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« Les Barbares », leur racisme | France Culture

Les barbaresà première vue, c’est une comédie comme en produit régulièrement le cinéma français : l’affiche montre un groupe d’acteurs connus parmi lesquels figurent Sandrine Kiberlain et Laurent Lafitte, aux visages incroyables et aux vêtements moches sur fond blanc : le contraire de la comédie sophistiquée et familiale que Delpy nous avait plutôt bien servie jusqu’alors dans des films ou séries où elle parlait beaucoup d’elle et de ses proches. Que faisait la réalisatrice et l’actrice franco-américaine dans le grand bazar de la comédie populaire à message social ? Eh bien, après avoir vu le film, je me le demande encore.

L’histoire se déroule en Bretagne profonde, à Paimpont, au cœur de la forêt de Brocéliande. Le village se prépare à accueillir une famille de réfugiés ukrainiens. Le maire s’en vante à grand renfort de mots auprès d’une équipe de reporters qui vient d’arriver pour couvrir l’événement, quand arrive l’institutrice – il n’y a plus d’Ukrainiens, donc ce seront des Syriens. La situation change considérablement pour une partie des villageois, qui étaient prêts à accueillir des Européens blancs fuyant les bombes, mais pas des personnes à la peau foncée potentiellement musulmanes. Et de fait, ce n’est pas simple pour la famille syrienne qui pose le pied à Paimpont, et qui doit faire face à la maladresse des uns et à la violence des autres, tandis que notre héroïne institutrice, incarnée par Julie Delpy elle-même, travaille d’arrache-pied pour que tout se passe bien.

Inverse

Le film est donc une chronique satirique du racisme dit ordinaire. C’est du moins ce qu’il prétend faire : faire rire de nos réflexes racistes, petits et grands – enfin, « nos » réflexes… leur Réflexes : ceux d’une poignée de personnages extrêmement caricaturaux censés représenter par la satire cette population rurale française : ils se situent tous dans un continuum allant de la bêtise grossière et brutale du plombier, à la lâcheté opportuniste du maire, en passant par la naïveté éclairée de l’épicier, et la gentillesse stupide de l’infirmière : une galerie d’idiots, en comparaison de laquelle la famille des Syriens représente, au contraire, une petite communauté sensible et intelligente. C’est bien simple, on a l’impression qu’à l’écran les premiers sont dessinés par un enfant de deux ans avec trois crayons de couleur et les seconds sont peints par Rubens. Alors si les villageois sont des abrutis, Delpy a pensé que c’était une bonne idée de distribuer des super cadeaux aux Syriens pour compenser – mais compenser quoi, en fait : le père est un grand architecte, la mère une graphiste particulièrement volontaire, la sœur un médecin courageux, le grand-père un poète malicieux – tous sont super drôles, délicats et beaux. De cette façon, nous sommes sûrs de savoir qui est un barbare et qui ne l’est pas. Car c’est évidemment la leçon que le film est censé nous enseigner, qui nous prend aussi pour des idiots, avec cette comédie laborieuse qui ne tente rien d’autre qu’une inversion laborieuse et complètement vaine de la discrimination.

Et je repensais au grand succès des derniers mois, Un petit quelque chose en plusd’Artus (je vous en avais parlé ici). Pas exactement la même forme : celle de Delpy est plus complexe avec ses faux effets documentaires qui font semblant de prendre du recul, mais il y a quelque chose de commun dans cette idée que le cinéma doit « redonner de la dignité » aux personnes discriminées. Ce point commun, c’est le point de vue adopté par les deux réalisateurs : une empathie simpliste qui se fait au mépris des autres personnages, sous couvert de la forme comique, bien prompte à masquer la lâcheté et la faiblesse politiques.

 
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