Musique et régimes autoritaires, un désaccord majeur

Musique et régimes autoritaires, un désaccord majeur
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Pouvons-nous faire taire la musique ? Pour préserver son « héritage » de l’influence occidentale, la Tchétchénie a décidé d’interdire les pièces trop lentes et trop rapides, une nouvelle tentative de régulation d’une forme d’art régulièrement ciblée par les régimes autoritaires.

Dans cette république russe du Caucase, souvent pointée du doigt pour les atteintes aux libertés et aux droits des minorités LGBTQ, le tempo des chansons et de la musique doit désormais se situer entre 80 et 116 battements par minute (BPM), excluant de fait la techno sous toutes ses formes. variantes (house, transe, électro…).

« La musique moderne a souvent été perçue comme un danger par certains régimes car elle donne l’illusion de pouvoir contrôler les masses et pervertir les mœurs », observe Steven Jezo-Vannier, auteur spécialisé dans la musique et la contre-culture. “Nous l’avons vu avec le rock dans les années 60 et nous l’avons retrouvé avec le métal, le rap et la musique électronique.”

Selon l’ONG Freemuse, qui recense les atteintes aux expressions culturelles dans le monde, la musique est l’art le plus visé par les autorités, devant les arts visuels et le cinéma, avec 385 cas de censure recensés en 2021 dans 58 pays et en ligne.

Ces tentatives de mise au pas peuvent prendre des formes extrêmes comme l’interdiction pure et simple décrétée par les talibans en 2021 lors de leur retour au pouvoir en Afghanistan.

En juillet 2023, les autorités de la province d’Herat (ouest) ont saisi et envoyé au bûcher des instruments, jugeant la musique « immorale » et porteuse de « corruption morale ».

Des mouvements islamistes ont également interdit la diffusion de musique « profane » en 2012 dans le nord du Mali et en 2010 dans la capitale somalienne Mogadiscio.

À Cuba, le régime castriste a interdit la diffusion de rock à la radio et à la télévision entre les années 60 et 80, pour contrer l’influence américaine.

Les restrictions peuvent aussi prendre des formes plus subtiles, comme des restrictions à l’organisation de concerts en Iran, où l’ayatollah Khomeini a qualifié la musique d’« opium » menaçant « la virilité des jeunes », ou des descentes de police contre des clubs. techno comme à Tbilissi, en Géorgie, au printemps 2018.

Menace

Tenter de domestiquer la musique pose cependant une difficulté particulière.

« On peut pulvériser une statue, brûler un tableau, des décors d’opéra ou une scénographie chorégraphique, dynamiter un monument historique, mais on ne peut pas détruire physiquement une œuvre musicale », notait le sociologue et philosophe Jean-Marie Brohm dans la revue Topical.

Selon le compositeur Bruno Giner, c’est l’essence même de la musique qui fait trembler le pouvoir. « La création musicale en général, quel qu’en soit le style, est un espace de liberté totale. Et cette liberté entrave les pouvoirs en place, qu’ils soient politiques, religieux ou autres”, explique-t-il à l’AFP.

Les deux grands régimes totalitaires du XXe siècle ne s’y sont pas trompés.

À la recherche de ce qu’il qualifie de « musique dégénérée », le régime nazi a interdit la diffusion des œuvres de compositeurs juifs, comme Felix Mendelssohn et Gustav Mahler, et a fait de certains autres, comme Richard Wagner, les promoteurs de l’art allemand officiel. .

Sous Staline, l’URSS avait soumis la musique à des contrôles administratifs stricts pour en exclure tout ce qui ne relevait pas du « réalisme socialiste ». Compositeur majeur du XXe siècle, Dimitri Chostakovitch s’est attiré les foudres du Kremlin à cause de son opéra “Lady Macbeth de Mzensk”, critiqué pour “ses sonorités volontairement discordantes et chaotiques”.

“Tout ce qui sort des discours officiels est vu comme un danger car cela témoigne de la créativité profonde de chacun”, souligne auprès de l’AFP Michel Pastore, qui organise depuis près de vingt ans le Festival des musiques interdites à Marseille, qui réhabilite les compositeurs. voué à l’oubli par les régimes totalitaires. “Pour faire taire les gens, nous interdisons la musique.”

 
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