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ICI (2024) – Critique – Retour vers le futur pour les amoureux de Forrest Gump

Le temps passe vite. Pour célébrer le 30ème anniversaire de Forrest Gumpla quasi-totalité de l’équipe de ce « classique » moderne (acteurs principaux, réalisateur, scénariste, directeur de la photographie, compositeur…) est de retour avec Iciune chronique ambitieuse qui ne restera malheureusement pas dans l’histoire.

Est-il possible de s’emparer de ce temps qui fuit irrémédiablement ? Cette question proustienne est au cœur de ce projet hors du commun qui voit défiler les années, les décennies et même les siècles. Plusieurs individus vivaient dans une maison et on suit principalement Richard (Tom Hanks) et sa femme Margaret (Robin Wright). Soudain, une ellipse apparaît, transportant le spectateur dans le temps, à l’époque du père (Paul Bettany) et de la mère (Kelly Reilly) de Richard. Puis les sauts dans le temps se multiplient, mettant en scène des inconnus ayant tous résidé au même endroit.

Cette adaptation du roman graphique de Richard McGuire parle des joies et des peines du quotidien, des événements qui nous marquent à jamais. Entre la naissance et la mort, il y a ce flux de sensations (ah, l’amour !) et d’expériences de vie au XXe siècle ou à une autre époque. Les adultes renoncent parfois à leurs rêves, les parents se sacrifient pour leurs enfants, et ces derniers finissent par reproduire les comportements de leurs aînés. La roue tourne lentement, apportant avec elle des changements souvent bénéfiques.

Dommage que le long métrage ne se soit pas concentré sur la famille Young (« jeune » en français, clin d’œil facile au sablier du temps qui s’écoule inlassablement). Au contraire, cela commence par les dinosaures pour montrer l’évolution de l’humanité. L’envie de jouer dans les parterres du chef-d’œuvre L’arbre de vie c’est génial, même si ce procédé s’apparente davantage à un générique de Les Simpson. Dès le récit principal, il y aura des détours constants et redondants entre les époques, notamment vers une nation indigène, quelques bizarreries et une famille afro-américaine du 21e siècle. Un nombre incroyable de personnages qui ne servent absolument à rien, ne faisant que rappeler le poids du passé et les promesses du futur.

De quoi faire perdre un temps précieux à la famille Young, qui n’existera jamais vraiment à l’écran. Au lieu de prendre son temps pour vraiment les connaître, le scénario privilégie l’anecdote, changeant constamment d’années plutôt que d’approfondir leur psychologie et leur complexité. Après avoir exploré un demi-siècle d’histoire américaine à travers Forrest Gump (et une existence à l’envers dans L’étrange cas de Benjamin Button qui reprend exactement le même schéma narratif), le scénariste Eric Roth s’attaque à quelque chose de plus grand que lui en essayant de ressentir l’esprit d’un lieu. François Girard s’était déjà cassé les dents avec Hochelaga : Terre des âmes et l’histoire se répète ici.

Sauf rares exceptions (telles que Contact et Rejeter), ce n’est pas le cadre dramaturgique qui intéresse le cinéaste Robert Zemeckis, mais la volonté de pousser toujours plus loin la technologie. C’est ce qu’il a fait avec Qui a piégé Roger Rabbit, Le Polar Express et d’autres Beowulf. Après quelques échecs récents retentissants (Les sorcières et encore une autre variante de Pinocchio), la prémisse de Ici est tombé dans ses cordes. Il ne remonte ni n’avance dans le temps avec une Delorean comme dans ses films cultes Retour vers le futur. Il lui suffit d’un plan fixe d’une pièce – en l’occurrence le salon d’une maison – qu’il fait évoluer par superposition d’images. Les époques se mélangent avec bonheur, tandis que le montage s’efforce d’enchaîner les scènes selon des motifs variés. Pour la puissance du hors-champ, nous reviendrons. Un tour de force technique, qui se fait évidemment au détriment du facteur humain.

La distribution tente de se conformer à ces choix esthétiques. Cela va plutôt bien avec les ancêtres incarnés par Kelly Reilly et surtout Paul Bettany, qui parvient à émouvoir lorsqu’il évoque ses années de guerre. C’est déjà plus difficile pour Tom Hanks et Robin Wright, qui changent continuellement d’âge en fonction des scènes. Une technologie qui n’a toujours pas fait ses preuves (c’est quand même moins pire qu’en L’Irlandais), handicapant fortement les acteurs. Le cinéphile qui a grandi avec Tom Hanks ne trouvera rien de comparable à la star de Éclabousser et de Grand.

En me rappelant que le temps passe vite, Ici donne ironiquement l’impression de perdre du temps à regarder ce film. Prometteur mais inachevé, profondément superficiel malgré ses intentions excessives, le tout ressemble à un nouvel exercice de style de la part de son directeur, plus intéressé à développer une maison peuplée de fantômes (c’est sans doute normal pour le créateur de Ce qu’il y a dessous) que de s’intéresser au vivant. Quand il le fait, c’est en forçant la dose de sentimentalisme, soutenu par une musique mélodique, sans oublier de prêcher. Le tout se terminant par une scène plagiée du final de Forrest Gumpmodèle évident de cette production. Cependant, la magie ne fonctionne pas de la même manière.

 
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