Les risques de fromages au lait cru sont bien connus et, malheureusement, parfois trop médiatisés. En revanche, les bénéfices n’ont pas été suffisamment mis en avant. La publication de livre blanc « Bénéfices et risques pour la santé de la consommation de fromage » va rééquilibrer les choses. Cet imposant document de 149 pages a été rédigé par Stéphane Miszczycha et publié par la Fondation pour la biodiversité fromagère, VetAgro Sup, l’Institut de l’élevage et le Cnaol. Seize mois de travail ont été nécessaires pour compiler les résultats de 2 500 études scientifiques sur effets positifs et négatifs de la consommation de fromage sur la santé humaine.
L’œuvre a été officiellement présentée auAcadémie nationale de médecine de Paris le 14 octobre 2024. Ce cadre prestigieux a permis de détailler et de débattre des effets du fromage sur le microbiote, les allergies, les maladies cardiovasculaires ou infectieuses ou encore sur le cancer.
Le lait cru est la première Source de microbiote
Sur le microbioteCécile Laithier, responsable du service qualité du lait à l’Institut de l’élevage, rappelle que la consommation de fromage induit une augmentation de la diversité du microbiote intestinal et favorise l’abondance des bactéries lactiques. « Dans notre alimentation, le fromage est la première Source de micro-organismes vivants, avec des niveaux atteignant plusieurs milliards par gramme. » Estelle Loukiadis, directrice scientifique de VetAgro Sup, ajoute : « Un microbiote sain protège des maladies neurologiques, entretient la santé bucco-dentaire, protège des maladies cardiovasculaires, participe à la maturation du système immunitaire et protège également des dysfonctionnements, notamment liés aux allergies. »
Sans oublier que le microbiote joue un rôle essentiel dans la digestion, l’assimilation des nutriments, la synthèse des vitamines et la protection de l’intestin contre les pathogènes.
Moins d’allergies pour les jeunes consommateurs de lait cru
Sur le allergiesle document met en avant l’étude Pasture et le lien établi entre la consommation de lait cru et de produits laitiers de la ferme et un risque réduit de développer des maladies atopiques, des allergies alimentaires et des maladies infectieuses chez les enfants. La consommation de lait cru, par rapport au lait UHT, réduit par exemple le risque d’infections respiratoires et de fièvre de 30 % au cours de la première année de vie. La consommation précoce de n’importe quel fromage est associée à une réduction significative du risque de développer une dermatite atopique. S’il est également diversifié, le risque d’apparition d’allergies alimentaires est réduit. « Le fromage au lait cru pourrait représenter un facteur favorable à la prévention des maladies chroniques de par son interaction directe avec le microbiote intestinal et le système immunitaire »commente Sophie Nicklaus, directrice de recherche à INRAE.
« Les fromages au lait cru apportent des bienfaits extraordinaires pour la santé »
Sur le maladies cardiovasculairescertains bienfaits liés à la consommation de fromage vont à contre-courant des idées reçues. En effet, les produits laitiers ont longtemps été considérés comme des aliments à risque pour ces maladies en raison de leur teneur élevée en graisses et en sel. Cependant, des travaux récents remettent en question cette affirmation. Ils montrent que la consommation régulière de 30 à 50 grammes par jour de fromage entraîne dans la majorité des cas une réduction de 5 à 15% de ces maladies. « Les raisons de l’écart entre ces résultats récents et les observations précédentes résident dans la méthodologie du travail : analyses de cohortes versus expérimentation animale ; étude du produit complet (fromage) versus tests sur les composants (graisse et sel notamment) », précise le document.
Le richesse microbienne des fromages pourrait expliquer cela paradoxe français ce qui signifie que les Français ont un risque cardiovasculaire moindre malgré une consommation importante de produits laitiers.
Le lait cru a une biodiversité à préserver
Sur le maladies infectieusesle livre blanc précise que les produits laitiers sont impliqués dans 3% des toxi-infections alimentaires collectives françaises. Là, les quatre coupables sont connus : Listeria monocytogenes, Salmonella spp., Staphylococcus aureus et la redoutable Escherichia coli (Stec), productrice de toxine Shiga. Heureusement, il existe des moyens de contrôler ces risques, et les producteurs de lait et de fromage s’y emploient continuellement. La technologie fromagère est aussi une pratique de sécurité sanitaire, par l’abaissement du pH, la synthèse de différents acides organiques par des ferments, dont l’acide lactique, mais aussi par la synthèse d’autres antimicrobiens efficaces. L’effet barrière des micro-organismes est donc clé et, à ce titre, la richesse microbienne du lait cru constitue, par compétition, la première ligne de défense. « Il est essentiel d’adopter des stratégies pour minimiser les risques, mais il faut aussi préserver la biodiversité microbienne des fromages “, a déclaré Estelle Loukiadis de VetAgro Sup.
