
Igor Lubinetsky/Apprentis d’Auteuil
LLe « loup », c’est Lili (Mathilde La Musse). Cette jeune femme courageuse et fauchée, qui va d’emploi précaire en emploi précaire, mène le combat de sa vie pour retrouver la garde de ses trois enfants. Ils ont été emmenés après qu’elle ait été accusée à tort de mauvais traitements.
Caroline Glorion, documentariste, scénariste, de formation journalistique – elle a longtemps travaillé à France Télévisions – propose, avec « Comme une louve », son premier long métrage de fiction. On y sent l’influence de Ken Loach. Elle le revendique également, s’inscrivant dans le sillage du « cinéma de contestation sociale ».
Dans ce film émouvant, le réalisateur pose un regard critique et engagé sur une réalité méconnue et peu visible : les enfants placés. Il sort en salles ce mercredi 20 septembre et sera présenté ce jour même, lors d’une séance spéciale, au CGR de Bordeaux, à 20 heures. Projection suivie d’un débat avec Caroline Glorion.
Comment est née l’idée de cette histoire ?
« Comme une loup » est une fiction largement nourrie du réel. Je suis membre d’ATD Quart Monde depuis quarante ans. J’ai souvent été frappée par une peur qui pèse constamment sur les familles très pauvres : l’angoisse de voir les services sociaux leur retirer leurs enfants, au motif de « déficiences éducatives », et les placer dans un autre foyer. Cette épée de Damoclès plane sur ces familles, qui tentent de tout faire pour éviter une telle séparation. Les services sociaux pensent sortir ces enfants de la pauvreté, mais le placement est l’une des racines les plus profondes de la reproduction de la pauvreté. Regardez combien de sans-abri étaient des enfants placés en famille d’accueil…
Le placement n’est-il pas nécessaire et utile pour protéger les enfants ?
Oui, dans 30 ou 40 % des cas, notamment pour les soustraire à des situations de violences ou d’abus insupportables. Mais le placement est trop souvent aussi décidé en raison de la « fragilité économique » des familles concernées, logement insalubre par exemple. Dans ce cas, cela devient terriblement injuste : en fin de compte, c’est leur pauvreté qui est imputée à ces parents. Plutôt que de placer les enfants dans une institution, un soutien économique aurait des conséquences bien moins graves pour tout le monde.
Vous décrivez des services sociaux débordés…
C’est aussi, selon moi, une explication : ils n’ont pas toujours le temps d’examiner les alternatives au placement.
---Ce film a-t-il été difficile à financer ?
Oh oui ! Nous avons finalement réussi à mobiliser un budget de 1,2 million d’euros, ce qui est dans la fourchette basse pour les productions françaises (budget moyen d’un film en France : 4 millions d’euros, ndlr). Nous avons bénéficié du soutien décisif des Apprentis d’Auteuil et du Secours catholique. Tous les chefs d’équipe (directeur de la photographie, chef décorateur, etc.) ont accepté de réduire significativement leur rémunération, tout comme les comédiens, notamment Sandrine Bonnaire et François Morel, qui ont réduit leur salaire habituel de trois ou quatre…. Ce film est un petit miracle !
Véronique Fayet s’est démenée pour me mettre en contact avec des mécènes girondins
Pourquoi organiser cette première mercredi à Bordeaux ?
Car plusieurs Bordelais ont joué un rôle clé dans la chaîne de solidarité qui s’est déployée autour de ce projet. Il a pu bénéficier du financement de mécènes girondins, comme Hélène des Ligneris, propriétaire de la librairie La machine à lire.
D’où vient votre lien avec Bordeaux ?
C’est une vieille histoire… Je connais depuis longtemps, à travers nos activités communes à ATD Quart Monde, Véronique Fayet, qui fut l’adjointe d’Alain Juppé et la présidente du Secours catholique. Au début des années 2010, alors que je préparais mon téléfilm consacré à Joseph Wresinski, « Joseph l’Insoumis », j’en ai parlé à Véronique, qui m’a présenté Alain Juppé. Belle rencontre : il s’est montré d’autant plus intéressé par ce projet qu’il a apprécié la démarche d’action sociale qu’incarne ATD et le travail de profondeur de l’association. J’en ai parlé aussi à Noël Mamère, que je connais bien pour avoir été son collègue du magazine « Résistances » sur Antenne 2, il s’est tout de suite enthousiasmé. La Région nous a également soutenu. Bref, pour « Joseph l’Insoumis », en 2011, nous avons eu le soutien de la Région, de la Communauté Urbaine, des villes de Bordeaux et de Bègles…. Nous avions aussi tourné entre Bègles, où nous avions reconstitué un bidonville, et Bordeaux. Des liens solides sont restés. Notamment une amitié avec Véronique Fayet. Pour « Comme une amour », nous avions très peu d’argent, y compris public : elle s’est démenée pour me mettre en contact avec des mécènes girondins.
Sandrine Bonnaire ou François Morel ont divisé leurs cachets habituels par trois ou quatre
“Comme une loup”, 1h38, en salles mercredi 20 octobre.