Un colorant couramment utilisé dans les aliments – y compris dans la fabrication des chips Doritos – rend la peau des rongeurs vivants transparente de manière réversible.
Le chercheur Guosong Hong et ses collègues de l’Université de Stanford aux États-Unis ont découvert que la simple application d’une solution aqueuse de tartrazine sur la peau de souris sous anesthésie permet de voir leurs organes internes et leurs vaisseaux sanguins, sans pratiquer aucune incision.
La souris devient transparente après avoir appliqué un colorant alimentaire commun sur son abdomen.
Photo : Université de Stanford
Selon l’équipe californienne, cette découverte pourrait éventuellement conduire à la création de techniques non invasives pour visualiser les organes. au travail
animaux en temps réel.
Pour Marc-André Fortin, chercheur au Laboratoire de biomatériaux pour l’imagerie médicale (BIM) du Centre de recherche de CHU du Québec, ces œuvres, auxquelles il n’a pas collaboré, sont très intéressantes.
Elles présentent un réel intérêt car, à l’heure actuelle, l’imagerie optique du corps humain est encore très limitée.
explique le chercheur, qui travaille principalement dans le domaine de l’imagerie par résonance magnétique, des rayons X et de la tomographie par émission de positons.
Le potentiel d’application le plus intéressant [de cette méthode]même à très court terme, c’est dans l’imagerie animale qu’elle est largement utilisée pour mieux comprendre les phénomènes qui se produisent à l’intérieur du corps du mammifère.
Comment ça marche ?
La tartrazine, également connue sous le nom de jaune FD&C n° 5, est un colorant qui se présente sous la forme d’une fine poudre dont la couleur varie de l’orange au jaune très vif.
L’un des principaux attraits de cette substance : elle est très soluble dans l’eau.
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Tissus cutanés rendus transparents après saturation par un colorant. (Illustration artistique)
Photo : Fondation nationale des sciences/Keyi Onyx Li
Sachant que ce colorant absorbe également la lumière – notamment la lumière bleue et l’ultraviolet –, les chercheurs l’ont combiné à de l’eau pour créer une solution qu’ils ont appliquée sur la peau des rongeurs et qui a agi comme un milieu de diffusion.
Individuellement, ces deux éléments bloquent la majeure partie de la lumière qui les traverse. Mais en les combinant, nous avons réussi à rendre la peau de la souris transparente.
explique le professeur Hong dans un communiqué de presse publié par l’université en marge de la publication de l’étude dans la revue Science (Nouvelle fenêtre) (En anglais).
C’est tout à fait contraire à ce que l’on pourrait attendre des teintures, et c’est complètement réversible ! Dès que nous avons rincé et massé la peau avec de l’eau, l’effet s’est inversé en quelques minutes.
Le colorant restant a été métabolisé par la peau et excrété dans l’urine.
Dans leurs expériences, les chercheurs ont appliqué la solution d’eau et de colorant sur l’abdomen, le cuir chevelu et les membres postérieurs des souris. Une fois que le colorant s’est entièrement diffusé dans la peau, il est devenu transparent en quelques minutes.
C’est vraiment intéressant de voir les structures musculaires et de les voir bouger. Ils ont même pu voir les structures musculaires bouger à une profondeur bien supérieure à celle que permettent de nombreuses autres techniques d’imagerie optique. C’est une grande avancée.
Dans l’abdomen, il a été possible d’observer le fonctionnement des organes internes, tels que le foie et la vessie.
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Visualisation montrant les organes internes d’une souris.
Photo : Université de Stanford
Les chercheurs ont également pu voir des vaisseaux sanguins sous la peau transparente qui recouvre le crâne.
À terme, cette technique pourrait nous permettre de voir plus profondément dans le cerveau de la souris, qui ne mesure que quelques millimètres de diamètre.
C’est quelque chose de très intéressant pour les chercheurs en neurosciences.
notes Marc-André Fortin.
Cette technique a même permis de voir le rythme cardiaque et le système respiratoire actif de la souris.
Saviez-vous?