Concernant le canceron s’attendait à ce que le fromage, riche en calories, riche en graisse et en sel, favorise l’obésité, l’excès de graisse corporelle et donc le cancer. Mais, étonnamment, plusieurs méta-analyses récentes mettent en évidence leeffet neutre de la forte consommation de fromage sur le risque de mourir d’un cancer, voire d’en développer. « Il s’agit d’un changement de paradigme puisque la consommation de fromage ne semble pas augmenter le risque de mortalité et constituerait même, dans certains cas, un facteur de protection »Avance Estelle Loukiadis.
Le guide éclaire les consommateurs
Maintenant qu’il est publié, ce livre blanc doit s’imposer comme base de réflexion pour les acteurs du secteur, les consommateurs et l’administration de santé. « Nous devrions être heureux aujourd’hui d’avoir ce documentexulted Patrick Anglade, cheese consultant. Enfin, on peut argumenter et expliquer les bienfaits du fromage. » Les crémiers et fromagers commencent à reprendre les messages de ce guide et publieront des affiches à apposer dans leurs magasins (voir encadré).
LE fromagers fermiers peuvent également l’utiliser pour défendre leurs produits auprès de leurs clients. « Un fromage fermier est un produit vivantunderlined Jean-Philippe Bonnefoy, producer from Saône-et-Loire and vice-president of Fnec. Il préserve un richesse microbienne inégalée, qui offre à la fois une qualité gustative et des bienfaits pour la santé. Celui-ci doit absolument être préservé face aux pressions sanitaires qui incitent à une pasteurisation systématique. » « La stratégie sanitaire actuelle a trop souvent réduit ces produits à leurs risques potentiels, oubliant ainsi leur d’innombrables avantages à long terme », a déploré Arnaud Sperat-Czar, président de la Fondation pour la Biodiversité Fromagère.
« Oui, les fromages au lait cru peuvent, dans de rares cas, contenir des agents pathogènes, mais ils sont aussi porteurs d’avantages extraordinaires pour la santé, notamment grâce à leur richesse en nutriments et en biodiversité microbienne. Il ne s’agit pas de transformer les fromagers en médecins, mais de leur donner les clés pour fournir une information de qualité. », a ajouté Cécile Laithier. Car, comme le concluait Arnaud Sperat-Czar : « Plus les consommateurs seront informés, plus ils pourront apprécier la réalité bienfaits de ces produits vivants. »
Les bienfaits du lait cru à partager avec les consommateurs
Le livre blanc est un support documentaire qui peut être très utile aux vendeurs pour légitimer les bienfaits et particularités des fromages au lait cru. Là Fondation pour la Biodiversité Fromagère réalisé une série d’affiches pour rappeler en quelques lignes que le fromage est un superaliment vivant, un allié contre les allergies et nous en avons besoin à tout âge de la vie.
Verser parler de lait cruFabienne Célard, crémeuse-fromagère sur le marché aveyronnais, a développé une approche qui allie pédagogie, écouter et humour. « Je fais goûter le fromage aux clients, c’est un bon moyen de briser la glace et de créer la conversation. Personne ne me demande si c’est du lait cru ! Ensuite, j’ai peu de temps pour leur parler et conclure une vente. Mais le marché, c’est du théâtre ! Les blagues, l’autodérision, tout ça rend l’échange plus léger. Lorsqu’un client est réceptif et détendu, il est plus attentif. Je leur dis alors que si je ne vends que du lait pasteurisé, mon métier n’a plus de sens. » Pour défendre le lait cru, elle recommande de comprendre la nécessité de sécurité : « Vos questions sont légitimes. Malgré toutes ces mises en garde, il est normal de remettre en question nos choix alimentaires. » Ensuite, elle cherche à mettre en perspective en apportant des éléments de réflexion : « Connaissez-vous tous les bienfaits du lait cru ? Manger uniquement des produits désinfectés est-il une solution ? » La fromagère parle également de son expérience, de sa responsabilité et de ses analyses régulières : « Chaque fromage que je vends est un engagement envers mes clients et mes producteurs. »