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« Une fois l’envie d’en parler à Niki arrivée en moi, le projet m’a paru évident »

UNvec « Niki », Céline Sallette, pour qui il s’agit de sa première production, réalise une œuvre émouvante et passionnante : elle raconte les dix années qui ont permis à l’artiste franco-américaine Niki de Saint Phalle (1930-2002) de s’évader vers son destin de une jeune mère issue de l’aristocratie et de devenir l’une des artistes les plus libres de la seconde moitié du XXe sièclee siècle.

Venue du théâtre, la réalisatrice – bordelaise et révélée au cinéma par « L’Apollonide : bouillon Souvenirs de la maison » de Bertrand Bonello – évite l’écueil du biopic en condensant son récit sur une période définie du parcours d’un femme complexe, incarnée avec brio par Charlotte Le Bon. « Sa ressemblance avec Niki est telle qu’elle a été faite pour le jouer. Si cela n’avait pas été dans mon film, cela aurait été dans celui de quelqu’un d’autre », explique le réalisateur. Ce qui, de la contrainte de ne pas pouvoir montrer sur écran les œuvres du plasticien, est devenu une force. Rencontre avec Céline Sallette.

Vous souvenez-vous de votre première rencontre avec l’œuvre de Niki de Saint Phalle ?

J’avais 18 ans lorsque Clovis, qui travaillait au Grand Théâtre de Bordeaux, m’a offert un énorme livre sur Niki. J’étais stupéfait par la puissance des œuvres, mais avec le sentiment de ne pas pouvoir y accéder : j’étais probablement trop jeune et ne parvenais pas à entrer en résonance avec ses œuvres qu’aujourd’hui, j’aime d’amour.

Ce qui est beau chez Niki de Saint Phalle, c’est à quel point comprendre sa transformation en artiste peut devenir un exemple de force. Cela donne les clés pour se libérer, avoir accès à soi. Elle est une sorte de guide et, en fin de compte, c’est peut-être sa plus grande œuvre. En lisant, dans ses biographies, ses questions sur ce cheminement pour devenir artiste, j’ai vu les premières et dernières images du film : c’est ce voyage qui m’a intéressé.

Construire une carrière, proposer une vision, ce n’est pas quelque chose qui vient « comme ça ». Pour réussir, il faut échouer souvent, échouer plusieurs fois, recommencer, trouver le moyen de faire mieux… C’est cette lutte que j’essaie de montrer avec ce film : une lutte intérieure pour devenir ce que l’on se sent. être.

« L’art est pour les marchands, et nous avons des poètes », comprend-elle…

C’est ce que lui a dit Jean Tinguely [interprété par Damien Bonnard, NDLR] : « L’art est à vendre. La poésie est une maladie. Et quand tu l’as, tu ne peux rien faire d’autre. » Il pensait que même les gars qui fabriquaient des fusées étaient des poètes. Et que chacun, à sa manière, fait avancer l’humanité. Cette poésie est un bien commun partagé entre tous, qui existe en chacun.

Chaque âme humaine a vocation à exprimer l’art et la poésie. C’est vital : peindre, écrire, tricoter, chanter… Un amateur n’est qu’un artiste qui ne vit pas de son art. L’art n’est pas réservé aux artistes.


Céline Sallette, au siège de « Sud Ouest » à l’occasion de la sortie de « Niki ».

Thierry DAVID / SO

C’est votre premier long métrage. Est-ce que ça a été compliqué pour vous de passer de l’autre côté de la caméra ?

Une fois l’envie de raconter Niki arrivée en moi, le projet m’a paru évident et son montage assez simple. Mais avant cela, permettez-vous d’écrire, de produire, d’être prêt à défendre votre vision… Ce sont des combats qui nécessitent de se sentir solides. Mais je n’avais pas cette robustesse en moi au départ. Je l’ai acquis au cours d’une décennie de voyage et de travail.

Quand on est actrice, on est toujours soupçonnée d’être « seulement » ça. De ne pas être à sa place dans le rôle de l’auteur ou dans le fauteuil du réalisateur. Alors, quand on fait un premier film, il faut gagner en légitimité. Cela a été tout un voyage.


Époustouflante Charlotte Le Bon, dans le rôle de Niki de Saint Phalle.

Bouquet sauvage


Céline Sallette a découvert les œuvres de Niki de Saint Phalle (en bas à gauche) à 18 ans : « J’étais sans doute trop jeune et je n’arrivais pas à entrer en résonance avec ses œuvres que j’aime aujourd’hui d’amour. » L’actrice Charlotte Le Bon incarne avec brio la plasticienne.

GEORGES BENDRIHEM/AFP

Comment avez-vous travaillé avec Samuel Doux, votre co-scénariste ?

J’ai commencé par écrire moi-même un scénario de 40 pages. Mes producteurs l’ont lu et ont dit “c’est génial, il y a tout, mais quand même, on dirait que tu as vomi cette histoire” [rires]. Ils m’ont donc proposé de m’associer à un scénariste. Le premier avec qui j’ai collaboré m’a vite trouvé trop fou pour continuer avec moi. J’étais très bouleversé, presque humilié. Puis Samuel Doux m’a apporté sa confiance et sa gentillesse, et ça a fonctionné. J’ai dû abandonner certaines choses, comme la chronologie éclatée que j’avais imaginée, pour revenir à une narration linéaire plus claire.

J’ai alors imaginé un chapitre, à l’image des douze étapes de l’Odyssée… Samuel m’a beaucoup interrogé sur la place de l’inceste dans l’histoire de Niki. Une seule scène – terrible – l’évoque : un dîner où le père et la fille sont dans le secret de cet inceste, secret dont la mère doit rester exclue… Nous avons choisi pour cela un écran splitté, pour représenter dans l’image cette dissociation entre le réel et le caché ; deux dimensions de la vie.

« Niki » de Céline Sallette, avec Charlotte Le Bon, John Robinson, Damien Bonnard et Judith Chemla. Durée : 1 heure 38 minutes. En salles mercredi 9 octobre.

 
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