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un drame paysan très fort sur fond d’aliénation féminine et de dogme catholique

Nourrie par la recherche historique

Dévoilé en Compétition à la 74e Berlinale en février 2024, Le bain du diable s’ouvre sur une séquence très forte. Une femme porte son enfant dans la forêt, grimpe au sommet d’une immense cascade et le jette dans le vide. Avant d’avoir la tête tranchée sur le block, son cadavre et sa tête restant exposés aux yeux de tous.

« La Loge » : un thriller intense derrière lequel se cache une critique acerbe de la religion et des croyances

Basé sur les recherches de l’historienne Kathy Stuart, chercheuse à l’Université de Californie, Veronika Franz et Severin Fiala créent un film fascinant qui explore le rapport à la mort dans l’Autriche du milieu du XVIIIe siècle, dans une région ultra-catholique. Le chercheur a ainsi recensé 400 cas de « suicide par procuration » dans les pays germaniques aux XVIIIe et XIXe siècles, impliquant deux tiers de femmes. Le suicide condamnant à la damnation éternelle, certaines femmes ont choisi de tuer (le plus souvent des enfants), avant de se dénoncer pour exiger la peine de mort, espérant obtenir, avant cela, l’absolution de leurs péchés…

Agnès (Anja Plaschg) et son doux mari Wolf (David Scheid). Leur histoire aurait pu être belle… ©Septembre

Critique de la foi aveugle

Le sujet est passionnant. Mais Le bain du diable ne peut se réduire à celui-là. Alimenté par des recherches anthropologiques, le film nous donne accès à nombre de pratiques et coutumes méconnues de l’époque, soigneusement retranscrites à l’écran. Ils tournent tous autour du rapport à la mort et du poids de la religion.

Comme dans leur précédent film, le thriller d’horreur La Loge (avec Riley Keough en 2020), le duo de cinéastes autrichiens s’attaque aux fausses croyances. Avec, à la production, leur compatriote Ulrich Seidl (le mari de Franz), dont ils partagent un regard froid sur la réalité et sur la foi (notamment dans Paradis, c’était en 2013).

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Dévorée par sa foi, leur héroïne — inspirée de la vie d’Eva Lizlfellnerin (v. 1736-1762), paysanne de Haute-Autriche — est prisonnière d’une existence qu’elle n’a pas choisie. Rêveuse, sensible, à l’écoute de la nature qu’elle observe en détail, collectionnant les insectes, Agnès aspire à autre chose que sa condition de femme dans une région reculée…

« Vermiglio », une sublime chronique paysanne féminine à la Mostra 2024

En cela, Le bain du diable fait écho au très beau Vermillon de l’Italienne Maura Delpero, sublime chroniqueuse paysanne naturaliste qui a remporté le Grand Prix du Jury à la dernière Mostra de Venise. Pour le reste, Franz et Fiala préfèrent s’aventurer dans le cinéma de genre. Notamment à travers la magnifique photographie 35 mm, toute en clair-obscur, de Martin Gschlacht (récompensé du prix de la meilleure contribution artistique à Berlin). Mais aussi grâce à la bande originale atmosphérique et inquiétante, composée par Anja Franziska Plaschg. Connue comme chanteuse sous le nom de Soap&Skin, l’Autrichienne étonne également dans son premier rôle à l’écran, totalement habitée par ce personnage tragique d’Agnès…

Dans la peau d’Agnès, la chanteuse Anja Plaschg est étonnante dans son premier rôle à l’écran, totalement habitée par son personnage. ©septembre
©septembre

Des Teufels Bad/Le Bain du Diable Drame d’horreur Scénario et réalisation Veronika Franz et Severin Fiala (d’après le livre de Kathy Stuart Le suicide par procuration dans l’Allemagne moderne : crime, péché et salut) Photographie Martin Gschlacht Anja Plaschg Montage Michael Palme Avec Anja Plaschg, Maria Hofstätter, David Scheid, Claudia Martini… Durée 2h01

 
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