En République démocratique du Congo (RDC), épicentre de l’épidémie de mpox, le diagnostic d’un patient suspect peut prendre jusqu’à trois semaines. “C’est beaucoup trop long, car pendant ce - le virus continue de se propagerregrette l’épidémiologiste camerounais Yap Boum II, directeur exécutif de l’Institut Pasteur de Bangui, en République centrafricaine. Mais il faut imaginer à quel point c’est compliqué lorsque les personnes contaminées se trouvent parfois à 200 kilomètres du laboratoire le plus proche. »
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Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), de janvier à août, seuls 36 % des cas suspects ont été testés en RDC, un pays où de vastes étendues de territoire sont dépourvues de routes praticables. La décentralisation des laboratoires est désormais mise en œuvre pour améliorer la réponse et ne pas repartir de zéro lors de la prochaine épidémie. Mais les failles mises en évidence par l’épidémie de mpox rappellent à quel point les systèmes de santé restent incomplets en RDC, comme dans de nombreux pays africains.
Plus de 50 % des Africains n’ont toujours pas accès aux services de santé essentiels, selon l’OMS. Les obstacles sont multiples, du manque de structures de santé, d’équipements et de médicaments à la pénurie de professionnels qualifiés : en 2021, l’Afrique subsaharienne comptait 2,3 médecins pour 10 000 habitants, contre 39,4 en Europe. « En Centrafrique, il n’y a pas plus d’une dizaine de biologistes pour l’ensemble du paysa témoigné Yap Boum II. Et au Cameroun, en dehors de Douala et Yaoundé, il est très difficile de trouver un gynécologue ou un cardiologue. »
Les difficultés logistiques pénalisent lourdement les communautés rurales, notamment dans les pays en proie à l’insécurité. À cela s’ajoutent des contraintes financières pour les populations aux revenus limités, alors que les systèmes d’assurance maladie en sont encore à leurs balbutiements sur l’ensemble du continent. Ainsi, au Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique, les dépenses de santé contribuent à plonger plus d’un million de personnes dans la pauvreté chaque année, selon un récent rapport de la Banque mondiale.
« Grands tueurs »
Selon une enquête publiée en avril par l’institut panafricain de sondage Afrobaromètre et réalisée dans 39 pays du continent, deux tiers des Africains déclarent avoir dû se passer des soins médicaux nécessaires au moins une fois – voire bien plus – au cours de la dernière décennie. année. précédent. C’est même le cas de 83% des Zambiens, 79% des Béninois et 77% des Ougandais. Et la majorité de ceux qui ont fréquenté un établissement public de santé ont évoqué l’absence du personnel, l’indisponibilité des médicaments et les délais d’attente très longs.
« La plupart des pays africains sont confrontés à une démographie galopante et à des besoins croissants, mais leurs économies sont petites. Il y a peu de ressources pour acheter du matériel, former des agents, les payer”résume le docteur George Kimathi, directeur chargé du développement des capacités au sein de l’ONG médicale Amref Health Africa. En moyenne, les États africains consacrent un peu plus de 7 % de leur budget national à la santé, bien loin de l’objectif de 15 % qu’ils s’étaient fixé en 2001 dans la déclaration d’Abuja formulée par l’Union africaine. (UA). Seuls l’Afrique du Sud et le Cap-Vert ont atteint cet objectif.
“De pluscontinue le docteur Kimathi, les investissements réalisés trop rarement profitent aux centres de soins primaires [vaccinations, protection maternelle et infantile…], où la majorité des Africains se font soigner. »
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Certaines tendances de long terme restent encourageantes. Entre 2000 et 2019, les Africains ont gagné dix ans d’espérance de vie et la mortalité infantile a diminué. Des progrès attribués à une meilleure prévention et, plus encore, à la lutte contre les « grandes maladies » comme le paludisme, le sida ou la tuberculose, grâce au financement des donateurs internationaux.
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Mais l’apparition de la pandémie de Covid-19 en 2020 a mis un terme à cette tendance. En perturbant gravement l’accès aux soins essentiels (diminution du suivi pré- et postnatal, ruptures dans la prise en charge des enfants malnutris, interruptions des programmes de vaccination, etc.), cette crise a mis en évidence la fragilité des infrastructures sanitaires de base. .
