Paris (AFP) – Peut-on encore percer dans la gastronomie sans apparaître à la télévision, sans avoir un agent ou un compte Instagram ? Le guide Fooding répond oui, avec ses lauréats 2024 dévoilés lundi, pour la plupart basés en province et peu médiatisés.
Le restaurant « Palégrié chez l’Henri » qui est situé à Autrans-Méaudre, village de 1 500 habitants dans le Vercors, massif montagneux des Préalpes, a été élu « meilleur restaurant » par ce guide, longtemps accusé d’être un « Bobo parisien » et dont les trophées sont allés principalement aux régions ces trois dernières années.
Le « Fooding d’amour » est attribué à « Manat » basé à Perpignan, dans le sud à la frontière avec l’Espagne.
Les deux restaurants ont en commun d’être petits et tenus par des couples dont le chef a travaillé dans des restaurants étoilés et des bistrots parisiens branchés avant de revenir aux sources.
Ils sont ouverts le lundi, ce qui est extrêmement rare dans la restauration, pour que d’autres chefs puissent venir manger chez eux pendant leurs vacances.
Dans la nature
“J’ai travaillé dans de nombreuses grandes villes, mais mon attachement est d’être en pleine nature”, explique à l’AFP Guillaume Monjuré, responsable de “Palégrié chez l’Henri”.
Il a installé le restaurant cet été dans une ancienne grange familiale appartenant à son épouse, Chrystel Barnier, originaire du village, au sein du parc naturel du Vercors, la plus grande réserve après la Guyane. Les menus vont de 61 à 145 euros.
« Nous n’avons qu’un seul employé avec nous. Il n’y a pas de boulanger dans le quartier, nous faisons notre propre pain. Nous achetons des animaux entiers, nous les dépeçons. Je vais à la pêche, à la chasse », souligne le chef. dont la cuisine privilégie largement les légumes et seulement 10% de viande.
« Quand on sort du restaurant, c’est tout de suite la nature. On peut marcher des heures sans rencontrer personne. Nous cueillons nos champignons et c’est nous qui faisons toute la cueillette sauvage », poursuit-il.
Pour Marc Meya aux commandes de « Manat » qui ouvrira en octobre 2022 avec son épouse japonaise, Yuka Okugawa, s’installer à Perpignan, c’est rentrer chez lui, retrouver sa famille, ses amis et ses « petits producteurs » après ses restaurants au Japon et à Paris.
Pour un ticket moyen de 50 euros avec les vins, il propose des assiettes à partager qui « conjuguent » sa culture catalane et celle japonaise de son épouse ainsi que des plats de la cuisine traditionnelle française.
« Nous sommes très attachés au bon sens paysan, nous aimons travailler les produits des tripes, les abats, les parties que les gens abandonnent », dit-il. « J’ai la chance d’être complet une semaine à l’avance ! », se réjouit-il.
“Un homme chaud”
“Cette liste est vraiment géniale car en dehors de la presse locale, ce sont des adresses dont on n’a pas entendu parler”, a expliqué à l’AFP Christine Doublet, directrice de la rédaction de Fooding.
Selon elle, 90 % des établissements primés ne disposent pas d’attaché de presse et « il y en a qui sont obligés d’appeler sur le téléphone fixe car il n’y a pas de réseau dans leur village ».
Un modèle de réussite rare dans le secteur où les candidats de Top Chef cartonnent, des chefs soutenus par les agences de communication et très actifs sur les réseaux sociaux.
« Ce n’est pas Instagram qui va remplir notre restaurant », souligne Guillaume Monjuré, qui compte 1 500 abonnés.
L’attachée de presse, « c’est vraiment un truc très parisien. Ici, si vous parlez de l’agent, les gens vont vous rire au nez”, acquiesce Marc Meya, également “mauvais élève” sur Instagram, selon ses mots, et fier de ” voler de ses propres ailes “.
Le concept des restaurateurs qui font tout seuls séduit Fooding, qui introduit cette année « le prix taulière » décerné à Mélisande Malle à la tête de son bar à vins naturels « Selene » à Granville (nord-ouest) et celui du « meilleur chaud ». homme » à Luke Dolphin de « Pluviôse » à Saint-Jean-de-Luz (sud-ouest).
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