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[CINÉMA] Le Fil, un solide récit de tribunal de Daniel Auteuil

Depuis qu’il a disculpé un récidiviste, Maître Jean Monier ne comparaît plus devant le tribunal. C’était il y a quinze ans.

Un soir, sa compagne est sollicitée pour agir en qualité d’avocat commis d’office. Fatiguée, elle demande à son mari de se rendre à sa place à la gendarmerie et de rencontrer le détenu avec l’intention toutefois de prendre la relève le lendemain. Bonne pâte, Maître Monier accepte de sacrifier sa soirée et de rencontrer le suspect, Nicolas Milik, un père soupçonné d’avoir tué sa femme. Touché par cet homme sensible, fragile, et soucieux du bien-être de ses enfants, l’avocat décide de le défendre. S’ensuit alors une étroite collaboration entre les deux hommes, empreinte d’une profonde empathie et d’une confiance sans faille, en vue d’obtenir la libération de l’accusé.

Fortement inspiré d’un cas vécu par le blogueur et ancien avocat pénaliste lillois Jean-Yves Moyart, décédé en 2021, Le fille dernier long métrage en date réalisé et interprété par Daniel Auteuil, nous change de ce à quoi il nous avait habitués en tant que réalisateur. A mille lieues de l’univers de Pagnol, dont il s’était adapté La fille du puisatier, Marius et Chattece film troublé et psychologique est davantage ancré dans un naturalisme social, typique des adaptations de faits divers.

Les risques du métier

Sa singularité, par rapport à toutes ces histoires de tribunal dont nous a bombardé le cinéma ces dernières années, réside dans le simple rappel d’une règle fondamentale du métier d’avocat : aucune implication émotionnelle à avoir à l’égard du client ; le défenseur doit se détacher le plus possible de toute conviction personnelle et fonder sa plaidoirie uniquement sur les éléments matériels du dossier. Un principe rudimentaire que Maître Monier semble avoir oublié, sans doute rouillé par quinze années d’absence du tribunal correctionnel.

Le film de Daniel Auteuil, qui incarne aussi admirablement le personnage principal, nous montre comment l’avocat, véritable acteur, voire rhéteur, peut se laisser déborder et tromper s’il n’y prend pas garde. Ce réapprentissage du métier d’avocat par Jean Monier se soldera par des douleurs et des déceptions humaines. L’accusé, évidemment, incarné par un Grégory Gadebois bon enfant et touchant, ne sera en aucun cas responsable des erreurs de son avocat et, finalement, n’aura fait que jouer son rôle.

L’acte de la dernière chance

Prosaïque à l’extrême, l’histoire et sa mise en scène, jusqu’au dernier acte, confinent au programme télévisé et ne laissent aucun réel suspense, jusqu’au désespoir. Puis, contre toute attente, Daniel Auteuil nous sort de notre torpeur avec une série de rebondissements qu’on n’avait pas vu venir, redémarre dans les extrêmes l’intérêt de son histoire lui donne enfin son sens et sa finalité générale, et nous prouve que la mécanique de l’ensemble était parfaitement huilée dès le départ. Comme le titre du film nous l’indique, il ne tenait qu’à un fil… Le cinéaste s’autorise même, dans cet acte final, quelques compositions de plans bien senties, notamment lors de la dernière interview des deux personnages principaux.

Sans doute ces éclairs arrivent-ils trop tard pour qu’on puisse qualifier cela de chef-d’œuvre. Mais si Le fil s’avère dans son ensemble trop académique, il n’en reste pas moins solide.

3 étoiles sur 5

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