Le vampire, monstre de papier, monstre de cinéma

La sortie du film le 25 décembre Nosferatu de Robert Eggers est l’occasion de remonter aux sources de ce mythe moderne tenace, pour ne pas dire immortel. Parce que le vampire inspire les écrivains et les cinéastes depuis des lustres.

Dracula par Bram Stoker

Quand Bram Stoker publie Dracula en 1897, la mode du roman gothique anglais est loin derrière, et c’est pourquoi l’écrivain se situe dans la vague néo-gothique, dont il est l’une des figures les plus emblématiques avec Robert Louis Stevenson. Si le personnage du vampire apparaît dans les œuvres de Goethe, John Polidori, Théophile Gautier ou Jules Verne, pour ne citer qu’eux, quelque chose se cristallise avec Draculaqui sera la principale source d’inspiration des écrivains et cinéastes du XXe^e siècle.

L’originalité de Dracula

L’originalité de Draculaconsidéré aujourd’hui comme un chef-d’œuvre, réside dans sa forme éclatée. L’histoire est racontée à travers les journaux et la correspondance des personnages où se glissent des articles – seul le point de vue de Dracula est absent, et donc mystérieux. Mais les bases sont posées de ce que l’on connaît bien aujourd’hui : un vieux château en Transylvanie, des dents acérées, les vertus de l’ail et du crucifix, les capacités de séduction et d’envoûtement de la créature, le tombeau, le chasseur de vampires Van Helsing…

Murnau et Herzog

Le célèbre film Nosferatu le vampire de FW Murnau de 1922 serait le deuxième film basé sur le roman de Stoker après celui du cinéaste hongrois aujourd’hui disparu Károly Lajthay. L’histoire a donc retenu celui de Murnau, qui représente une étape importante dans l’expressionnisme allemand, et qui est aussi l’un des premiers films d’horreur au cinéma.

Le titre, Nosferatuun mot prononcé dans le livre par Van Helsing, est un choix de Murnau qui n’avait pas les droits d’adaptation, et qui a ainsi changé les noms des personnages et des éléments de l’intrigue. Werner Herzog rendra hommage à ce classique avec Nosferatu, fantôme de la nuit en 1979 (avec Klaus Kinski, Isabelle Adjani et Bruno Ganz). Ces deux films sont des influences assumées de Nosferatu les Robert Eggers.

Lugosi, Lee et le marteau

À partir des années 1930, Dracula est devenu un épouvantail populaire du cinéma. Il sera joué par Bela Lugosi dans le Dracula de Tod Browning en 1931, et surtout de Christopher Lee dans une dizaine de films de la maison de production britannique Hammer, un rôle qui lui colle si bien qu’il fait de lui le méchant le plus célèbre de l’histoire du cinéma, en incarnant le Comte Dooku au fin de sa carrière dans Star Wars – L’Attaque des Clones et Saroumane en Seigneur des Anneaux !

Dans les années 1960-70, Dracula sera servi à toutes les sauces, et il y en aura même en 1972 Blacula, le vampire noirdans la pure veine de la « blaxploitation ».

La contribution de Coppola

Malgré quelques libertés avec le scénario, le Dracula de Francis Ford Coppola, sorti en 1992, est probablement celui qui respecte le plus le roman de Bram Stoker. Dans ce véritable festin visuel truffé de références artistiques, Dracula est incarné par Gary Oldman qui surjoue un peu, entouré des acteurs du moment, Winona Ryder (Mina), Keanu Reeves (Jonathan) et Anthony Hopkins (Van Helsing).

Mais le succès du film s’inscrit dans un renouveau pour les vampires, puisque deux ans plus tard, on aura droit à Entretien avec un vampireune adaptation du roman d’Anne Rice, avec Tom Cruise et Brad Pitt.

La postérité de Dracula

L’héritage de Dracula est énorme et multiforme, le vampire ayant eu un destin plus flamboyant que celui du loup-garou ou du monstre de Frankenstein – seul le zombie lui offre une véritable concurrence. Dans les représentations notables de ce monstre de papier et de film, pensons aux films La faim Tony Scott (1982), Presque sombre par Kathryn Bigelow (1987) ou Les garçons perdus de Joel Schumacher (1987), la série télévisée Buffy contre les vampires, Les Chroniques des vampiresle cycle de romans d’Anne Rice et, plus récemment, la saga Crépuscule de Stephenie Meyer, qui a donné une série de films très appréciés des adolescentes.

Enfin, au Québec, Vampire humaniste cherchant à se suicider d’Ariane Louis-Seize a remporté huit Iris au dernier Gala Québec Cinéma.