L’IA est utilisée pour personnaliser le régime alimentaire des utilisateurs.

L’IA est utilisée pour personnaliser le régime alimentaire des utilisateurs.
L’IA est utilisée pour personnaliser le régime alimentaire des utilisateurs.

Un logiciel d’intelligence artificielle déployé par le CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal serait en mesure de personnaliser les menus des usagers en fonction de leurs préférences, de leurs aversions et de leurs besoins nutritionnels particuliers.

La technologie réduit aussi les risques d’erreurs en matière d’allergies, de contamination croisée et d’autres incidents alimentaires, précisent-ils. Le logiciel a été déployé graduellement, depuis juin 2023 et après presque dix ans de travail, dans les hôpitaux du Lakeshore, Saint Mary’s et Lasalle, ainsi que dans les CHSLD Nazaire-Piché et Denis-Benjamin Viger. Il pourrait maintenant être déployé dans d’autres établissements. « Il y aura toujours une intervention humaine, précise Debby Berteau, qui est agente de recherche au volet nutrition. Mais le but est d’améliorer l’offre tout en limitant les interactions. » Si un usager a droit à un gâteau en dessert, cite-t-elle en exemple, le logiciel se chargera de calculer la teneur en glucides, « ce qui nous permet d’offrir plus de variété, (…) on ne voit plus seulement les aliments qui sont permis ou interdits. » Cela a aussi l’avantage de libérer les techniciennes ou les nutritionnistes de ces tâches.

Il serait difficile de faire la même chose manuellement, a expliqué Marie-Hélène Cyr, nutritionniste en rôle-conseil, car « ça prendrait beaucoup de ressources ». « On aurait besoin d’une technicienne en diététique qui ferait des calculs manuellement pour savoir, OK, cet usager a besoin de 60 grammes de glucides à chaque repas », a-t-elle expliqué. Elle devrait calculer, et ensuite s’il y a une aversion ou une préférence, ça change ses calculs. Tout dépend de l’offre au menu, on devrait recalculer tous les jours. On n’aurait jamais assez de personnel pour faire ce que l’ordinateur fait pour nous en ce moment. » Le projet « introduit une nouvelle approche de la prescription nutritionnelle », a-t-on expliqué par courriel, une approche qui est « basée sur une description des besoins plutôt que sur des diagnostics prédéfinis ».

Les responsables expliquent que le logiciel est capable d’ajuster automatiquement les aliments proposés, ce qui permettrait d’augmenter la variété et la satisfaction des utilisateurs tout en respectant leurs restrictions alimentaires. Ils indiquent par exemple que l’intelligence artificielle permet de proposer 61 aliments supplémentaires pour un régime restreint en potassium. Un menu calibré en potassium, précise-t-on, offre en moyenne 1800 kcal et 75g de protéines, contre 1750 kcal et 70g de protéines dans les régimes traditionnels. Le programme permettrait également d’augmenter la variété des aliments proposés, puisque les menus calibrés comprendraient 16% d’aliments disponibles en plus. Pour les utilisateurs nécessitant plusieurs restrictions, ajoute-t-on, le menu fournit désormais 1775 kcal au lieu de 1400 kcal, soit une augmentation de 25%.

Fonctionnement

Les techniciens en diététique recueillent d’abord les préférences et les aversions alimentaires des utilisateurs, ainsi que leurs besoins nutritionnels spécifiques. Le logiciel est ensuite configuré avec les valeurs nutritionnelles des aliments, des recettes et des portions standardisées. L’intelligence artificielle ajuste ensuite automatiquement les menus en fonction des données collectées, sans nécessiter d’intervention manuelle. Toute modification des valeurs nutritionnelles des aliments ou des recettes est automatiquement prise en compte par le système.

