Du sang pour du sang
Avec Le Raid et sa suite, l’Indonésie a pris une place de choix dans le domaine du cinéma d’action et d’arts martiaux qui fait exploser la gueule avec un plaisir sanglant. Face au phénomène Gareth Evans, Timo Tjahjanto a eu la bonne idée de s’engouffrer dans la brèchele tout en recyclant les mêmes acteurs spécialisés dans la vénération tatanique (Iko Uwais, Joe Taslim, etc.).
Et Photo du visage c’était sympa, c’est vraiment avec La nuit vient pour nous (déjà sur Netflix) que s’est imposé le cinéaste, entre ses prouesses chorégraphiques insensées et sa violence insupportable, qui semblait expérimenter les mille et une manières d’infliger de la souffrance à un corps humain.
Pour être clair, L’ombre rebelle s’inscrit dans une forme de continuation, avec un bonheur sadique non dissimulé. Cette fois, il s’agit de Codename 13 (Aurora Ribero), une jeune tueuse appartenant à une sororité ninja. L’idée peut faire sourire, et pourtant Tjahjanto la traite avec un sérieux papal qui finit par gagner des suffrages. Suite à une mission au Japon qui tourne mal, l’apprentie est licenciée, mais se lie d’amitié avec Monji, une orpheline prise dans les mailles d’un syndicat du crime qu’elle va défier, malgré l’interdiction de ses supérieurs.
Résolument féministe par la relation qu’il noue entre l’héroïne et son mentor Umbra (Hana Malasan), le film se démarque principalement grâce au nihilisme de son réalisateur. La nuit vient pour nous justifiait déjà son intense barbarie par le désespoir de personnages qui n’avaient plus rien à perdre, et L’ombre rebelle marque cette obscurité d’encre à travers une société indonésienne en proie à la criminalité même dans ses sphères politiques.
Même s’il appartient à un ordre secret et alternatif, 13 est contraint par une réglementation arbitraire et par le pouvoir des hommes qui ne font que monter les femmes les unes contre les autres. La liberté a un prix élevé, et Timo Tjahjanto choisit de n’épargner personne dans cette lente descente aux enfersce qui donne un certain poids à ses scènes d’action et à leurs enjeux.
Netflix et tuer
Bien entendu, ce parti-pris n’est pas toujours le plus subtil dans son approche dramatique, et le résultat final souffre de sa durée de 2h20 (oui oui). Mais franchement, on le pardonne assez vite vu la frénésie générale du rythme, et surtout son extrémisme dans la cruauté.
Par la force, Timo Tjahjanto a véritablement perfectionné son mélange d’influences d’action contemporainesà mi-chemin entre l’énergie du montage Le Raid et les effets de style d’un John Wick. Plus que jamais, sa caméra se comporte comme un danseur à part entière dans ses chorégraphies, et accompagne les coups des combattants de petits mouvements vifs.
De quoi rendre certains affrontements encore plus viscéraux, d’autant que le réalisateur joue pleinement avec l’environnement et tout un tas d’objets qui peuvent servir d’armes par destination. Crochet dans la joue, seringue dans la mâchoire, tournevis dans le bras… tout y passe et fait régulièrement grincer des dents.
Un peu tel un DJ trop fier pour créer du suspense avant un inévitable drop, Tjahjanto prend un malin plaisir à débuter ses passages obligatoires et ses moments les plus gores. C’est parce qu’il s’y jette tête première que L’ombre rebelle est également exaltant, malgré sa maladresse et sa fin auto-référencée. Il faut l’admettre, on est prêt à excuser beaucoup de choses dans un film qui montre un homme portant un masque en plastique se brûlant le visage sur une plaque chauffante.
The Rebel Shadow est disponible sur Netflix depuis le 17 octobre 2024.
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