Porté par l’Inserm, le projet Remember travaille sur les marqueurs neurobiologiques du stress post-traumatique et de la résilience aux traumatismes. Les derniers résultats mettent en évidence la plasticité des mécanismes cérébraux impliqués. Communiqué de presse Inserm.
L’étude Remember (1), dirigée par Pierre Gagnepain et dont l’Inserm est promoteur, a été mise en place dans les mois qui ont suivi les attentats du 13 Novembre. Elle s’intéresse plus particulièrement aux facteurs de protection et aux marqueurs cérébraux qui sont associés à la résilience au traumatisme. Dans un nouvel article scientifique publié dans Science Advances, l’équipe de recherche au sein du laboratoire Inserm Neuropsychologie et imagerie de la mémoire humaine (Inserm/Université de Caen Normandie/École pratique des hautes études/CHU Caen/GIP Cyceron) met en évidence la plasticité des mécanismes cérébraux permettant de faire face au trauma. Ceux-ci se transforment avec le temps, et leur reconfiguration aboutit à une diminution des symptômes de stress post-traumatique.
L’étude Remember, réalisée dans le cadre du programme transdisciplinaire 13-Novembre (1), est une étude qui compare les résultats d’imagerie cérébrale réalisée chez 120 participants exposés aux agressions et 80 non exposés suivis depuis 2015. L’équipe de recherche explore les effets d’un événement traumatique sur les structures et le fonctionnement du cerveau, identifiant des marqueurs neurobiologiques du stress post-traumatique mais aussi de la résilience au traumatisme. A terme, l’objectif est que ces travaux puissent déboucher sur de nouvelles pistes thérapeutiques, complémentaires à celles déjà existantes, pour les personnes souffrant de trouble de stress post-traumatique (SSPT).
« Pourquoi certaines personnes ayant vécu un traumatisme souffrent-elles de stress post-traumatique, alors que d’autres ne développent jamais ce trouble ? Qu’est-ce qui, dans le cerveau, explique pourquoi certaines personnes se rétablissent du SSPT et d’autres en souffrent de façon chronique ? C’est le type de questions auxquelles nous essayons de répondre avec notre travail. explique Pierre Gagnepain, chercheur Inserm et responsable scientifique de Remember.
Mécanismes de contrôle de la mémoire
Parmi les symptômes les plus caractéristiques du SSPT, l’intrusion fréquente de souvenirs d’images, d’odeurs et de sensations associées au traumatisme vécu. Ces souvenirs intrusifs, qui arrivent souvent sans prévenir et perturbent le quotidien, sont source d’un grand désarroi.
Dans des travaux antérieurs, l’équipe a montré que les personnes souffrant du SSPT présentent un dysfonctionnement des réseaux de contrôle cérébral qui régulent normalement l’activité des régions de la mémoire, et en particulier l’activité de l’hippocampe.
Chez les individus atteints de ce trouble, ces « mécanismes de contrôle » de la mémoire ne parviennent pas à inhiber l’activité hippocampique, permettant ainsi aux souvenirs intrusifs de refaire surface. À l’inverse, le fonctionnement de ces mécanismes est largement préservé chez les individus sans SSPT, qui parviennent à combattre efficacement les mémoires intrusives.
Dans la continuité de ces résultats, Pierre Gagnepain et ses collègues ont voulu comprendre dans leur nouvelle étude (2) si les mécanismes de contrôle de la mémoire pouvaient être remodelés et améliorés au fil du temps, contribuant ainsi à la guérison du trouble.
Au total, 100 personnes ayant été exposées aux attentats terroristes du 13 novembre 2015 ont participé à ces travaux. Parmi eux, 34 souffraient de SSPT chronique, tandis que 19 s’étaient remis d’un trouble initial. L’étude a également inclus 72 participants non exposés aux attaques, servant de groupe témoin. Toutes ces personnes ont été invitées à participer à deux reprises à des études d’imagerie cérébrale (en 2016/2017 puis en 2018/2019) afin d’étudier les changements structurels et fonctionnels de leur cerveau au fil du temps. Ils ont également répondu à un questionnaire sur leurs éventuels symptômes de SSPT en 2020/2021.
