News Day FR

les anti-Inception délirants à qui il faudrait donner une chance… ou deux

On se réveille avec, comme un éclair évanoui, le souvenir d’un film de rêve déconcertant, datant du début des années 2000 et tourné en partie à Paris. S’agit-il deCréation…ou son parfait négatif, La science des rêves par Michel Gondry ?

D’Alice au pays des merveilles à la filmographie de David Lynch, en passant par Paprika ou la saga Freddy, l’onirisme est depuis longtemps un thème d’or du cinéma. Si certaines œuvres ne l’utilisent que comme une torsion bon marché (la liste des “c’était juste un rêve”plus longue qu’une nuit blanche), de nombreuses personnes capitalisent sur une atmosphère ou un mode de narration unique.

Deux ans après le grand Soleil éternel de l’esprit impeccableMichel Gondry s’y confronte à son tour. Soutenu par un casting de fous doux et aériens (Gael García Bernal, Charlotte Gainsbourg, Alain Chabat), il nous plonge dans les méandres amoureux de notre psychisme. Mais quelle est la trace de La science des rêves dans l’inconscient cinématographiquetandis que le poids lourd Création tout écrasé quelques années plus tard ?

Les sans-griffes de la nuit

Le sujet Gondry par excellence

De quoi s’agit-il Création ? La réponse semble évidente : le rêve, qu’il soit encastré, enchevêtré, perméable ou conçu comme un accès direct à la source de nos idées. Mais est-ce vraiment là son point principal ? Ses détracteurs lui reprochent son imagination étrangement sèche… Car tout comme New York la circulation ne fait pas l’objet de Chauffeur de taxicelui deCréation (et 75% des films de Christopher Nolan), il est temps.

Les rêves en sont le prétexte puisque chaque strate correspond à un flux différent, comme un mille-feuille oublié à côté d’un trou noir. Michel Gondry, de son côté, ne fait aucun compromis : La science des rêves parle principalement de… rêves (et l’amour, mais les pures romances ne sont-elles pas des fragments qui se sont échappés dans notre réalité ?) Et pour qui connaît même un peu l’homme, ce thème paraît évident.

Hans Zimmer vous a donné la réponse

Gondry s’est fait connaître grâce à ses clips vidéo créatifs, qui lui ont permis d’accumuler des collaborations prestigieuses : Björk, les Rolling Stones, Daft Punk, The Chemical Brothers… L’artiste n’a jamais caché s’être inspiré de ses rêves pour certains effets de proportion et autres associations visuelles. Il se démarque notamment par son recours au morphing, qui crée une transition fluide entre deux images différentes, comme un doux glissement de l’éveil au sommeil.

Son passage au long-métrage le confirme : après le farfelu Nature humaine en 2001, il frappe les esprits avec le drame romantique à suspense Soleil éternel de l’esprit impeccableGagnant d’un Oscar pour son scénario. Jim Carrey se débat avec les reliques mémorielles de son histoire avec Kate Winslet, qui permettent au cinéaste de déployer une patine visuelle et un rythme très caractéristiques.

D’accord, il y a aussi un truc pour voyager dans le temps. Dans une seconde

Ces souvenirs qui s’évaporent sous nos yeux confèrent au long-métrage un côté onirique flagrant. Quoi de plus logique pour Gondry que de s’attaquer ensuite aux rêves eux-mêmes, pour son troisième film qui doit confirmer sa singularité ? Pour la première fois, il s’affranchit de Charlie Kaufman et écrit seul le scénario.

Où Nolan traque comme un maniaque du contrôle les émanations farfelues du rêve comme autant d’obstacles au bon fonctionnement de son pilotage cérébral, La science des rêves s’engloutit avec impatience dans leurs bizarreries. Rasoir araignée, eau cellophane, nuages ​​de coton suspendus par la musique, chariot en carton, mains disproportionnées… le film endosse sans réserve leur caractère surréaliste.

Pour toujours Jung

Le rêve protéiforme

Une des particularités de La science des rêvesc’est qu’il existe deux arrangements distincts. Si le procédé peut paraître aujourd’hui habituel, il trahit généralement une production compliquée, un film malade infusé dans le coupe du réalisateur. Cela peut aussi venir de cinéastes qui, des années plus tard, décident de passer le couteau au couteau à leur bébé vieillissant (le stratagème est répandu dans une galaxie très, très lointaine).

