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Focus sur les cancers digestifs

Alors que l’essai PODIUM montre une amélioration de la survie des patients atteints d’un cancer du canal anal, les études TOPGEAR et PANDAS posent la question de la place de la radio-chimiothérapie dans les cancers résécables de l’estomac et du pancréas. dr. Aurélien Lambert

TRANSCRIPTION

Bonjour, je suis ravi de vous retrouver sur le plateau de Medscape, en direct de l’ESMO 2024 à Barcelone. Je suis le Dr Aurélien Lambert, oncologue médical à l’Institut de cancérologie de Lorraine à Nancy, et je vais vous parler des cancers gastro-intestinaux (GI), et plus précisément de trois études qui ont retenu mon attention.

PODIUM : Amélioration de la survie des patients atteints d’un cancer du canal anal

L’une de ces études a été présentée en séance plénière, et pour moi c’est la plus haute sur le podium ; elle s’appelle justement POD1UM-303/InterAACT 2 . [1] C’est quelque chose d’assez rare pour le tube digestif et encore plus rare pour le canal anal.

C’est une étude assez intéressante, car nous avions une population de patients atteints d’un cancer du canal anal soit localement avancé, soit métastatique, soit récidivant, donc avec uniquement des stratégies non curatives, et avec une chimiothérapie qui n’est pas tout à fait la norme partout. Dans tous les cas, c’est une option, bien sûr, mais elle n’est pas toujours privilégiée par les centres.

On a testé : une combinaison de rétifanlimab (immunothérapie anti-PD-1) avec carboplatine-paclitaxel, donc une combinaison de chimiothérapie classique. Ce qui est très intéressant, c’est que les patients ont été randomisés 1 à 1 dans un bras portant l’immunothérapie et un bras avec placebo, donc c’est une étude « pure ».

Cette belle étude, à mon avis, suffit à elle seule à changer les standards.

La question était claire, et surtout, la réponse a été excellente, puisque l’étude est positive sur ses principaux critères d’évaluation, et notamment la survie. Nous avons donc une amélioration de la survie chez les patients atteints d’un cancer du canal anal (carcinome épidermoïde). Et cette belle étude, à mon avis, suffit à elle seule à changer les standards. C’est en tout cas la conclusion de l’équipe qui l’a présentée. Equipe anglaise, mais, il faut aussi dire « cocorico » car nous avons de nombreux centres qui ont participé à cette étude, donc il y a aussi une représentation très française.

En conclusion : une étude positive, présentée en plénière, probablement une nouvelle norme, et c’est une belle chose.

TOPGEAR : chimio-radiothérapie préopératoire dans le cancer gastrique résécable

La deuxième étude qui a retenu mon intérêt était TOPGEAR . [2] C’est un peu différent et peut-être un peu décevant, il faut bien l’avouer. Dans les adénocarcinomes de l’estomac et de la jonction gastro-oesophagienne, il s’agissait de tester une combinaison de chimiothérapie périopératoire avec ou sans radiochimiothérapie.

Cette étude est bien construite, pose une bonne question – on a pu discuter du choix de la chimiothérapie qui était ECF (épirubicine + cisplatine + 5-FU) dans une bonne partie des dossiers, mais c’est aussi historiquement dû au fait que l’étude est un peu ancienne et que le standard FLOT (5 Fluoro-uracile Oxaliplatine Docetaxel) n’avait pas forcément été diffusé dans tous les centres. Donc l’association chimiothérapie périopératoire et radiochimiothérapie, malheureusement, ne fait pas mieux. Il n’y a pas de signal suffisamment intéressant dans cette étude pour conclure sur un bénéfice de l’ajout de radiochimiothérapie. C’est donc une étude à la fois décevante, mais qui nous apprend quelque chose, puisque la place de la radiothérapie est toujours intéressante à discuter. Savoir qu’il ne faut pas la faire est, à mon avis, quelque chose d’assez utile, puisqu’on pourrait être tenté de la proposer à des patients sélectionnés. En tout cas, je pense que la discussion peut toujours être reportée, mais comme standard, nous restons sur le périopératoire classique et donc aujourd’hui, le FLOT.

En conclusion : une bonne étude, malheureusement négative car on aurait aimé que le choix soit le bon.

PANDAS-PRODIGE : quelle place pour le Radiochimiothérapie dans l’adénocarcinome pancréatique résécable ?