La tartrazine est également présente dans les produits de boulangerie tels que les Twinkies, les boissons gazeuses telles que Mountain Dew, les boissons aux fruits telles que Kool-Aid, plusieurs variétés de Gatorade et Powerade et les friandises glacées telles que les sucettes glacées.
Voir l’invisible
L’idée d’étaler sur la peau une solution qui la rend transparente sans l’abîmer a du succès, notamment dans le monde médical.
La physique explique ce phénomène, qui peut sembler un tour de magie pour un œil non averti : la dissolution des molécules de tartrazine dans l’eau réduit le degré de diffusion de la lumière dans les tissus cutanés.
Une question de profondeur
L’expérience a été menée uniquement sur des souris. Il faut savoir que la peau humaine est beaucoup plus épaisse que celle d’un rongeur, et que ce qui est mesuré en millimètres chez la souris l’est aussi chez l’homme en centimètres.
[La technique] permet de révéler des structures à de bonnes résolutions de un ou deux millimètres sous la fine peau de la souris. Or, pour imager un abdomen humain, il faudrait pénétrer jusqu’à plusieurs dizaines de centimètres d’épaisseur.
Les auteurs de l’étude évoquent la possibilité de perfusions percutanées, mais celles-ci devraient être évaluées dans des essais précliniques.
Concentrations dangereuses
Il convient de noter que la tartrazine doit être présente en très forte concentration dans une solution aqueuse pour obtenir l’effet souhaité. De plus, des concentrations élevées sont associées à une toxicité importante.
Pour cette raison, le chercheur Marc-André Fortin doute que la substance puisse être utilisée comme agent de contraste intraveineux chez l’humain.
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Cette image montre à quoi pourrait ressembler une main humaine après avoir appliqué la solution de tartrazine.
Photo : Fondation nationale des sciences/Keyi Onyx Li
De la souris à l’humain
Bien que la toxicité de la substance – et l’épaisseur de la peau humaine – ne permettent pas actuellement d’utiliser la technique pour observer les organes internes, elle pourrait néanmoins permettre de voir ce qui se cache dans la peau.
Chez l’homme, la technique pourrait potentiellement être intéressante pour observer des pathologies vasculaires de la peau et différents types de cancers superficiels comme le mélanome sans biopsie invasive.
Cette approche pourrait également remplacer certains tests, comme les radiographies et les tomodensitométries, mais rendre les analyses sanguines plus faciles à réaliser et moins douloureuses en aidant les infirmières à trouver facilement les veines.
De plus, cette technique pourrait également améliorer l’élimination des tatouages au laser en aidant à focaliser les faisceaux laser précisément là où se trouve le pigment sous la peau.
Si nous pouvions simplement regarder ce qui se passe sous la peau au lieu de l’ouvrir ou d’utiliser des radiations pour obtenir une vue moins claire, nous pourrions changer la façon dont nous voyons le corps humain.
La couleur rougeâtre du colorant ne permet pas une transparence parfaite sur l’ensemble du spectre visible puisqu’il bloque toujours la lumière bleue.
Les chercheurs tentent également de déplacer l’absorption du colorant vers le spectre ultraviolet, ce qui créerait un effet de transparence sur toutes les couleurs visibles.
Voir le cerveau des souris
Pour Marc-André Fortin, l’un des prochains objectifs sera d’obtenir un bon dosage du produit. Une étape qui pourrait prendre quelques années. Lorsqu’elle sera réalisée, il sera possible d’étudier le cerveau d’une souris en temps réel.
En ouvrant le crâne du rongeur et en appliquant une bonne dose sur le cortex, il sera possible d’étudier en profondeur et en temps réel son cerveau, qui ne mesure que quelques millimètres de diamètre.
note M. Fortin, qui croit que l’outil sera certainement utilisé dans les centres de recherche au cours des cinq prochaines années.
Je suis sûr qu’il y a des gens qui essaient actuellement de reproduire ces œuvres puisque la configuration optique qu’elles nécessitent n’est pas très complexe.
L’originalité de l’approche est qu’elle est relativement facile à reproduire en laboratoire. Les fournisseurs d’appareils optiques dans l’étude des petits animaux doivent y travailler.
conclut-il.