Une saga américaine (chapitre 1) – Critique du western indigeste de Kevin Costner – .

Une saga américaine (chapitre 1) – Critique du western indigeste de Kevin Costner – .
Une saga américaine (chapitre 1) – Critique du western indigeste de Kevin Costner – .

L’Ouest interdit

Horizon est, sans aucun doute, une œuvre extraordinaire, qui a assumé depuis ses débuts d’aller à contre-courant. Et pour cette seule raison, on a envie de l’aimer plus que de raison. Déjà, parce que Kevin Costner a toujours voulu revigorer le western, malgré la mort programmée du genre à la fin du XXe siècle, dont il a vécu les derniers souffles avec Gamme ouverte et particulièrement Danse avec les loups. Après presque un siècle de domination sur le cinéma américain (et pas seulement), le western est devenu l’exemple par excellence d’un genre tellement épuisé qu’il s’est éteint de lui-même. Pourtant, Costner fait partie de ces irréductibles qui croient encore fermement à son pouvoir de fascination et à la puissance de son imagerie.

Évidemment, il est très seul, puisqueHorizon est longtemps resté dans ses tiroirs, à cause de studios méfiants face à l’ampleur de cette franchise risquée, qui ressemblait à un château de cartes construit en pleine tempête. Qu’à cela ne tienne : le bonhomme a financé plus de la moitié du premier film avec sa propre fortune (notamment en hypothéquant sa maison). Un tel dévouement force le respect, d’autant que le réalisateur a tenu à tourner d’une traite les deux premiers volets d’une éventuelle tétralogie, malgré les signaux d’alarme de l’industrie.

Quand les huissiers veulent reprendre la maison de Kevin Costner

Il est également intéressant de revenir sur la première mondiale du long métrage au Festival de Cannes 2024. De la même manière que Mégalopole de Francis Ford Coppola (un autre film autofinancé par un grand magnat), cette saga américaine reflète le mouvement mondial deune sélection axée sur les paris fousles ruptures de ton improbables et les coups tous azimuts joués de manière presque suicidaire, comme s’il fallait absolument s’éloigner d’une peur du conformisme imposée par les algorithmes de streaming ces dernières années. C’était souvent indigeste (Émilie Pérez), ou même échoué (L’amour ouf), mais on ne peut pas enlever à ces films leur ambition, et leur envie de tester les limites de leur médium.

De l’ambition, Horizon en a à revendre, lui qui veut réinventer l’écriture du western en faisant de la conquête de l’Ouest un immense terrain de jeu où les destins de nombreux personnages vont s’entrechoquer pendant plus d’une décennie. Sur le papier, c’est très alléchant, d’autant que la franchise a l’occasion (plus théorique que pratique malheureusement) d’équilibrer les points de vue, et de s’éloigner des clichés habituels d’une Histoire écrite par les vainqueurs, et qui a trop souvent fait des Amérindiens des sauvages sanguinaires.

C’est loin mais c’est beau

Kevin Coste cher

Son désir d’un grand spectacle cinématographique épique se conjugue ainsi à la richesse narrative d’une série télévisée.marqué par le choix de tourner le film au format 1.85 (habituel sur le petit écran), et non au majestueux 2.39, qui a souvent mis en valeur les paysages américains. Coster insiste sur une certaine verticalité de l’image, et surtout sur le fait de ne jamais perdre de vue le lien humain, et les visages de ses personnages.

En même temps, l’horizon du titre est d’emblée parasité par des pieux, puis des croix, plantés sur les territoires encore vierges de la vallée de San Pedro. Le péché originel américain est la propriété privée, et sa manière de marquer l’histoire de ces lieux par le nombre toujours croissant de cadavres qui y sont enterrés.

Sienna Miller, toujours la meilleure

D’un point de vue purement théorique, Costner fascine par ce parti pris, qui trouve toute sa puissance dans sa meilleure scène : lors d’une attaque des Apaches sur une jeune colonie, une mère (Sienna Miller, toujours brillante) et sa fille (Georgia MacPhail) cachées dans une cave condamnée n’ont pour respirer qu’un canon de fusil à la surface.