L’Hôpital général du Lakeshore disposait déjà depuis plusieurs années d’un programme informatique pour superviser et gérer certains aspects de l’alimentation des usagers. C’est sur cette base que les travaux ont débuté en 2014, puis se sont accélérés en 2019 pour aboutir à l’outil actuel. « Cela demande beaucoup de données de base qui doivent être précises dans le système informatique, explique Mme Cyr. Et il faudra maintenant le maintenir à jour. »

Personnalisation

La personnalisation des menus serait désormais plus rapide et plus précise, réduisant le besoin de corrections manuelles. Les utilisateurs recevraient donc des aliments adaptés à leurs restrictions, avec moins de risques pour leur santé. Face à un utilisateur diabétique, cite en exemple Mme Cyr, « il fallait s’assurer que le total de glucides à chaque repas ne soit pas trop élevé ». « Il fallait retirer le gâteau pour tout le monde, dit-elle. Personne qui est diabétique ne pouvait recevoir de gâteau en tout temps. Cela n’arrivait (presque) jamais. Mais maintenant, si mon objectif pour le dîner est de 75 grammes (de glucides) et que le total sur le plateau le permet et qu’il me reste beaucoup de place, ce soir-là, la personne pourra manger du gâteau pour le dîner. »

Et comme la clientèle servie est de plus en plus âgée, a ajouté Mme Cyr, la malnutrition devient souvent un facteur dont il faut tenir compte. Une contradiction est alors apparue : autant on voulait donner à l’usager des aliments riches en protéines et en énergie, autant on devait souvent retirer ces aliments en raison du menu diabétique qu’il devait suivre. « Maintenant, on peut répondre à ces deux besoins, dit-elle. On peut s’assurer que toutes les valeurs caloriques sont respectées, mais aussi qu’on respecte les glucides totaux à chaque repas. On augmente donc la variété à chaque repas et les gens veulent manger davantage. » Le projet a d’abord été déployé sur un seul étage de l’Hôpital général du Lakeshore, a rappelé Mme Berteau. Les usagers qui étaient hospitalisés à cet étage n’ont pas tardé à manifester leur mécontentement lorsqu’ils ont été transférés ailleurs et ont perdu l’accès à ce menu personnalisé, a-t-elle expliqué.

« Les patients ne voulaient pas revenir aux exceptions qui étaient interdites, explique Mme Berteau. Ils voulaient garder le nouveau régime qui offrait plus de variété. Ils ne voulaient pas de l’ancien régime qu’ils trouvaient trop restrictif. » Il fallait tout de même éduquer et rassurer les patients qui voyaient soudainement apparaître des aliments auxquels ils n’étaient pas habitués et qu’ils croyaient même interdits, précise Mme Cyr. Il fallait aussi prendre le temps de montrer aux employés concernés, qui se demandaient quel impact le nouveau système aurait sur leur travail, les avantages qu’ils en tireraient, ajoute Mme Berteau, mais aussi les bénéfices pour les usagers. « Il y avait une certaine réticence au début parce que c’était un changement de pratiques, mais on a appris de nos expériences précédentes et on a travaillé (avec les employés) pour trouver des solutions, dit-elle. Les employés ont apporté des solutions, donc ça a facilité le déploiement. »

Les employés ont finalement découvert, a ajouté Mme Cyr, que le nouveau système ne leur enlevait pas leur travail, bien au contraire. Il leur permettait plutôt de se concentrer sur les usagers ayant des besoins plus complexes et, au final, « on avait plus d’usagers qui étaient mieux nourris ».

Légende et crédit photo : Le logiciel a été déployé graduellement, depuis juin 2023 et après près de dix ans de travail, dans les hôpitaux du Lakeshore, Saint Mary’s et Lasalle, ainsi que dans les CHSLD Nazaire-Piché et Denis-Benjamin Viger. Il pourrait maintenant être déployé dans d’autres établissements. (Photo : gracieuseté)Dominic Morissette.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV quand faut-il opérer ? – .
NEXT Le crack et la cocaïne explosent en Suisse et cela s’explique – .