Il est plus atypique qu’un réalisateur propose lui-même deux versions de son œuvre, sans que cela ne résulte d’un quelconque conflit, moins d’un an après la sortie, ou d’une volonté de vendre une version « longue » Lune rebelle. Verser La science des rêves, tout a été décidé dès l’édition DVD par Gaumont. Entre une tablette pédagogique fournie par des spécialistes des sciences cognitives et une longue conversation entre Chabat et Gondry, ce dernier a glissé un bonus bien particulier.

Viens dans mon rêve

En se plongeant dans les rushes écartés du film présenté sur grand écran, il a eu le sentiment qu’ils s’assemblaient plutôt bien pour offrir une nouvelle expérience narrative. Le cinéaste lui-même en parle, de manière quelque peu alambiquée, non pas comme des « scènes coupées » mais comme des « sections abandonnées de l’histoire ». De quel acte.

-

Gaumont donne son feu vert sans se plaindre, et Gondry s’emploie à peaufiner cet écho inattendu. Cette version, nommée « B », aura même droit à une petite sortie en salles en mars 2007. Si elle n’affiche que 70 minutes au compteur, elle diffuse l’histoire initialement épurée au maximum pour laisser toute la place à Stéphane et Stéphanie.

L’intrigue est enrichie de séquences abandonnées et de prises alternatives. Elle rejoue certaines scènes d’une manière différentecomme ces souvenirs mal digérés enveloppés de rêves à l’étrangeté inquiétante. Miou-Miou gagne en épaisseur au détriment de Charlotte Gainsbourg. L’humeur du héros est lourde.

Je dors la mia

S’il contient plus de passages « en réalité », son aspect elliptique en fait paradoxalement une histoire plus onirique. Gondry achève ainsi sa déconstruction de la narration classique. Le spectateur est incité à tisser lui-même les liens entre les scènes, de la même manière que le cerveau confère un semblant de cohérence, aussi compliqué soit-il, aux éclairs disparates dont l’inconscient le bombarde.

Le titre du film reflète cette ambivalence : La science des rêves est presque un oxymore. Peut-on réduire les rêves à leur mécanique neurobiologique alors qu’ils semblent par essence hors de contrôle ? Gondry prône le lâcher priseet tire de la dépression latente de son héros ce rythme lancinant qui nous plonge dans un état second, comme un préalable à la création.

Comme une pierre endormie

Mieux que le haut d’Inception ?

Cette version B va au-delà de l’ornement cosmétique. Par cet ajout, Michel Gondry évite La science des rêves se laisser figer une fois pour toutes. L’alternative fonctionne en complément de la première, il n’établit aucune hiérarchie et ne prétend pas être meilleur que l’originaljuste différent. Le cinéaste lui-même conseille à ceux qui souhaitent découvrir son œuvre de choisir une monnaie.

C’est aussi pour le réalisateur un aveu d’humilité, une façon de se retirer et de déléguer son pouvoir au spectateur. Habituellement, le monteur fixe une version finale du film sur une bobine. Quelle que soit la richesse et la variété des plans préliminaires, le public n’en consommera qu’une sélection prédigérée qui oriente plus ou moins fortement sa perception.

Le bureau

En incitant les spectateurs à faire dialoguer les versions, à découvrir l’une ou l’autre indifféremment, Gondry pousse chacun à créer une expérience unique du film. Il refuse de mettre un point final trop définitif. Cela ne vous rappelle rien ?

Un top spins, hypnotique. Sa chute ou non dépendra de la véritable nature de cette apparente fin heureuse. Et pendant qu’elle fait semblant d’hésiter… couper. Générique. Avec cette fin ouverte, Nolan a veillé à générer de nombreuses théories et relectures plus ou moins élaborées (la fameuse bague) qui empêchent l’œuvre de se refermer sur elle-même.

Christophe Nolife

Les deux œuvres peuvent être lues à travers le cinéma lui-même. Dans Créationles personnages jouent des rôles différents selon les strates, et ses couper emblématique, autant que le double montage de La science des rêvessont des outils intrinsèquement cinématographiques.

De son côté, le héros incarné par Bernal réalise un spectacle onirique à faire pâlir. Vice versa. Dans obliger le spectateur à prendre conscience de l’artificel’artiste abandonne les rênes de la narration, de la même manière que le rêveur lucide peut prendre le contrôle de ses rêves.

Si sa notoriété reste bien inférieure à celle du bijou Soleil éternel de l’esprit impeccable, La science des rêves a contribué à asseoir le style Michel Gondry, cette alliance de la folle richesse conceptuelle et de l’inventivité visuelle de la tendance DIY. On attend désormais avec impatience sa version en daim deCréation

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 
-

Related News :