Près d’une tique sur trois collectée et analysée par séquençage sur des cerfs de Virginie dans le sud du Québec par une équipe de l’Agence de la santé publique du Canada est infectée par le variant de l’anaplasmose transmissible à l’homme. Cette infection bactériologique peut notamment provoquer une forte poussée de fièvre et certaines complications chez les personnes plus vulnérables.
Ces données de laboratoire récemment confirmées ont été transmises à l’épidémiologiste vétérinaire de l’Agence de la santé publique du Canada, Catherine Bouchard, et feront bientôt l’objet d’une publication scientifique.
C’est son équipe qui a récolté des centaines de tiques, en 2023, sur 246 cerfs de Virginie abattus par des chasseurs dans plusieurs régions du sud du Québec, dont l’Estrie, la Montérégie et le Centre-du-Québec. Il s’agit d’un travail réalisé l’Université de Montréal.
Ce n’est pas pour rien qu’il y a des cas humains ; C’est parce qu’il est de plus en plus présent dans l’environnement.
Sur 201 tiques testées par séquençage, 31,3 % étaient infectées par le variant zoonotique de l’anaplasmose, c’est-à-dire celui transmissible aux animaux domestiques et à l’homme. L’équipe disposera également bientôt de nouvelles données issues d’une deuxième campagne d’échantillonnage qui s’est terminée le week-end dernier.
De 0% à 31,3% en quelques années
Le variant zoonotique n’avait pas été détecté lors d’une campagne d’échantillonnage similaire réalisée par Catherine Bouchard en 2007 et 2008, également sur des tiques présentes sur les cerfs du sud du Québec.
L’anaplasmose semble donc gagner du terrain. Pas seulement au Québec, mais en Ontario, dans les Maritimes, souligne le chercheur. Cela est apparu de plus en plus au cours des quatre dernières années.
Les cas de citoyens ayant contracté la maladie sont en augmentation depuis 2019. En 2023, 46 cas d’anaplasmose ont été enregistrés au Québec, dont 27 en Estrie. Selon l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), c’est en 2021 qu’un premier pic avec 45 cas
a été signalé. En 2019, lorsque l’anaplasmose a été ajoutée à la liste des maladies à déclaration obligatoire, un seul cas a été signalé.
Le risque augmente surtout pour le sud du Québec, mais il s’étend désormais également au nord du fleuve Saint-Laurent, ce qu’on ne voyait pas auparavant.
Selon l’agente de recherche à l’Université de Montréal Élisabeth Dyre, qui fait partie de l’équipe de Catherine Bouchard, la vigilance est de mise lors de nos promenades en forêt. Il y a de plus en plus de risques. Ce que l’on constate, c’est que le nombre de tiques augmente dans les régions où il y en avait déjà, et que l’on retrouve des tiques là où on n’en trouvait pas auparavant.
L’anaplasmose provoque des symptômes pseudo-grippaux mais peut entraîner de graves complications si elle n’est pas traitée. Les tiques à pattes noires qui transmettent cette infection sont aussi celles qui peuvent être porteuses de la maladie de Lyme.
Le cerf aime sentinelle
Catherine Bouchard explique que le choix d’étudier les tiques présentes sur les carcasses de cerfs facilite grandement les travaux de recherche. Pas besoin d’aller en forêt, ni même de capturer des animaux vivants.
L’équipe est stationnée dans différentes boucheries de la région qui reçoivent les prises des chasseurs pendant la saison de chasse et qui acceptent de collaborer à la recherche. Un échantillon de sang et de tissus est ensuite prélevé en quelques minutes sur place, en plus des tiques présentes sur l’animal.
L’équipe est stationnée dans différentes boucheries de la région qui réceptionnent les prises des chasseurs pendant la saison de chasse.
Photo: Radio-Canada / Thomas Deshaies
Il n’est pas nécessaire de stresser les animaux vivants, souligne la chercheuse Élisabeth Dyre. Ces animaux, les chasseurs les chasseront de la même manière. Cela nous donne l’occasion de les échantillonner pour prendre le pouls de la situation.
Puisque le lieu où les cerfs ont été abattus est communiqué par les chasseurs, l’équipe pourra cartographier la présence d’anaplasmose sur le territoire. On voit des endroits qu’on soupçonnait comme la Haute-Yamaska [Réseau local de services en Estrie]La Pommeraie [Réseau local de services en Estrie]mais aussi vers le nord-est de l’Estrie
souligne Catherine Bouchard.
Nous pourrons dresser un portrait de la façon dont l’anaplasmose émerge au Québec.
L’objectif de l’équipe est de communiquer aux décideurs les secteurs où l’anaplasmose a été détectée afin de promouvoir une stratégie de contrôle efficace. J’aurai une liste de municipalités à fournir où j’ai trouvé des échantillons positifs, explique Catherine Bouchard. Il peut être utilisé pour concevoir clairement les futurs programmes de surveillance des maladies transmises par les tiques.
Les cerfs pourraient-ils être des réservoirs de la maladie ?
Jusqu’à présent, les recherches démontrent que les rongeurs, comme le tamia oriental et la souris à pattes blanches, sont des vecteurs de l’infection, selon Catherine Bouchard. Les tiques qui piquent ces animaux infectés peuvent alors transmettre la maladie à l’homme.
Catherine Bouchard émet aujourd’hui l’hypothèse que les cerfs pourraient aussi être un vecteur de contamination. Les tissus et le sang prélevés sur ces animaux en 2023 montrent que certains cerfs sont également porteurs de l’infection. Ce serait la première fois que cette hypothèse serait publiée
s’exclame-t-elle.
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Des tissus et du sang prélevés sur des cerfs en 2023 montrent que certains d’entre eux sont également porteurs de l’infection.
Photo: Radio-Canada / Thomas Deshaies
C’est une hypothèse que nous avons. Le cerf aurait une certaine compétence en tant que réservoir pour retransmettre l’infection.
Aucun danger pour la consommation de viande
Selon Catherine Bouchard, il n’y a rien de mal à consommer la viande d’un cerf contaminé par l’anaplasmose. Suivez simplement les recommandations de cuisson de la viande sauvage. Le plus grand risque est plutôt de se faire piquer par une tique lors d’une partie de chasse.
Si cette hypothèse devait se vérifier, cela pourrait expliquer en partie pourquoi la proportion de tiques contaminées par ce variant est si importante dans la présente étude.
Une telle situation inciterait également à la réflexion. Cela changerait notre façon de considérer les cycles épidémiologiques dans la nature
souligne-t-elle, tout en insistant sur le fait que tout reste encore à démontrer.
Catherine Bouchard aimerait vérifier, dans le cadre de travaux futurs, si le cerf peut être un réservoir pour entretenir l’infection et la retransmettre aux tiques présentes dans l’environnement
.