News Day FR

La grippe H5N1 se propage dans le monde, alors pourquoi l’Océanie est-elle épargnée ?

Alors que la deuxième campagne de vaccination des volailles contre le H5N1 (virus de la grippe aviaire) débute en France et que les mesures s’intensifient partout dans le monde, l’Océanie reste pour l’instant la tête hors de l’eau.

Si des cas de grippe aviaire ont bien été dénombrés et immédiatement éliminés, c’est pour l’instant la souche H7 et non la souche H5N1 qui ravage l’Europe et les Etats-Unis.

Selon les scientifiques, plusieurs paramètres liés à la nature du virus et à la position particulière du continent entrent en jeu. Des défenses efficaces pour l’instant, mais qui finiront par atteindre leurs limites, l’arrivée du virus n’étant pas prévue. “ce n’est qu’une question de temps”déclare Michelle Wille, virologue au Centre de génomique pathologique de l’Université de Melbourne en Australie, interviewée pour la revue Nature.

À vol d’oiseau

Si plusieurs théories cohabitent pour expliquer la résistance de l’Australie et des pays alentours, la première reste avant tout celle de la distance. La majorité de la population aviaire du continent est en fait constituée d’espèces endémiques, qui ne migrent pas vers des zones contaminées.

L’Australie impose également une législation particulièrement stricte, avec moins de 1 % des volailles du territoire importées selon des protocoles précis, justement pour protéger leur bétail des maladies.

Actuellement, le principal risque de contamination provient essentiellement des oiseaux migrateurs, marins et côtiers, venant de Sibérie et d’Alaska via l’Asie du Sud-Est. Durant cette première semaine d’octobre, les scientifiques australiens ont donc entamé une campagne de prélèvement d’échantillons à la recherche de traces du virus.

Jusqu’à présent, près de 1 000 oiseaux ont été examinés. Au cours des prochaines semaines, l’équipe du Dr Wille prévoit capturer des puffins du Nord (Ardenne du Pacifique) et Puffins à bec grêle (Ardenne tenuirostris) à mesure qu’ils migrent. Manipulation facilitée par les habitudes de ces oiseaux qui ont tendance à dormir au sol et sont donc plus faciles à attraper.

Les oiseaux sont ensuite testés pour le virus et des échantillons seront prélevés pour les anticorps afin de détecter toute contamination, présente et passée. Les chercheurs se concentrent particulièrement sur la recherche du virus H5N1 clade 2.3.4.4b, lignée responsable d’une mortalité massive chez les oiseaux et qui peut également affecter les mammifères.

Canards de Troie

Une autre voie de contamination, toujours selon le Dr Wille, est celle des canards et des oies. Migrant sur de longues distances, ces oiseaux semblent également capables de transporter le virus sans mourir.

Cette résistance s’explique notamment par la présence d’une protéine capteur appelée RIG-I, spécialisée dans la détection du virus de la grippe et déclenchant une réponse immunitaire généralement suffisante pour combattre l’infection.

Selon Kristy Short, virologue à l’Université du Queensland à Brisbane, cette capacité aurait pu être développée par des oiseaux d’Asie, après plusieurs infections par des lignées moins virulentes du virus H5N1, permettant la création d’une immunité. Cependant, si les animaux ne tombent pas malades, ils sont toujours capables de transmettre le virus à d’autres oiseaux lorsqu’ils partagent le même environnement.

Cependant, heureusement pour l’Australie, la majorité des espèces de canards du continent sont endémiques et ne migrent pas à travers l’océan.

Une forteresse aux remparts théoriques

Une autre particularité de l’Océanie est la présence d’une mystérieuse division biogéographique traversant l’Indonésie, séparant les espèces de la zone en deux biosphères clairement différenciées. Décrit par le naturaliste Alfred Russel Wallace en 1859 et appelé « Wallace’s Line », il se distingue des autres « frontières » du genre par l’absence de limite physique claire qui aurait pu générer de telles divergences évolutives. Selon Michael Andersen, biologiste évolutionniste à l’Université du Nouveau-Mexique à Albuquerque, ce phénomène représente “l’un des plus grands mystères de ce monde”.

Un mystère qui fait aussi office de solide barrière contre l’arrivée du virus H5N1, les faunes de part et d’autre étant si différentes que le virus peine à franchir la brèche. « Les virus de la grippe aviaire, y compris ceux hautement pathogènes (capacité d’un virus à provoquer une maladie chez son hôte, NDLR) sont très adaptés à certaines espèces », explique Frank Wong, virologue à l’Organisation de recherche scientifique et industrielle du Commonwealth (CSIRO) à la revue Nature.

Les oiseaux australiens seraient donc trop éloignés génétiquement pour que les modes habituels d’infection du virus H5N1 fonctionnent. Cependant, cette théorie reste à tester. Bien que la majorité des oiseaux migrateurs d’Australie ne franchissent pas la ligne Wallace, certaines espèces comme le Canard à sourcils noirs (Anas superciliosa) et le Dendrocygne tacheté (Dendrocygna guttata) sont capables de le faire et le docteur Wille les soupçonne de pouvoir servir de passeurs dans un avenir proche.

Si le virus est détecté, le gouvernement australien a déjà mis en place un plan de réponse. Les populations infectées seraient immédiatement éliminées, tout comme les oiseaux infectés par les virus H7N3 et N7N9 dans la ville de Victoria en mai.

Selon Kristy Short, lorsqu’une contamination survient, son impact sur les populations d’oiseaux, de mammifères et plus généralement sur l’écosystème australien reste impossible à prédire, mais de nombreuses espèces pourraient être touchées. « Il s’agit d’un angle mort majeur de la recherche »» déclare-t-elle pour la Nature.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

Related News :