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Carte blanche to Stéphane Dompierre

Cette semaine, nous donnons carte blanche à l’auteur et monteur Stéphane Dompierre, qui propose une réflexion sur les films d’horreur, dont le côté sordide est bien plus facile à gérer que tous les maux de notre époque.

Stéphane Dompierre

Collaboration spéciale

Quand j’étais jeune, je pense que les salles de cinéma étaient plutôt laxistes sur le PG-13. J’ai vu une tonne de films d’horreur bien avant l’âge de 13 ans. À l’époque, il y avait un programme double samedi à la salle de l’école secondaire Calixa-Lavallée à Montréal-Nord. Une de mes sœurs m’a traînée là-bas alors qu’elle devait s’occuper de moi. J’ai surtout vu des œuvres classées « médiocres » : des voitures possédées par Satan, des bateaux maléfiques avec des jets de sang dans les douches, des avions disparus dans le Triangle des Bermudes. C’est ma jeunesse.

Après une longue pause, je me suis récemment remis au cinéma d’horreur avec vengeance. Il faut dire que les œuvres du genre abondent ces dernières années et, en termes de cinéma américain, une fois qu’on a éliminé les films horrifiques de super-héros, c’est à peu près tout ce qui reste. Le public est là et les raisons de cet engouement sont évidentes : l’horreur dans la fiction est bien plus facile à gérer que l’horreur dans la vraie vie. Et de ce côté-là aussi, il faut le dire, l’offre n’a jamais été aussi abondante.

Un film est en pause. Vous pouvez chercher ailleurs si la scène est trop sanglante. Et puis au bout d’un moment, que ça se termine bien ou mal, le générique apparaît. C’est fini, rallumons les lumières.

Dans le cas du changement climatique, de nombreuses autres catastrophes se produiront avant le générique de fin. Cela peut prendre plus d’une heure et demie.

Le film d’horreur nous livre aussi un « mal » facile à identifier et à comprendre. Qu’il s’agisse d’araignées géantes radioactives ou de petits enfants blonds télépathes qui ne clignent pas des yeux, nous savons à quoi nous avons affaire. Le concept est plus facile à comprendre que le changement climatique, par exemple, et, pour choisir, il semble beaucoup plus simple d’affronter un adolescent possédé par Satan que la crise du logement, la pénurie de médecins de famille ou même le polystyrène, dont on connaît les dégâts environnementaux. depuis plus de 40 ans et on le retrouve encore partout. Dans la vraie vie, les crucifix et l’eau bénite ne résolvent pas grand-chose. (Désolé de vous dire cela, Pape François.)

La peur générée par les films d’horreur a même des vertus. Parce que le danger est contenu et n’échappera pas à l’écran, ce contrôle peut nous donner confiance dans notre capacité à faire face à des situations anxiogènes et nous aider à mieux gérer le stress. Si appeler sa grand-mère pour son anniversaire est un peu anxiogène, c’est toujours moins pénible de lui chanter une petite chanson que de se retrouver coincé dans une voiture en panne au soleil en pleine canicule pendant qu’un Saint-Bernard enragé rôde. autour pour vous arracher les tripes.

Ma passion pour les films d’horreur m’aide à relativiser tous les ennuis du quotidien.

Oui, j’ai dû me débarrasser d’un nid de guêpes sur ma terrasse, mais au moins je n’ai pas laissé entrer des monstres d’un autre monde en ouvrant un portail après avoir lu un paragraphe en latin dans un livre dont la couverture est en peau humaine. Ouais ! Oui, suite à une erreur administrative, ma banque a décidé de bloquer mon accès à mes comptes et à ma carte bancaire. Mais au moins, un clown maléfique n’a pas essayé de m’attirer dans un égout et de dévorer mon âme. De quoi est-ce que je me plains ? Quand j’entends des grondements dans la cave, c’est la cuvette des toilettes qui déborde à cause des fortes pluies et non un monstre à deux têtes qui digère des petits enfants. OK, putain ! Ma journée est pourrie, mais ça aurait vraiment pu être pire !

Après avoir affronté la mauvaise nouvelle du jour, il faut un peu de soulagement. Émotionnellement, c’est épuisant de lire sur des crises de toutes sortes, des féminicides, des guerres et des génocides et l’inaction de gouvernements qui préfèrent freiner l’immigration et forcer les femmes à avoir des bébés et à retourner aux cuisines car selon eux, cela résoudra tout. Ça libère les tensions de pouvoir oublier tout ça pendant quelques heures sur un canapé moelleux avec un sachet de Fritos.

Tandis que Trump célèbre sa victoire aux élections américaines, des masculinistes pitoyables s’affichent fièrement sur les réseaux sociaux en proclamant que c’est le retour du patriarcat, de l’esclavage, et que désormais, le corps des femmes leur appartient. Jusqu’à ce que ces pauvres gars réalisent que l’immunité présidentielle ne s’applique qu’au président et que Trump est aussi en colère contre eux que contre le reste de l’humanité, je pense qu’il va me falloir un petit marathon de 24 heures de films d’horreur non-stop. .

En espérant que cela change la place de la douleur car en ce moment, j’ai mal partout.

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Who is Stéphane Dompierre?

  • Stéphane Dompierre est écrivain, éditeur et chroniqueur.
  • Il a écrit plus d’une demi-douzaine de romans, dont Noviceen 2022, ainsi que les recueils de chroniques noir en colère et Marcher sur un Lego.
  • Il est directeur de la collection La Shop chez QuébecAmérique.
 
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