Exposition
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Avec « Funny Heads », les Beaux-Arts d’Anvers s’aventurent avec finesse dans l’univers des « tronies » de Rubens et Rembrandt, ces étonnants visages d’inconnus.
Voilà une exposition qui a l’air géniale ! Rouvert en 2022, après onze ans de travaux, le Musée Royal des Beaux-Arts d’Anvers (KMSKA), propose cette année « Funny Heads », une exposition centrée sur le visage, avec des peintures de maîtres : Rembrandt, Vermeer, Rubens, Bruegel. , Bosch… Mais attention, précise le commissaire Nico Van Hout, il ne s’agit pas d’une exposition sur les portraits dans la peinture des XVIe et XVIIe siècles. Au pays de l’humour belge, le musée met plutôt un coup de projecteur original sur les anonymes, les visages, les visages tordus qui ont inspiré les peintres de l’époque. Car voici la thèse de KMSKA : il y a, dans l’histoire de l’art, une grande différence entre une tête et un portrait. Pour les peintres, à cette époque, le portrait était commandé et représentait un personnage illustre. Il reproduit fidèlement les traits, l’embellit un peu et établit la classe sociale du sponsor. Une tête, au contraire, est un visage anonyme, l’homme de la rue, celui qu’on met dans la foule, le repoussoir banal ou hideux des puissants.
« Étude pour Balthazar » (1609-1611) de Pierre Paul Rubens. (Musée J.Paul Getty/Musée J.Paul Getty de Los Angeles)
Pour décrire ces visages étranges, les Flamands utilisent le mot « tronie » (qui se traduit par trogne), « tronie » qu’ils considèrent comme un sous-genre de têtes. Car à l’époque de Rembrandt, les maîtres passaient d’abord par une phase d’étude puis créaient des catalogues de visages, réservoirs de modèles, dans lesquels ils puisaient pour représenter des groupes de personnes : dans l’Assomption d’une Vierge, dans un