Le château Castelmore à Lupiac (Gers) où est né le célèbre mousquetaire est à vendre. Deux repreneurs se sont manifestés : des collectivités locales pour un projet de musée national et un patron de la grande distribution pour sa retraite. Une première décision a été favorable à ce dernier. Un coup dans le dos de d’Artagnan et de sa mémoire ; un coup d’épée dans l’eau pour les élus.
Alors que le volet 2 de la saga cinématographique consacrée à d’Artagnan vient de sortir, le célèbre mousquetaire gascon n’est pas mis en danger par Milady de Winter mais bel et bien par un riche patron de la grande distribution. Et nous ne parlons pas ici de cinéma.
“La politique dans le Gers, c’est compliqué”, glisse Maxime Fillos, grand passionné du héros gascon et président de l’association « d’Artagnan chez d’Artagnan ». Lui et d’autres auraient souhaité que le château Castelmore de Lupiac (Gers) reste un lieu de mémoire et d’histoire dédié au héros rendu célèbre par Alexandre Dumas. À l’instar de Milady de Winter, principale ennemie des 3 mousquetaires, un intrus est apparu et non des moindres : Yves Claude, PDG d’Auchan Retail. Il aimerait vivre au château pour sa retraite et l’a acheté pour la somme de 2 millions d’euros. Son nom a été révélé par un article du Canard Enchaîné en ce premier mercredi de 2024.
Longtemps mis en vente (depuis 2015), le château de Charles de Batz (nom de d’Artagnan) et de ses successeurs ont eu du mal à trouver preneur. Lorsque l’homme d’affaires sortit du bois, les mousquetaires locaux se réveillèrent. La communauté de communes de Fezensac a également fait une offre équivalente a posteriori. Les élus locaux ont présenté un projet d’intérêt général, avec le soutien de l’État, promettant un investissement total de 10 millions d’euros.
Le 19 décembre 2023, la Société d’Aménagement du Territoire et d’Etablissement Rural du Gers (Safer) a choisi : elle sera le patron d’Auchan. Pourquoi plus sûr ? Car le château est entouré de plus de 70 hectares de terres agricoles, sans compter les bois.
Il y eut donc deux projets et deux repreneurs pour le célèbre château de Castelmore. Le bâtiment d’un étage ferait 700 m2, entouré de 155 ha de terres et de forêts. Comme il y a des terres agricoles, Safer a donc son mot à dire. Il est de bon ton de dire que le milieu agricole s’insurge souvent contre la grande distribution, alors pourquoi ce choix surprenant ?
Selon notre contact de l’association d’Artagnan à d’Artagnan Maxime Millos, «les deux projets étaient équivalents en terme de prix d’achat car c’est la loi. Les deux acheteurs potentiels ont tous deux convenu d’acheter le château mais de laisser le terrain aux agriculteurs locaux en le louant. Je ne sais donc pas ce qui a motivé ce choix surprenant.
Cette information a été confirmée par des responsables politiques locaux qui ont souhaité rester anonymes. Sur les terres agricoles du château se trouvaient deux agriculteurs dont un est à la retraite.
Comment fonctionne ce type de vente ? Lorsqu’un propriétaire souhaite vendre un bien immobilier avec un terrain agricole, il fait appel à Safer. Ils doivent se mettre d’accord sur un prix de vente. Safer communique ensuite le plus largement possible sur le bien à vendre et son prix (affichages, journaux, internet…). Les personnes intéressées ont 15 jours pour se manifester. Il n’est pas possible de surenchérir sur le prix.
Puis l’annonce est retirée et le comité technique départemental se réunit. Dans le Gers, il est composé d’une vingtaine de représentants agricoles : syndicats, chambre d’agriculture, MSA etc. Ce comité est souverain. C’est donc lui qui a choisi le PDG d’Auchan Yves Claude pour le Château de Castelmore à Lupiac. Un pour tous, tous (ou presque) pour Auchan !
Désormais, le dossier est entre les mains de la Safer régionale qui doit trancher. On ne connaît pas encore la date de cette rencontre. Mais nul doute que les défenseurs du mousquetaire, les élus locaux, le département, la région et l’Etat suivront cela de près. Originaire du Gers et camarade de classe du maire de Lupiac, l’ancien Premier ministre Jean Castex est favorable au projet. Son principal initiateur n’est autre que Jean-René Cazeneuve (député Renaissance) dont l’adjointe est… la maire de Lupiac Véronique Thieux-Louit.
Charles de Batz de Castelmore dit d’Artagnan est donc né entre 1611 et 1615 au château de Castelmore à Lupiac (Gers). “On ne sait pas exactement quand, car les registres paroissiaux ont disparu, nous raconte Maxime Millos, un expert du mousquetaire. Nous ne savons pas non plus où il est enterré. Mais il était garde du corps de Louis XIV, issu d’une famille de sept enfants : quatre garçons, trois filles. Un garçon est resté sur la propriété parce que nous ne partagions pas la propriété à ce moment-là. Le deuxième était prêtre et le troisième (Paul) était mousquetaire. Il est décédé à 94 ans. Il est le dernier héritier direct.
Charles de Batz a eu deux garçons. L’aîné, également mousquetaire, reçut les biens gersois. Blessé, il meurt relativement jeune. Son frère hérite donc du château longtemps inhabité et vendu à la famille Lasserre (Montauban) vers 1769. Cette famille en reste propriétaire jusqu’en 1939, date à laquelle une Anglaise l’achète. Dans les années 1940, c’est une personnalité politique locale qui acquiert ce patrimoine historique : Yves Rispat. Président de la Chambre d’Agriculture du Gers, président UMP du conseil général (de 1992 à 1998), ancien député et sénateur et maire de Lupiac. Il est décédé en 2015 et sa compagne Jeanine Espié en a hérité et en est toujours propriétaire. Le château est depuis en vente.
Les défenseurs du mousquetaire perdirent une première bataille mais ne rangeèrent pas l’épée.
Related News :