Que signifie être enceinte ? Est-ce un moment d’épanouissement ou un moment d’anxiété ? Est-ce un objet politique, philosophique ? Telles sont les questions auxquelles le philosophe Camille Froidevaux-Metterie tente de répondre dans Un si gros ventre, son nouvel essai stimulant, publié chez Stock, un livre aux frontières du récit personnel et de l’investigation. Elle mêle en effet sa voix, son expérience de mère de deux enfants avec celle de 28 femmes qu’elle a interviewées à la maternité de l’hôpital Bichat à Paris, où elle a elle-même accouché et où elle dit être entrée dans le féminisme. C’est en effet la maternité qui lui a fait prendre conscience de ces enjeux, elle qui est aujourd’hui une figure de proue du féminisme.
Son entrée dans le féminisme par la maternité
Camille Froidevaux-Metterie fait partie de cette génération de femmes qui ont grandi dans les années 80-90, à qui on disait : « Devenez des hommes comme les autres ». Elle avait toutes les possibilités devant elle, et aussi la chance de naître dans un environnement qui lui ouvrait un avenir qui lui paraissait très simple et évident. Et c’est la première expérience d’une fausse couche, ou plutôt d’une interruption naturelle de grossesse, qui l’initie au féminisme. Elle n’aime pas l’expression « fausse couche », comme elle l’explique : « C’est un terme qui ne veut rien dire. Il n’y a rien de faux dans ce vécu. Au contraire, tout est très vrai. C’est à propos deune interruption naturelle de grossesse qui est un événement que près d’une femme enceinte sur quatre a vécu et qui est très peu reconnu socialement, encore moins politiquement, même si les choses bougent un peu.
Elle se rend également compte que la maternité et l’interruption naturelle de grossesse sont des choses impensables : *”*À ce moment-là, je l’ai vu dans une grande détresse, sans avoir conscience de ce que je vivais. Mais lorsque, peu de temps après, suite à ma deuxième grossesse, mon enfant est né, ce fut un moment de ma vie où tout s’est mis en évidence puisque j’ai été recrutée pour la première fois à l’université au même moment. cette conjonction de ces conditions maternelles, sociales, professionnelles me fait constater que dans la société, personne ne se soucie de ce que je vis ailleurs dans la sphère intime. Et visiblement, mon bébé n’a pas beaucoup d’utilité pour les cours que je prépare. Et donc cette dualité existentielle me frappe. Je commence à lire – nous sommes au début des années 2000 – ce que mes collègues sociologues, philosophes et politologues peuvent écrire sur cette question. Et je vois vite que la maternité n’est pas un sujet.»
Un si gros ventre, son livre sur le corps de femme enceinte
L’une des surprises de son enquête est que contrairement aux photos sur Instagram qui glorifient les femmes enceintes, avec la représentation de gros ventres, pour beaucoup de femmes qu’elle a interviewées, être enceinte n’est pas forcément que du bonheur, comme le disent les présentateurs de télévision.
Camille Froidevaux-Metterie : *”*C’était effectivement une surprise car je sais qu’il y a des femmes qui n’aiment pas être enceintes, voire qui détestent ça. Mais Ce qui m’a frappé, c’est la dimension pour le moins quasi unanime d’une certaine ambivalence. C’est-à-dire que ce que vivent les femmes durant les neuf mois de gestation, ce sont sans doute des moments de joie et de sérénité, mais aussi des moments d’angoisse, d’anxiété, voire des moments franchement de grande douleur. Il y a des femmes qui n’aiment vraiment pas être enceintes. Elles sont très heureuses de devenir mamans, mais elles n’aiment pas ce moment de grossesse et cette ambivalence. On ne l’entend jamais parce qu’une fois de plus, il y a cette exaltation, cette valorisation sociale de la maternité qui doit être l’accomplissement ultime.»
---Il existe également de nombreuses injonctions sociales auxquelles les femmes sont soumises. Camille Froidevaux-Metterie : « La grossesse est une période de grande dépossession. Dès que le ventre devient visible dans l’espace public, tout se passe comme si les femmes cessaient d’être des individus. Ce ne sont rien de plus que de gros ventres. Alors, ce qui compte du point de vue de la société, c’est qu’ils réalisent ce projet d’enfance. La personne qu’ils sont, le travail qu’ils font, leurs aspirations, les désirs qu’ils ont concernant leur propre grossesse… Tout cela est absolument nié. Et je crois que c’était un des objectifs du livre de mettre en lumière, d’une part, cette grande dépossession, mais aussi cette envie très forte aujourd’hui chez les nouvelles générations, de se réapproprier ce corps enceinte pour pouvoir le vivre librement.
Certaines femmes, comme notre invitée, appréciaient d’être enceintes, et c’est aussi ce qu’elle raconte dans son livre : « Pour certaines femmes, la grossesse peut être le moment d’une sorte de réappropriation de sa propre existence dans une forme de réconciliation justement entre l’objet corps et le corps sujet. Il y a quelque chose du coup qui est unanimement validé. Quelque chose que l’on reçoit aussi en termes d’une forme de respect, voire d’admiration parfois. Il y a aussi cet élément qu’il ne faut pas négliger, celui Durant ces mois de grossesse, les femmes échappent un court instant de leur vie à la sexualisation qu’elles subissent dans l’espace public. Ce ne sont plus des corps sexuels, mais des corps maternels.
Pour en savoir plus, écoutez cet échange passionnant…
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