Samuel Suffren, réalisateur lauréat des « Visas pour la création »

Samuel Suffren, réalisateur lauréat des « Visas pour la création »
Samuel Suffren, réalisateur lauréat des « Visas pour la création »
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Pouvez-vous revenir, en quelques mots, sur votre parcours ? Quand est née votre passion pour le cinéma ?

Photographe de longue date, mon attirance pour le cinéma vient de cette première passion. J’ai ensuite rencontré une communauté de cinéphiles issus majoritairement de l’Institut du Ciné de Jacmel en Haïti. Puis vint l’idée d’un ciné-club. A cette époque, on regardait des films de Wong Kar-Wai, Ousmane Sembène, ou encore Pier Paolo Pasolini, qui m’ont énormément marqué. Ma vision photographique a commencé à s’entremêler avec cet univers cinématographique qui m’a donné envie de raconter quelque chose de différent de ce que j’ai vu en Haïti. J’ai alors ressenti le besoin de raconter le pays avec une vision de l’intérieur.

Vous dirigez l’association Kit, un collectif de photographes et cinéastes haïtiens basé à Port-au-Prince. Quel a été le point de départ de ce projet ?

Le point de départ reste, encore une fois, la création du ciné-club. Nous étions environ 20 et nous avions une petite pièce en bas où nous regardions des films tous les dimanches. On a ensuite voulu lancer le mois du documentaire car c’était un genre difficile à regarder et, finalement, on s’est dit que ce serait plus intéressant d’en faire profiter plus de monde. Le mois du documentaire est finalement devenu la semaine du documentaire et nous avons imaginé un festival, qui en est aujourd’hui à sa 5ème édition. Nous avons créé une plateforme de contenus multimédias en ligne et organisons également des formations audiovisuelles pour faire découvrir le métier à plus de jeunes.

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ton film, Agwé, aborde les questions migratoires et le phénomène des boat people. Quelle a été votre inspiration majeure lorsque vous avez choisi de réaliser cette histoire ?

Je suis né avec le fantasme du rêve américain car mon père voulait à tout prix partir aux États-Unis. Il a pris un bateau en 1980 pour les USA, alors qu’il avait 30 ans, et s’est retrouvé en mer pendant vingt-deux jours sans jamais arriver à destination. Heureusement, lui et les autres occupants ont été secourus par un bateau commercial qui retournait en Haïti. Mon père m’a longuement raconté cette histoire et il voulait que j’aille aux États-Unis. Entre-temps, j’ai voyagé dans plusieurs pays du monde, mais je ne suis pas encore allé aux États-Unis, peut-être à cause de cela. Mon père est finalement décédé sans y avoir jamais mis les pieds et, depuis, j’ai développé une sorte d’obsession pour le sujet. Comment quelqu’un peut-il quitter sa terre natale, sa patrie pour prendre un bateau vers un rêve incertain ? Je me suis donc intéressée à la personne qui reste et à la manière dont on peut attendre son mari, sa femme, son enfant, pendant dix, quinze ou vingt ans, parfois sans espoir de retour.

Agwé a reçu le Prix Paul Robeson des films de la diaspora au Festival FESPACO en 2023. Ce prix a-t-il eu un impact sur la diffusion du film ?

J’étais surtout très heureux et fier que le film ait été si bien accueilli au FESPACO car je m’identifie beaucoup au cinéma africain. Être reconnu par vos pairs est certainement très important. Le film a encore eu de grosses sélections avant d’arriver au FESPACO, mais ce prix a été un tournant, une reconnaissance, qui m’a beaucoup plu. Il y eut alors des demandes de diffusion dans des festivals internationaux, des musées en France ou encore des universités aux USA, ce qui donne à ce prix une résonance encore plus particulière.

 
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