Livre. « En moyenne, les personnes les plus défavorisées socialement sont aussi les plus défavorisées génétiquement. » Ces propos, dénués de fondement scientifique, ne sont pas ceux d’un phrénologue ou d’un théoricien eugéniste du XIXe siècle.e siècle. Ce sont ceux-là, rapportés par Le monde en 2017, directeur de recherche au CNRS, chercheur au laboratoire de sciences cognitives de l’Ecole Normale Supérieure de Paris et membre du Conseil scientifique de l’Éducation nationale.
Revenant sur cette affirmation, et d’autres, tirées du même tonneau, le neurobiologiste François Gonon (CNRS) tente de répondre, en Les neurosciences, un discours néolibéral (Domaine social, 232 pages, 20 euros), à cette épineuse question : que diable s’est-il passé ces dernières années dans le domaine scientifique, et à son interface avec la société, pour que de telles idées refont surface dans le débat public sous le vernis d’un savant discours?
Frappé par la grande popularité médiatique de sa discipline, François Gonon s’intéresse depuis plus de dix ans aux usages discursifs des neurosciences et à la manière dont ils contribuent à forger des représentations du monde et à générer, ou légitimer, des politiques. publique. Ce statut unique des neurosciences repose, selon lui, sur une promesse implicite, celle d’élucider le comportement humain à travers l’analyse du fonctionnement cérébral.
Rapport d’échec
Ce « discours des neurosciences », que François Gonon distingue des neurosciences elles-mêmes et de leur apport à la connaissance, a une portée éminemment politique. L’examen du cerveau à lui seul occulte, par définition, les déterminants sociaux et économiques connus pour avoir un effet majeur sur le comportement individuel.
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Dans un tel cadre analytique, les maladies psychiatriques, l’échec scolaire, la délinquance, etc., tendent à être réduits à la biochimie du système nerveux central, elle-même déterminée par le génome. Histoires individuelles, parcours de vie et dysfonctionnements sociétaux disparaissent face aux images du cerveau réagissant à tel ou tel stimulus, nourrissant ce que l’auteur appelle un « neuro-essentialisme ».
L’essai de François Gonon se distingue par la grande clarté de la présentation et par le souci de revenir à la littérature scientifique, sur chaque point critique de l’argumentation, pour étayer son argumentation. Cela s’ouvre sur un constat d’échec : contrairement à ce qu’anticipaient certains dirigeants de la recherche psychiatrique dans les années 1990, il n’est toujours pas possible de fonder le diagnostic des troubles mentaux sur des biomarqueurs.
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