Travailleurs communautaires
« Ce qu’il faut aujourd’hui, plutôt que des programmes très verticaux autour de quelques grandes pathologies, qui concentrent l’essentiel des financements et doivent démontrer leurs résultats tous les trois ans, ce sont des réformes durables et en profondeur des systèmes de santé.» déclare Elisabeth Paul, professeur à l’Université libre de Bruxelles et spécialiste des politiques de santé publique en Afrique de l’Ouest. L’accent doit être mis sur les ressources humaines pour disposer de personnel bien formé dans des centres de santé polyvalents et proches des populations. »
Personne ne conteste la nécessité d’œuvrer à la mise en place d’une base de santé plus solide. Cet objectif est également inscrit dans l’agenda de Lusaka, adopté en décembre 2023 par les gouvernements africains et les grandes organisations mondiales de santé. Les donateurs sont invités à déléguer davantage de responsabilités aux pays bénéficiaires et aux organismes régionaux dans l’identification des priorités d’intervention et l’utilisation des fonds.
« Mais il n’y a pas forcément de contradiction entre l’investissement dans les systèmes de santé et la lutte contre les maladies qui restent extrêmement meurtrières au point d’écraser tout le reste »insiste cependant Françoise Vanni, directrice des relations extérieures du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Ainsi, au nord du Nigéria, « 80 % des consultations dans les centres de santé primaires sont liées au paludismeelle illustre. Cette charge empêche le personnel sur place de se consacrer à autre chose. ».
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Au cœur des besoins et des attentions : le renforcement des systèmes locaux, des dispensaires aux laboratoires mobiles, en passant par les agents communautaires. Ni médecins ni infirmiers, ces agents jouent pourtant un rôle primordial. En parcourant les villages les plus reculés, ils peuvent détecter un cas de paludisme, prélever des échantillons, faire de la prévention et livrer des médicaments essentiels.
Le Fonds mondial a annoncé qu’il allouerait 900 millions de dollars (environ 850 millions d’euros) entre 2024 et 2026 à cette main d’œuvre pour améliorer sa formation, son encadrement et son équipement. Le Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (Africa CDC, l’agence de santé publique de l’UA) va dans le même sens, avec le recrutement de 2 millions d’agents communautaires à travers le continent.
Le défi du dernier kilomètre
Le soutien aux acteurs de terrain peut passer par l’innovation et la technologie. « Certaines solutions changent véritablement la donne pour les communautés isolées »s’enthousiasme George Kimathi. Par exemple, Amref Health Africa propose aux agents communautaires un module d’apprentissage, accessible via un téléphone mobile de base, qui dispense des cours et leur permet d’interagir avec leurs pairs.
Les outils numériques et l’intelligence artificielle ouvrent un large éventail de possibilités en matière de diagnostic à distance, de prévention ou de gestion des stocks pour les officines de proximité. Ainsi, au Mozambique, le gouvernement, en partenariat avec le Fonds mondial et des acteurs du secteur privé, est en train d’équiper tous les agents communautaires d’une application mobile de numérisation de données baptisée « UpScale ». Au-delà de sécuriser les informations des patients, préalablement enregistrées sur des registres papier, l’enjeu est d’améliorer le suivi médical et de mieux anticiper les besoins.
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Pour résoudre le défi du dernier kilomètre, de plus en plus de pays comptent également sur la livraison par drones. Comme au Rwanda, au Ghana ou au Nigeria, où la société américaine Zipline livre des poches de sang, des vaccins et autres produits médicaux dans les zones difficiles d’accès grâce à ses mini-avions sans pilote.
Selon une étude réalisée en 2023 par le cabinet de conseil McKinsey au Kenya, au Nigeria et en Afrique du Sud, un recours accru aux outils numériques de santé (téléconsultations, dossiers médicaux électroniques, etc.) permettrait de réaliser des gains d’efficacité pouvant atteindre 15 %. % des dépenses de santé d’ici 2030. De quoi générer des économies substantielles qui, dans un cercle vertueux, pourraient être immédiatement réinvesties dans des réformes et des programmes visant à améliorer l’accès aux soins.
Cet article a été réalisé dans le cadre d’un partenariat avec le Fonds mondial.