé mentale.

Comment l’IA vous aide-t-elle dans cette médecine de précision ?

La plupart des gens considèrent l’IA comme quelque chose de radicalement nouveau ; Pour ma part, je vois une continuité avec ce qui existait déjà en médecine, quand on travaillait avec les statistiques. Mais les statistiques classiques étaient destinées à tester des hypothèses, quand l’intelligence artificielle permet de produire « prédictions » à partir de données, c’est-à-dire indiquer des solutions possibles que l’on ne connaît pas.

L’avènement de la médecine « computationnelle », à savoir l’utilisation des mathématiques et de l’informatique dont l’IA fait partie, permet de détecter des modèles, ce que l’on appelle reconnaissance de modèles : on peut reconnaître des schémas, génétiques par exemple, et ainsi détecter une tumeur, la séquencer pour mieux la traiter. L’oncologie a été précurseur dans l’utilisation de l’IA, mais cela reste évidemment un défi en psychiatrie, où l’on touche à la pensée, à la conscience, à « l’ineffabilité », sans encore savoir scientifiquement comment fonctionnent exactement le cerveau et la cognition. Par ailleurs, pour tenter de mieux comprendre les mécanismes en place en psychothérapie, nous enregistrons actuellement des entretiens cliniques entre psychiatres et patients afin de recueillir des données sur l’activité cérébrale, l’activité physiologique et le langage déployé.

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