” Non pas du tout ! Un livre peut parfois être publié et vite tomber dans l’oubli. Mais si France Télévisions a voulu faire une série, c’est, je pense, parce que ce n’est pas seulement l’affaire de la Sambre. J’ai refusé les projets de documentaires, car seule la fiction peut rendre cette histoire universelle. C’est pourquoi nous avons été très attentifs au personnage d’Alix Poisson, qui n’est à la fois pas une victime en particulier et un peu de tous. Je reste convaincu que ce que l’on appelle l’affaire Dino Scala s’est produit ailleurs en France. Le crime sexuel est souvent un crime en série avec des récidivistes. »
– Les deux premiers épisodes de la série mettent en scène les policiers du commissariat d’Aulnoye qui ne parviennent absolument pas à accueillir les victimes. De nombreux habitants se demandent si cette attitude reflète la réalité ?
« Il faut comprendre que la police n’est que le miroir grossissant de notre société. Dans les années 80, c’était un monde très masculin. Il n’y avait pas de culture du crime sexuel, on ne parlait pas d’effet d’étonnement, d’écoute des victimes. Les policiers ne sont qu’un produit de leur époque. Pour les besoins de la série, nous nous sommes concentrés sur le commissariat d’Aulnoye, mais ce n’était pas mieux à Maubeuge ou Jeumont. Et pour être honnête, ça n’a pas été mieux dans aucun autre commissariat en France. Je ne voulais pas que ces policiers deviennent des gens malveillants, ce n’était pas le cas. A Aulnoye-Aymeries, les agents ont fait leur travail avec le peu de moyens mis à leur disposition. Je me souviens d’un ancien policier, il me disait que très souvent, il ne prenait pas de plaintes pour agression sexuelle, mais prenait seulement des aumônes parce qu’il n’y avait pas de papier au bureau ! Ils devaient aller imprimer à la mairie… quand elle était ouverte. »
– Est-ce que c’est tout un système qui a mal fonctionné ?
” Bien sûr. C’est l’histoire de notre société. Mais dans les régions sinistrées, et il n’y a pas que la Sambre en France, c’est encore plus difficile en raison de la vulnérabilité des victimes et du manque de moyens de la police et de la justice, encore plus criant qu’ailleurs. On peut parler d’une véritable maltraitance institutionnelle. »
– Vous avez écrit un livre, il y a maintenant une série, vous parlez devant des policiers et des magistrats. Le cas du violeur La Sambre va-t-il changer les mentalités ?
“Nous l’espérons. Parmi les nombreuses réactions, j’ai vu celle enthousiaste de la sénatrice Laurence Rossignol, très engagée pour la cause des femmes. Donc si on arrive à convaincre les gens qui ont le pouvoir de changer les choses, c’est très bien. »