A l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida, le 1erest En décembre, l’ONUSIDA a publié un rapport annuel encourageant sur l’état de la pandémie : 2023 est une année très positive avec le point le plus bas des nouvelles infections au VIH depuis la fin des années 1980. Et quelque 31 millions de personnes ont reçu une thérapie antirétrovirale (ARV) en 2023, ce qui a contribué à ramener le nombre de décès liés au sida à son plus bas niveau depuis 2004. Malgré cela, l’agence onusienne alerte : « Le monde n’est pas sur la bonne voie pour éliminer le sida en tant que menace pour la santé publique d’ici 2030 ». L’année dernière, 9,3 millions de personnes vivant avec le VIH n’ont pas reçu d’ARV et 1,3 million de nouvelles infections ont été signalées.
En France, le dépistage est un point faible dans la lutte contre le VIH. Pour y remédier, des autotests VIH (ATVIH) sont disponibles depuis 2016 en pharmacie, ainsi que dans certaines associations depuis la pandémie de Covid-19. Depuis le 1er janvier 2022, le dispositif HIVTest a également été mis en place, permettant de se faire dépister dans les laboratoires de biologie médicale sans ordonnance et avec une prise en charge complète par l’Assurance Maladie. Dans son bulletin hebdomadaire du 26 novembre, Santé publique France (SPF) rapporte l’effet de ces deux dispositifs sur l’évolution du recours au dépistage et le profil des usagers.
Le test VIH est populaire parmi les hommes et les 40-59 ans
Malgré une lente montée en puissance, le déploiement du dispositif HIVTest s’accélère sur tout le territoire : la part des tests sans ordonnance passe de 5 % du total des tests remboursés en 2022 à près de 15 % en 2023. Sur ordonnance ou non, un peu plus de 251 000 les tests ont été remboursés en 2022, un chiffre multiplié en 2023 à près de 841 500.
Selon l’analyse démographique des utilisateurs, les 25-39 ans sont les plus testés mais plutôt sur prescription : ils ne représentent que 12% des tests VIH. A l’inverse, le système est plébiscité par les 40-59 ans dont la part au Test VIH est de 36,6% et les plus de 60 ans qui passent de 16% en 2022 à 25% en 2023. Si les femmes ont davantage recours au Test VIH (et au dépistage du VIH en général) , ce sont les hommes qui privilégient le plus ce système par rapport aux tests de prescription.
Ainsi, HIVTest semble recruter une population initialement moins concernée par les offres de dépistage préexistantes. « Même si l’un des objectifs du dispositif HIVTest est d’étendre le dépistage à des populations qui étaient auparavant loin du dépistage »l’étude SPF nous invite à se rapprocher des recommandations de la Haute Autorité de Santé (fréquence adaptée au risque).
Les laboratoires jouent un rôle central dans la promotion et le déploiement du HIVTest
L’analyse par région montre des disparités territoriales, une hétérogénéité qui met en évidence le rôle central joué par les laboratoires dans la promotion et le déploiement du HIVTest. En effet, dans les régions où la promotion du système par les laboratoires semblait la plus active (par exemple une offre systématique de dépistage du VIH), l’offre a permis de recruter une population qui échappait auparavant au dépistage.
L’autotest trouve son public parmi les hommes moins habitués au dépistage
Vendus à environ 65 000 unités par an en France, les autotests VIH ont été utilisés par 14,3 % des hommes entre 2022 et 2023, 4 % lors de leur dernier test, au sein d’un panel de 10 500 hommes. Non représentatif de la population, cet échantillon met néanmoins en évidence la manière dont les différentes méthodes de dépistage peuvent être utilisées.
Les facteurs associés à un plus grand recours à l’ATVIH sont : un niveau d’études équivalent au baccalauréat ou inférieur (odds ratio ajusté ORa = 1,32), l’existence de difficultés financières (ORa = 1,26), l’utilisation régulière d’applications de rencontres gay (ORa =1,5), ne pas être suivi régulièrement par un médecin (ORa=1,5) et faire plusieurs tests VIH par an (ORa=1,8). Ce résultat contraste avec ce qui est observé pour le recours global au dépistage du VIH, qui est moins signalé par les hommes peu instruits. Cependant, l’enquête ne permet pas d’en identifier les causes.
Les résultats de cette enquête confirment le potentiel de l’ATVIH dans la stratégie d’éradication de l’infection et son attrait pour les populations moins en contact avec le système de santé. Pour le FPS, « l’accès aux autotests fait partie intégrante de l’accès au système de santé et leur mise à disposition doit être considérée comme un élément de l’action de santé publique visant à diversifier l’accès au dépistage pour réduire le nombre de personnes ignorant leur statut sérologique ».
La majorité des patients au stade Sida n’ont pas été dépistés ni traités
Le nombre estimé de cas de sida en France a diminué de 2012 (environ 1 200 cas) jusqu’en 2020 (environ 750), puis s’est stabilisé autour de 800 cas par an. Entre 2012 et 2023, 62 % des diagnostics de sida ont été posés chez des personnes ignorant leur séropositivité et 18 % chez des personnes connaissant leur séropositivité mais n’ayant pas reçu d’antirétroviraux. Pour les 20 % restants, diagnostiqués et traités, la cause pourrait s’expliquer par les circonstances dans lesquelles le traitement a été pris : type, modalités de prise, durée, observance, interruptions, résistance éventuelle, etc.
Plus des deux tiers (69 %) des personnes ayant développé le sida entre 2012 et 2023 étaient des hommes cisgenres et la proportion de personnes de plus de 49 ans a augmenté au cours de la période. La grande majorité (82 %) des cas de SIDA parmi les personnes âgées de 15 ans et plus ont été diagnostiqués avec moins de 200 CD4/mm3. Entre 2012 et 2023, 84 % des diagnostics ont été déclarés avec une pathologie évocatrice d’un SIDA isolé, notamment une pneumocystose pulmonaire (PCP, 27 %). Pour les 16 % polypathologiques, la proportion a augmenté de 2016 (11 %) à 2021 (21 %), l’association la plus fréquente étant la PCP et la candidose œsophagienne (14 %).
La survenue du stade SIDA principalement chez des personnes ignorant leur statut VIH souligne l’importance d’améliorer le dépistage dans la lutte contre le SIDA. Par ailleurs, les diagnostics de sida chez des personnes connaissant leur statut VIH mais non traitées montrent que le renforcement du lien avec les soins reste nécessaire.