Cette séquence charnière est à la fois la clé de voûte du long métrage, mais aussi ce qui en marque profondément les limites. Au début, on prend plaisir à regarder le film points de vue et camps alternatifsQu’il s’agisse d’Amérindiens déterminés à défendre leur terre ou de colons en quête de vengeance, ce n’est pas toujours subtil, mais les parallèles qu’il tisse entre ses scènes (chacun perd des proches, doit choisir avec quel allié partir, etc.) tendent vers une égalité des forces qui s’étend à tout un pays. Du Montana au Wyoming en passant par le Kansas, les panoramas variés du cinéaste sont empreints de l’odeur de la mort, et reflètent surtout l’escalade inéluctable de la violence.

L’intrigue B déjà oubliée

Danse avec les doux

Le problème est qu’il y a trop de forces en présence.. À partir de 1853, Horizon raconte tour à tour l’histoire d’une mère traquée par la bande de son ex-mari (Jena Malone), les allées et venues des survivants d’un massacre d’Amérindiens, l’arrivée de l’armée qui préfigure la guerre de Sécession ou encore la traque d’un convoi dans le désert. Pour comprendre à quel point le film est saturé d’intrigues, le personnage incarné par Kevin Costner n’arrive qu’à la moitié du film, qui dure 3 heures. L’idée est surprenante, d’autant que la star se donne le beau rôle attendu (mais assez jouissif) du vieux cow-boy sexy, muet mais au grand cœur, qui devrait être le ciment supposé de ces récits voués à se chevaucher.

Nous disons « supposé » parce que cette première partie deHorizon c’est juste une (très) longue introductionqui passe son temps à déambuler de scène en scène, de personnage en personnage, sans jamais rien relier. L’exercice devient aussi épuisant que futile, la durée lancinante du film servant rarement l’épanouissement des protagonistes. On trouve quelques éclairs épars (une discussion tendue entre Costner et un hors-la-loi à la gâchette facile), mais l’investissement demandé par le réalisateur n’est jamais à la hauteur de ses promesses.

Super silence dialogue

En ne s’attardant sur rien, en zappant de situation en situation (souvent au détriment de notre mémoire ou de notre engagement émotionnel), l’ensemble a l’air d’un premier montage brouillon, d’une folie des grandeurs engloutie par sa propre mégalomanie. Pour preuve, nous voulons sa fin totalement arbitrairequi se termine sans prévenir par un montage de sa future suite, sans même un cliffhanger pour appâter le client.

Concrètement, le film pourrait s’arrêter un quart d’heure plus tôt ou un quart d’heure plus tard, et le résultat serait le même, comme si toute la saga avait été composée en un seul bloc grossièrement découpé. D’autant qu’à force de matraquer ses multiples intrigues secondaires, l’ellipse reste le moyen le plus efficace de faire évoluer les héros, alors même que percevoir leur évolution sentimentale ou morale serait le plus intéressant. Exemple à l’appui : la romance naissante entre Sienna Miller et Sam Worthington en soldat courageux, qui n’existe qu’avec des bribes de scènes et les interstices entre elles.

Ah, Sam Worthington !

C’est d’autant plus exaspérant queHorizon transparaît l’amour évident de son auteur pour le western, dont il cherche autant à moderniser l’approche thématique qu’à réunir un siècle d’histoire cinématographique (un peu de John Ford ici, un peu d’Eastwood là). En principe, c’est exaltant, mais en pratique, on a l’impression de voir le long métrage basculer entre plusieurs quêtes de Red Dead Redemption. Face à l’ambition démesurée deHorizonil est difficile de ne pas penser aux derniers chefs-d’œuvre de Rockstar Games, et à la multitude de quêtes qui s’offrent à nous dans ce monde ouvert, pour un rapport plus complet et nuancé sur cette ère de changement en Amérique.

Il est intéressant de voir la saga américaine de Costner s’attaquer aux mêmes problèmes dans un média moins optimal, mais Horizon devient un objet véritablement bâtard et paradoxalcoincé dans cette nature hybride qui semble incapable de faire un choix clair. D’un côté, la proposition est tournée vers le passé, vers un bon vieux temps oublié que Costner espère remettre au goût du jour. De l’autre, il vise une forme d’exhaustivité narrative digne des nouveaux médias, comme s’il avait mélangé l’écriture de jeu vidéo à plusieurs saisons de Yellowstonele tout avec une ampleur esthétique d’antan réservée au grand écran. On a clairement envie de saluer l’effort et ses excès… jusqu’à l’indigestion.

 
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