Concernant la troisième étude, je suis un peu juge et jury puisque je l’ai présentée lors de la première séance de Documents proposés, C’est l’étude PANDAS-PRODIGE 44 . [3 ]Nous nous intéressons aux patients atteints d’un adénocarcinome pancréatique résécable. limiteil s’agit donc d’une niche parmi les patients potentiellement opérables.

Cette étude était très attendue car on se pose encore une fois la question de la place de la radiochimiothérapie. Et là, on avait décidé de faire une chimiothérapie néoadjuvante avec Folfirinox 6 cycles, randomisation avec radiochimiothérapie versus rien, c’est-à-dire chirurgie immédiatement après la chimio. Les patients ont été opérés et dans les deux bras ils ont eu bien sûr la continuation de la chimiothérapie avec six cycles supplémentaires en adjuvant pour porter le total des cures à douze cures. L’essai a été jugé sur un critère principal qui était le taux de résection R0.

Ce taux de résection R0 a été atteint dans 50% des cas dans le bras chimiothérapie seule et dans 45% des cas dans le bras combiné. Malheureusement, il n’y a donc pas de différence significative entre les deux bras, ni de bénéfice a priori de la radiochimiothérapie concomitante dans la séquence.

On pourrait en rester là, mais je crois que cette étude nous apporte des messages assez forts. D’abord, le fait que la radiochimiothérapie, encore une fois, n’a pas sa place dans les cancers du pancréas, cette fois-ci limite résécable. Mais peut-être de manière plus pratique pour la clinique, on s’est rendu compte que la chimiothérapie néoadjuvante était extrêmement bien tolérée – 95% des personnes ont eu les six cycles de chimiothérapie néoadjuvante. C’est du Folfirinox modifié, bien sûr, mais un Folfirinox quand même. Donc c’est un message qu’on n’a pas toujours dans les essais, la chimiothérapie néoadjuvante se passe bien et surtout l’adjuvant a été, dans les cas où on a pu faire le traitement adjuvant des patients opérés, réalisé dans plus des deux tiers des cas de manière complète.

Donc la chimio c’est facile à faire et ça marche bien, parce qu’au final, oui, c’était un critère secondaire, mais la survie globale des gens dans les deux bras était assez bonne, plus de 30 mois, et on a eu 32,8 mois, presque 33 mois dans le bras chimio seule et exactement 30 mois dans le bras de la combinaison avec la radiothérapie. Ce sont des données qui sont plutôt favorables par rapport à ce qu’on lit dans la littérature.

Donc, aujourd’hui, le message est que pour les patients, pas de radiothérapie à priori, mais surtout, faire ces séquences. C’est maintenant un standard de l’ESMO, reconnu dans le Lignes directricesil faut le faire et sans crainte à mon avis, car la gestion du Folfirinox est maintenant excellente. C’est une étude multicentrique qui montre que tout le monde a bien adopté ce traitement et les patients semblent en bénéficier.

Donc il n’y aura pas de phase 3 à proprement parler dans cette même indication, du fait des résultats. Par contre, cette chimio sera sans doute un peu étudiée, et puis on s’attend à ce qu’elle le soit dans l’étude PANDAS bien sûr, et dans les essais que j’ai cités avant, les analyses « transla », puisque les études translationnelles nous montreront probablement qu’il y a des sous-groupes de patients avec des particularités moléculaires qui sont intéressantes. Je pense qu’on pourra peut-être trouver des signaux intéressants sur la radiothérapie chez certains patients, ce n’est pas exclu, mais surtout ce qui nous manque vraiment dans cette pathologie, en tout cas pour le pancréas, c’est d’avoir un démembrement assez pratique pour que dans les soins, en routine, on puisse aussi savoir quels sont les patients qui ont le plus de chances de bénéficier de telle ou telle séquence. Les signatures génomiques ont commencé à répondre à la question, mais ce n’est pas suffisant. Il faut aller plus loin et donner aux praticiens les clés pour trouver les bons traitements. Peut-être qu’il faudrait choisir la chimiothérapie néoadjuvante en fonction de ces séquences.

Voilà donc pour le petit. Attention de cet ESMO concernant le non colorectal. En tout cas, ce sont des essais qui ne sont pas tous positifs, certes, mais qui apportent tous une vraie réponse clinique à des questions de terrain que l’on se pose. Merci d’avoir suivi cette petite capsule pour mon plus grand plaisir. A bientôt.

 
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