En septembre 2024, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a publié l’édition 2022 de son « Programme de surveillance de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) au Québec ». Ce rapport révèle une nette augmentation des nouveaux diagnostics : 422 en 2022 contre 246 en 2021. Parmi ces nouveaux cas, 329 (78%) concernent des personnes n’ayant jamais fait de test de dépistage du VIH auparavant.
Quelques chiffres
Plus précisément, chez les hommes gais et bisexuels (cis et trans) et parmi les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes sans s’identifier comme gais ou bisexuels, il y aura 161 nouveaux diagnostics de VIH en 2022 contre 136 en 2021. Parmi ces nouveaux diagnostics, 98 ( 61%) concernent des hommes n’ayant jamais fait de test de dépistage du VIH auparavant. On rapporte également qu’environ 70 hommes ont été diagnostiqués tardivement ; c’est-à-dire qu’au moment où ils ont reçu leur résultat positif au VIH, leur taux de CD4 – cellules du système immunitaire qui protègent contre les infections – était inférieur à 350 par mm3 de sang. Cependant, un taux de CD4 aussi faible signifie que l’organisme ne peut pas se défendre adéquatement, ouvrant ainsi la porte aux infections.
Bonne et moins bonne nouvelle
Quand on analyse ces chiffres, on peut se réjouir que le nombre de nouveaux diagnostics au sein des populations d’hommes gays et bisexuels ait considérablement diminué au fil des années, passant de 228 nouveaux diagnostics en 2013 à 161 en 2022. Accès à la PrEP et sensibilisation communautaire multiple Ces activités, pour n’en citer que quelques-unes, ont probablement contribué à ce succès.
En revanche, le nombre de diagnostics tardifs (n = 70) et de diagnostics impliquant des hommes n’ayant jamais subi de tests de dépistage du VIH auparavant (n = 98) sont des statistiques moins encourageantes. Depuis des années, la communauté du VIH sensibilise le public à la nécessité de se faire dépister régulièrement. Plus précisément, nous recommandons au moins un dépistage par an pour tous les hommes gays et bisexuels, et trois à quatre dépistages par an lorsque vous êtes sexuellement actif et avez plusieurs partenaires. Ainsi, constater qu’une centaine d’hommes ont reçu leur diagnostic lors de leur premier test de dépistage du VIH à vie ne peut qu’être surprenant. Il en va de même pour les 70 hommes qui ont reçu un diagnostic tardif. Comment se fait-il que malgré toutes les sensibilisations proposées, les hommes gays et bisexuels soient détectés tardivement ?
Obstacles à l’accès au dépistage du VIH
L’une des hypothèses qui pourraient expliquer ce fait serait la difficulté d’accès au dépistage du VIH.
Il est clair qu’au Québec, l’accès au dépistage du VIH est problématique et qu’il faut
trouver des solutions pour éliminer les barrières qui entravent cet accès. Ces barrières sont :
• L’offre de dépistage varie d’une région à l’autre.
• Le nombre insuffisant de points de service de contrôle.
• Manque de personnel pouvant rendre les points de service inutilisables.
• Le fait que le dépistage soit offert uniquement dans le réseau de la santé.
• Des horaires restrictifs qui nécessitent souvent de s’absenter d’une journée de travail.
• Expériences ou craintes de préjugés et de discrimination dans le réseau de la santé (réceptionniste, médecin, infirmière, etc.).
• Ne pas être couvert par la RAMQ et devoir ainsi payer les frais associés au dépistage du VIH.
Les tests communautaires comme solution
Comme on peut le constater, les barrières à l’accès au dépistage sont nombreuses. Il existe cependant des solutions qui, selon nous, augmenteraient le nombre d’hommes gays et bisexuels dépistés régulièrement et réduiraient le nombre d’hommes dépistés tardivement.
Dans un contexte où le nombre de nouvelles infections est à la hausse, le gouvernement du Québec devrait encore une fois prioriser la lutte contre le VIH et augmenter, pérenniser et diversifier l’offre de dépistage partout au Québec.
Deux autres solutions possibles seraient de rendre ce service accessible les soirs et les fins de semaine et d’offrir aux professionnels de la santé une formation sur les réalités 2EGBTQ. Malgré l’apparente simplicité de ces deux solutions, leur mise en œuvre est actuellement difficile, notamment en raison du manque de ressources et de personnel dans le réseau de la santé.
Pour contrer ce manque de personnel et ainsi désengorger le réseau de santé, une solution possible est le déploiement à plus grande échelle du dépistage communautaire. Le dépistage communautaire englobe tous les services de dépistage que les organisations communautaires de lutte contre le VIH peuvent et pourraient offrir aux populations qu’elles servent. C’est une approche très présente et bien intégrée dans le réseau de santé de plusieurs pays, notamment en France, au Maroc, en Equateur et au Burundi.
Au Québec, certains organismes communautaires VIH offrent des services de dépistage, mais ces services dépendent de la disponibilité des infirmières dans le réseau de la santé. Si le gouvernement autorisait des agents communautaires dûment formés à réaliser des tests de dépistage, cela permettrait aux organisations d’augmenter leur offre de dépistage et ainsi faciliter l’accès à tous les hommes. qui ont des rapports sexuels avec des hommes, qu’ils s’identifient ou non comme gays et bisexuels. Il va toutefois de soi que toutes les populations pourraient bénéficier d’une telle mesure. Et c’est ce dont le Québec a besoin.
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