A partir de ces données, l’équipe de recherche a pu mettre en évidence la plasticité des réseaux cérébraux impliqués dans le contrôle de la mémoire, qui régulent la résurgence des souvenirs intrusifs.
Les chercheurs montrent que, chez les personnes guéries du SSPT, ces « mécanismes de contrôle » de la mémoire se remodèlent au fil du temps et finissent par être « normalisés », pour ressembler à ceux des personnes « témoins ». Concrètement, cela se traduit en imagerie cérébrale par une action plus efficace des régions préfrontales pour inhiber l’activité hippocampique et empêcher l’accès aux mémoires intrusives.
Chez les participants souffrant de SSPT chronique, ces phénomènes sont toujours altérés. Néanmoins, l’apparition d’un début de plasticité des mécanismes de contrôle de la mémoire, observée lors de la deuxième étape de l’imagerie chez certains d’entre eux, laisse présager une réduction future des symptômes intrusifs rapportés dans la troisième partie de l’étude. étude, dans le questionnaire.
Enfin, au niveau structurel, cette normalisation des mécanismes de contrôle de la mémoire est également associée à une interruption de l’atrophie hippocampique, contribuant ainsi à limiter les effets négatifs du stress sur le cerveau.
« Notre étude montre que rien n’est gravé dans le marbre. La résilience humaine aux traumatismes est caractérisée par la plasticité des circuits de contrôle de la mémoire, notamment ceux qui régulent l’activité hippocampique et la résurgence de souvenirs intrusifs. Il souligne également que l’altération des mécanismes de contrôle, que nous avions identifiée lors de notre précédente étude comme étant essentiels à la compréhension des variations en réponse à un traumatisme, ils sont beaucoup plus susceptibles d’être la cause que la conséquence du SSPT. », souligne Giovanni Leone, premier auteur de l’étude.
D’un point de vue clinique, cette étude pourrait avoir des implications intéressantes. “ On pourrait imaginer de nouvelles thérapies, complémentaires à celles déjà utilisées, pour stimuler les mécanismes de contrôle de la mémoire et favoriser la plasticité. L’avantage de cette approche serait d’agir sur les réseaux cérébraux sans agir sur le système émotionnel et sans faire revivre au patient des émotions traumatisantes. specifies Pierre Gagnepain.
L’équipe poursuit ses travaux sur le sujet : la prochaine étape consistera à étudier le rôle d’un récepteur cérébral particulier (appelé « GABA alpha 5 »), principalement situé au sein de l’hippocampe. Les scientifiques pensent que ce récepteur pourrait être impliqué dans l’oubli et la réduction au silence des souvenirs. Ils souhaitent explorer cette piste, qui leur permettrait à la fois de mieux comprendre les mécanismes du TPST mais également d’envisager ce récepteur comme une nouvelle cible thérapeutique potentielle.
• Stress post-traumatique : la plasticité cérébrale, un mécanisme clé de la résilience aux traumatismes, communiqué de presse Inserm du 8 janvier 2025.
• Plasticity of Human resilience mechanisms, Giovanni Leone, Hannah Casanave, Charlotte Postel, Florence Fraisse, Thomas Vallée, Vincent de La Sayette, Jacques Dayan, Denis Peschanski, Francis Eustache, Pierre Gagnepain, Science Advances, January 8, 2025.
1– Vaste programme de recherche transdisciplinaire, le programme Novembre 13 est codirigé par le neuropsychologue Francis Eustache, directeur du laboratoire Inserm Neuropsychologie et Imagerie de la mémoire humaine (Inserm/Université de Caen Normandie/École Pratique des Hautes Études/CHU Caen/GIP Cyceron), et l’historien Denis Peschanski, directeur de recherche au CNRS. L’objectif : étudier la construction et l’évolution de la mémoire individuelle et collective de ces événements traumatisants, mais aussi mieux comprendre les facteurs protégeant les individus du stress post-traumatique.
2– Cette étude a bénéficié d’un financement de la Région Normandie dans le cadre du Label d’Excellence du Réseau d’Intérêt Normand (RIN).