Malgré leur joli nom, les « poignées d’amour » sont rarement valorisées. Mais surtout, le surpoids qu’ils révèlent peut cacher de la graisse dite viscérale, répartie à l’intérieur de la cavité abdominale, menaçant notre santé. « Nous recevons beaucoup de personnes qui souhaitent se faire coacher pour « perdre de la graisse abdominale » à des fins esthétiques, mais nous sommes toujours frappés par le fait que très peu d’entre elles se rendent compte qu’il existe également un problème de santé et qu’un tour de taille qui augmente et s’épaissit peut indiquer des risques accrus de perte de graisse. maladies cardiovasculaires ou métaboliques», note Jean-Léon Bart, coach sportif et co-fondateur du centre de fitness Atelier 71 à Neuchâtel. Longtemps considéré comme un simple tissu de stockage, le tissu adipeux viscéral est désormais connu pour favoriser, entre autres, l’inflammation et la résistance à l’insuline, fait à l’origine du diabète de type 2.
Graisse viscérale : êtes-vous concerné ?
Le calcul de l’indice de masse corporelle (IMC)* n’est pas pertinent pour indiquer la présence d’un excès de graisse viscérale. En juin dernier, une étude chinoise proposait d’utiliser plutôt un « indice de rondeur corporelle » (BRI), incluant la mesure du tour de taille. En attendant que cet indice soit validé, il existe quelques repères simples pour estimer si vous risquez d’avoir un excès de graisse viscérale. Une silhouette en forme de « pomme », avec une taille plus large que les hanches, indique souvent la présence de tissu adipeux au niveau de l’abdomen, tout comme un tour de taille supérieur à 88 cm pour les femmes et 102 cm pour les hommes. De plus, le rapport obtenu en divisant votre tour de taille par votre tour de hanches devrait être inférieur à 0,85 pour les femmes et à 0,90 pour les hommes. En cas de doute, l’idéal est de demander l’avis d’un professionnel de santé.
Deux types de graisses différents
A noter que les poignées d’amour elles-mêmes sont plutôt « inoffensives » : ce sont des graisses dites sous-cutanées, considérées comme neutres, ayant principalement un rôle de réserve énergétique. La situation est tout autre avec la graisse viscérale, plus innervée et vascularisée, et qui surtout se comporte comme un véritable tissu « endocrinien », autrement dit capable de sécréter des molécules spécifiques. Il s’agit ici de cytokines, impliquées dans les processus inflammatoires et capables d’affecter tous les organes, via la circulation sanguine.
Comment savoir si vous êtes concerné par de tels phénomènes ? « Si l’on observe une augmentation de la circonférence abdominale, cela peut être dû au seul développement du tissu adipeux sous-cutané ou à une augmentation des deux types de graisses. Il est très difficile de déterminer de manière précise l’importance de la graisse viscérale. Pour cela, il est nécessaire de réaliser un examen de la composition corporelle par « Dexa-scan » ou par imagerie par résonance magnétique (IRM) », explique le professeur François Pralong, chef du service d’endocrinologie, diabétologie et obésité à l’hôpital de la Tour. L’IRM a l’avantage de montrer s’il existe d’éventuels amas graisseux dans le foie, signes d’atteinte de cet organe (appelée stéatose hépatique), autre conséquence possible d’un excès de graisse viscérale.
Risque accru de maladies « cardiométaboliques »
Si le risque accru de maladies dites cardiométaboliques, comme le diabète de type 2, l’athérosclérose ou l’hypertension artérielle, est proportionnel au volume de graisse viscérale, il a également été démontré qu’une perte de poids globale permettait de réduire le tissu adipeux viscéral. Réduire le tour de taille de quelques centimètres peut déjà réduire considérablement le risque de telles maladies. Et bonne nouvelle : les caractéristiques du tissu adipeux viscéral permettent de le « déstocker » plus facilement que la graisse sous-cutanée.
Mais comment ? « Les seuls « brûleurs de graisses » sont nos muscles », prévient le professeur Pralong. L’activité physique est essentielle pour perdre de la graisse ! Y a-t-il une activité physique à privilégier ? « C’est une question récurrente. On entend souvent parler du HIIT (entraînement fractionné de haute intensité, ndlr)très populaire sur les réseaux sociaux. Les activités dites « cardio » permettent de puiser dans les réserves de graisse, mais cela fonctionne aussi avec le cardio plus traditionnel (jogging, vélo…) », précise Jean-Léon Bart. Et de poursuivre : « De plus, augmenter sa masse musculaire est aussi un moyen de brûler plus de calories au repos. Il n’y a donc pas qu’une seule façon de perdre du poids et le meilleur entraînement est celui qui est adapté aux possibilités de chacun et qui peut être maintenu dans le -. Perdre du poids prend du -, cela nécessite aussi de comprendre pourquoi on a pris du poids, d’améliorer son sommeil et d’apprendre à gérer son stress si nécessaire. Les poids accumulés sur plusieurs mois, voire plusieurs années, ne sont pas perdus en quelques semaines, promettre ce genre de résultats est trompeur.
-L’autre levier essentiel pour perdre du poids est bien sûr l’alimentation, mais des restrictions strictes ne sont pas une solution à long terme et peuvent même conduire à des troubles alimentaires. Seule la consommation d’aliments industriels ultra-transformés, très gras et sucrés, devrait être limitée afin de privilégier une alimentation variée, riche en légumes et fruits. “Il faut le répéter : il n’existe pas de régime ni d’aliment qui permettent de “perdre la graisse du ventre””, rappelle Séverine Chédel, diététicienne à Neuchâtel, avant de mettre en garde contre les solutions “miracles” vantées dans les publicités et sur les réseaux sociaux. « S’il existait un régime qui fonctionnerait à long terme, les gens n’en suivraient qu’un seul dans leur vie ! Les personnes en surpoids tentent parfois de nombreux régimes ou restrictions avant de consulter des professionnels de santé.
Ces derniers mois, de nombreux abus d’un médicament contre le diabète, le sémaglutide (Ozempic), ont été signalés après que des influenceurs ont vanté son effet coupe-faim. « Cette molécule est en effet désormais également utilisée pour traiter l’obésité (sous le nom de Wegovy). Il présente de nombreux bienfaits, mais ne doit jamais être utilisé en dehors d’une prescription médicale », prévient le professeur Pralong, qui rappelle que la reprise de poids intervient dans 70 % des cas à l’arrêt du médicament.
A la ménopause : prudence !
Les hormones féminines, notamment les œstrogènes, agissent comme une protection contre le développement du tissu adipeux viscéral. Les femmes ont donc tendance à stocker les graisses sous la peau, notamment au niveau des fesses et des cuisses. Cependant, lorsque les œstrogènes se raréfient, la graisse a tendance à résider dans l’abdomen. Le risque de développer de la graisse viscérale augmente alors, notamment en cas de prise de poids. Que faire pour l’éviter ? « Les traitements hormonaux substitutifs pour la ménopause n’ont malheureusement aucun effet sur ce point. Toutes les femmes ménopausées peuvent donc être concernées », souligne le professeur François Pralong, de l’Hôpital de la Tour. La meilleure prévention est de limiter la prise de poids, même si ce n’est pas facile. « Il y a parfois un vrai travail d’acceptation à réaliser car on ne choisit pas toujours son poids, même si on fait un effort. Mais même si cela ne se traduit pas par une perte de poids, adopter une bonne hygiène de vie est toujours bénéfique pour la santé», rappelle gentiment Séverine Chédel, diététicienne à Neuchâtel.
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* IMC = poids (kg)/taille (cm)2
Published in Le Matin Dimanche on 01/12/2024