Le père prend de la Dépakine, un antiépileptique. Les risques sont à l’étude

Le père prend de la Dépakine, un antiépileptique. Les risques sont à l’étude
Le père prend de la Dépakine, un antiépileptique. Les risques sont à l’étude

La Dépakine, un médicament antiépileptique du groupe français Sanofi, est connue pour ses risques graves pour l’enfant lorsqu’il est pris par sa mère pendant la grossesse. Mais les futurs pères doivent-ils aussi l’éviter ? Des données récentes suscitent des doutes, avec des réponses variables selon les pays.

« De nouvelles données suggèrent qu’il existe un faible risque potentiel pour les enfants dont les pères ont utilisé du valproate au moment de leur conception », rappelait début septembre le régulateur britannique des médicaments, la MHRA.

Le valproate de sodium est la molécule contenue dans la Dépakine. Ce traitement antiépileptique produit par Sanofi est déjà bien connu pour ses dangers lorsqu’il est pris par une femme enceinte.

Chez les enfants exposés pendant la grossesse, le traitement produit parfois des malformations – un cas sur dix – et, plus encore, des troubles du développement comme l’autisme ou des retards cognitifs – au moins un cas sur trois.

Ces risques sont désormais bien documentés, alors que la Dépakine est au cœur de nombreuses procédures judiciaires en France toujours en cours mais qui ont déjà donné lieu à plusieurs décisions défavorables à Sanofi, dont les tribunaux estiment qu’il a longtemps désinformé les patients.

En revanche, même si l’on sait que le valproate affecte la qualité du sperme, on doutait peu des effets sur le futur père et sa descendance, jusqu’à une alerte de l’Agence européenne des médicaments (EMA).

L’agence a fait état en 2023 d’une étude menée à partir des données de santé de nombreux patients dans plusieurs pays scandinaves. Elle concluait à un risque « modéré » de troubles du développement – ​​et non de malformations – chez les enfants de pères traités au valproate.

Ce risque apparaît bien hors de proportion avec la prise de Dépakine pendant la grossesse. Lorsqu’il est pris par un futur père, le traitement est associé à un risque multiplié par deux chez son enfant, ce qui correspond à 5% des naissances.
L’EMA, qui a également mis plusieurs mois à rendre publique l’étude, a pris soin de souligner que la méthodologie ne démontrait pas pleinement l’existence du risque.

Cette inquiétude est cependant suffisante pour avoir conduit certaines autorités à prendre des mesures drastiques. Au Royaume-Uni, la MHRA a décidé que la Dépakine ne devrait pas être administrée à toute personne de moins de 55 ans, homme ou femme.
Interrogé par l’AFP, Sanofi a déclaré « respecter » cette décision et « coopérer pleinement » à sa mise en œuvre.

D’autres agences ne vont pas aussi loin. En France, l’Agence du médicament (ANSM) demande aux médecins d’informer les patients de ce risque éventuel, recommandant à un homme prenant du valproate d’éviter de donner son sperme.

Les Britanniques sont-ils allés trop loin, la Dépakine restant un traitement crucial pour certains épileptiques ? Certains neurologues soutiennent cette position, confortée par une nouvelle étude publiée mercredi dans le Journal of Neurology Neurosurgery and Psychiatry.

Ces travaux suggèrent, après examen d’une douzaine d’études préexistantes, qu’il n’existe pas de lien clair entre la Dépakine chez le père et le trouble chez l’enfant. « La plupart des études ne montrent pas de risque plus élevé » chez les pères, concluent ses auteurs. « Les données disponibles ne justifient donc pas de préoccupation majeure. »
Mais le débat est loin d’être résolu.

Ce travail est critiqué : les études incluses ne portent pas forcément sur le valproate mais incluent souvent d’autres antiépileptiques. Et surtout, l’étude citée par l’EMA n’a pas été prise en compte.

Tous ces éléments contribuent à « diluer le signal » de risque et « ce travail ne remet pas en cause les résultats de l’étude » menée par l’agence européenne, a indiqué à l’AFP l’épidémiologiste Catherine Hill, qui a collaboré avec des associations de victimes de la Dépakine.

Si l’étude publiée mercredi est fragile, c’est aussi parce qu’elle dispose de peu de travaux solides sur lesquels s’appuyer. C’est le regret de certains spécialistes : le sujet illustre à quel point les patients manquent de visibilité sur les risques qu’ils encourent.

« Prescrire du valproate aux hommes et aux femmes est toujours un dilemme extrêmement complexe », explique à l’AFP Kim Morley, sage-femme britannique et spécialiste des patients épileptiques. « Mais contrairement aux femmes, il manque des données et des études sur les conséquences de la paternité sous valproate. »

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV La maladie d’Alzheimer, une pathologie qui n’épargne pas les soignants
NEXT Quels fruits d’automne se trouvent dans le panier des Vergers de Gally ?