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Le blues de la métropole

Dans une métropole en déclin, Cesar Catilina, un brillant architecte, rêve d’une utopie pour tous. Franklyn Cicero, le maire conservateur, ne voit pas les choses de cette façon. Mais Cesar a un avantage : il a le don d’arrêter le cours du temps. Veuf éternellement en deuil, Cesar a une liaison sans passion avec Wow Platinum, une star de la télé. Mais lorsque Julia Cicero, la fille du maire, s’intéresse à lui, Cesar se surprend à éprouver des sentiments. Depuis sa première à Cannes, le film Mégalopolede Francis Ford Coppola, fait les gros titres pour de mauvaises raisons. Le film ayant suffisamment de problèmes cinématographiques, nous nous abstiendrons ici de revenir sur les nombreuses polémiques qui ont entaché sa sortie.

Un blockbuster autofinancé coûtant 120 millions de dollars, Mégalopole est donc à l’affiche : chacun pourra enfin se faire sa propre opinion. Ce faisant, peut-être s’évanouira-t-elle la théorie d’un complot ourdi par des critiques malfaisants qui n’y comprennent rien. Ou peut-être encore s’effacera-t-elle l’idée que l’appréciation de ce film particulier constitue une sorte de référendum sur la valeur accordée à la filmographie de Coppola.

Réécrit environ 300 fois, dit le cinéaste dans La foire aux vanitésau cours d’une gestation intermittente de plus de quarante ans, Mégalopole C’est un triste spectacle pour tous ceux qui aiment le cinéma de Coppola.

Aussi remanié soit-il, le scénario en question repose sur une intrigue sentimentale ténue, à savoir l’histoire d’amour entre César (Adam Driver) et Julia (Nathalie Emmanuel). Sur ce plan, Mégalopole s’inscrit dans la lignée des grands films romantiques du cinéaste, ceux-ci volontairement marqués par une artificialité assumée : le mal-aimé Un message du cœurle merveilleux Peggy Sue s’est mariée (Peggy Sue s’est mariée), et le sublime Dracula de Bram Stoker (Dracula basé sur l’œuvre de Bram Stoker). Malheureusement, les comparaisons s’arrêtent là.

Parmi les nombreuses intrigues secondaires, deux ont plus d’importance : celle qui concerne le mariage de convenance entre Wow (Aubrey Plaza) et Hamilton Crassus III (Jon Voight), l’oncle riche de César, et celle qui concerne Clodio (Shia LaBeouf), le cousin jaloux de César, qui se transforme en populiste trumpien. En bref, nous avons affaire à de l’amour pur, de l’argent corrupteur et une politique qui manipule les masses.

Malgré ces trois thèmes universels propices à mille et une allégories, la « fable », pour reprendre le terme employé par la campagne promotionnelle, s’avère inachevée et bancale.

Jeu très inégal

Un décor rappelant la chute de Rome se mêle à une esthétique futuriste plutôt moche (et souvent compromise par des effets spéciaux de mauvaise qualité, surtout à la fin). Visuellement, le film manque d’unité : les scènes de jour ont un aspect clinquant, plutôt qu’opulent, qui semble « bon marché » malgré le budget, tandis que les séquences de nuit semblent sortir d’un autre film.

Coppola, dont l’immense talent n’est plus à démontrer depuis longtemps, semble parfois en quête d’une mise en scène : pour une poignée de scènes réussies, une pléthore de plans composés au hasard. Il y a parfois de quoi se gratter la tête.

Et puis il y a ce parti pris pour des dialogues vaguement shakespeariens ponctués, au hasard, d’expressions modernes : ça ne marche tout simplement pas. De plus, on ne sent jamais les acteurs complètement à l’aise avec le texte.

Il faut dire que les interprètes semblent avoir été laissés à eux-mêmes, pour une prestation d’ensemble très inégale, allant de l’intériorité variable à la comédie éhontée.

Scène psychotronique

Gros problème pour un film qui mise autant sur une histoire d’amour : Adam Driver et Nathalie Emmanuel ne partagent aucune complicité à l’écran. Le premier module ici mal ses niveaux d’intensité : une plainte de désespoir donne lieu à l’un des rares passages involontairement drôles du film.

A cet égard, les penchants vraiment humoristiques, quand ils se présentent, sont gênants. A cet égard, la scène où Crassus III se venge est psychotronique.

Il va sans dire que le spectacle d’un si grand cinéaste faisant un tel gâchis n’est pas des plus agréables. Heureusement, la filmographie de Francis Ford Coppola continue d’exister, et elle reste riche de films qui peuvent alimenter la passion du cinéma. Mégalopole n’est pas de ceux-là, mais maintenant que le cinéaste a mené à son terme cette vieille mode, qui sait s’il ne porte pas en lui un film final, plus intime, plus abouti.

Mégalopolis (VO et VO s.-tf)

★ 1/2

Science-fiction de Francis Ford Coppola. Scénario de Francis Ford Coppola. Avec Adam Driver, Nathalie Emmanuel, Giancarlo Esposito, Aubrey Plaza, Shia LaBeouf, Jon Voight, Dustin Hoffman. États-Unis, 2024, 138 minutes. En salles.

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