
Le réalisateur, qui prépare une adaptation de Joyaux de la Castafiore pour le cinéma, publie un livre où il raconte son amour pour Tintin. Il détaille son projet de transposer l’oeuvre d’Hergé sur grand écran.
De Patrice Leconte, les tintinophiles attendaient un film d’action, une adaptation de Joyaux de la Castafiore. Enfin, c’est un livre consacré à Tintin et à l’univers d’Hergé, Tintin de A à Z (Moulinsart / Casterman) qu’il publie ce mercredi. « C’est plus facile de faire un livre qu’un film », résume le réalisateur pince-sans-rire.
« Le projet de film autour du Joyaux de la Castafiore Ce n’est pas complètement dans l’eau, mais c’est tellement compliqué, les histoires de droits avec Paramount et Moulinsart”, déplore Patrice Leconte. « Peut-être pour calmer mon impatience, Moulinsart m’a offert cet abécédaire de Tintin. Ils m’ont donné carte blanche.
Patrice Leconte dit s’être “beaucoup amusé” à écrire ce texte “volontairement drôle”, qui décortique “son” Tintin à partir de thèmes bien précis (“Économie”, “Oiseaux”, “Saperlipopette et sapristi”). “Cet abécédaire n’est pas un travail de spécialiste”, prévient-il.
« Le charme est toujours là »
Patrice Leconte a pour l’occasion relu tous les albums, qu’il avait dévorés dans son enfance. “Des souvenirs d’enfance sont revenus à la lecture.” Il s’étonne même que les aventures d’un jeune reporter vieillissent dans l’ensemble si bien : « Ça tient le coup ! Il y a un petit côté éternel, assez indestructible. Le charme est toujours là.
Il n’hésite pas à critiquer les premiers albums de la série (“ils ne donnent pas le vertige”) et les derniers (“ils sont un peu en perte de vitesse”). “Mais il en reste 17 ou 18 qui sont super !” Dessinateur lui-même à ses débuts, il s’est fortement inspiré tout au long de sa carrière du style de narration raffiné d’Hergé.
Il n’oublie pas non plus de rendre hommage à Quicke et Flupke, autre série phare d’Hergé. Il salue également l’adaptation de Tintin de Spielberg : « C’est la meilleure adaptation de Tintin. Du pur Hergé et du pur Spielberg. Il a tout compris. Il a réussi à traduire sans trahir. Je me suis vraiment amusé.”
“Un film d’aventure sans aventure”
Tintin de A à Z lui permet surtout d’expliquer l’origine de sa passion pour Les Joyaux de Castafiore, un album singulier, qui se déroule entièrement dans l’enceinte du Château de Moulinsart. Il évoque cette histoire à plusieurs reprises dans son livre, notamment dans ses pages consacrées au cinéma, à la Castafiore et à la pie.
---Enfant, Patrice Leconte était plus fasciné par le spectaculaire Les sept boules de cristal, Sceptre d’Ottokar Ou L’affaire Tournesol. Mais pour transposer les aventures de Tintin au cinéma, l’anti-spectacle de Bijoux de la Castafiore était idéal. « Je rêve de faire un film d’aventure sans aventure, confie-t-il.
« Ce qui m’amusera quand je tournerai, c’est de n’avoir que des acteurs célèbres pour des répliques comme ‘Bonjour, le boucher Sanzot ?’ et que le seul acteur inconnu est Tintin. Mais les acteurs connus de vingt ans qui ressemblent à Tintin, je ne les vois pas. Je préfère faire un casting complet pour trouver un Tintin.
“Un film un peu arty”
Patrice Leconte a déjà « tout le film en tête » : « On peut s’autoriser des libertés si elles sont dans l’esprit de la BD, mais sinon ce sera extrêmement fidèle. Je veux que ce soit très proche en termes de cadres, de couleurs, d’aplats, d’absence d’ombre. Il rêve d’en faire “un film un peu arty”, dans la lignée des oeuvres de Wes Anderson.
“Je ne vais pas prendre l’album dans la main gauche et la caméra dans la main droite, mais j’essaierai de respecter tout ce que l’album communique visuellement : les tissus des tenues de la Castafiore, la marche à laquelle il manque un morceau de marbre… Je crois vraiment qu’on peut faire un film dans une ligne claire.
Il n’a pas encore commencé à écrire avec son complice Jérôme Tonnerre. « Nous n’allons pas passer trois mois de notre vie à écrire un scénario si le film ne se fait jamais. Je ne veux pas trop m’impliquer. On ne peut pas vivre trop longtemps avec un espoir féroce, car après on ne peut qu’être déçu.
Avec l’âge, Patrice Leconte est « devenu philosophe », mais trouve ce processus « trop long ». Il essaya d’accélérer le mouvement. “J’ai dit qu’il ne me restait plus qu’un an et demi pour faire le film, car je vais avoir 77 ans, l’âge limite pour apprécier Tintin [qui se lit de 7 à 77 ans selon l’adage]. C’était une dispute imparable, mais ça ne les a pas trop ébranlés.
Tintin de A à Z, Patrice LeconteCasterman/Moulinsart, 136 pages, 19,95 euros (Casterman sort également une version intégrale d’une autre œuvre phare d’Hergé, Jo, Zette et Jocko).